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- Le fantôme
- 01C'était tremblant, c'était troublant,
- 02C'était vêtu d'un drap tout blanc,
- 03Ça présentait tous les symptômes,
- 04Tous les dehors de la vision,
- 05Les faux airs de l'apparition,
- 06En un mot, c'était un fantôme !
-
- 07À sa manière d'avancer,
- 08À sa façon de balancer
- 09Des hanches quelque peu convexes,
- 10Je compris que j'avais affaire
- 11À quelqu'un du genr' que j'préfère
- 12À un fantôme du beau sexe.
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- 13"Je suis un p'tit Poucet perdu,
- 14Me dit-ell', d'un' voix morfondue,
- 15Un pauvre fantôme en déroute.
- 16Plus de trace des feux follets,
- 17Plus de trace des osselets
- 18Dont j'avais jalonné ma route !
-
- 19"Des poèt's sans inspiration
- 20Auront pris - quelle aberration -
- 21Mes feux follets pour des étoiles.
- 22De pauvres chiens de commissaire
- 23Auront croqué - quelle misère ! -
- 24Mes oss'lets bien garnis de moelle.
-
- 25"À l'heure où le coq chantera,
- 26J’aurai bonn' mine avec mon drap
- 27Plein de faux plis et de coutures !
- 28Et dans ce siècle profane où
- 29Les gens ne croient plus guère à nous,
- 30On va crier à l'imposture. "
-
- 31Moi, qu'un chat perdu fait pleurer,
- 32Pensez si j'eus le cœur serré
- 33Devant l'embarras du fantôme.
- 34"Venez, dis-je en prenant sa main,
- 35Que je vous montre le chemin,
- 36Que je vous reconduise at home."
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- 37L'histoire finirait ici
- 38Mais la brise, et je l'en r'mercie,
- 39Troussa le drap de ma cavalière...
- 40Dame, il manquait quelques oss'lets,
- 41Mais le reste, loin d'être laid,
- 42Était d'un' grâce singulière.
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- 43Mon Cupidon, qui avait la
- 44Flèche facile en ce temps-là,
- 45Fit mouche et, le feu sur les tempes,
- 46Je conviai, sournoisement,
- 47La belle à venir un moment
- 48Voir mes icônes, mes estampes...
-
- 49"Mon cher, dit-elle, vous êtes fou !
- 50J'ai deux mille ans de plus que vous...
- 51— Le temps, madam', que nous importe !"
- 52Mettant le fantôm' sous mon bras,
- 53Bien enveloppé dans son drap,
- 54Vers mes pénates je l'emporte !
-
- 55Eh bien, messieurs, qu'on se le dise :
- 56Ces belles dames de jadis
- 57Sont de satanées polissonnes,
- 58Plus expertes dans le déduit
- 59Que certain's dames d'aujourd'hui,
- 60Et je ne veux nommer personne !
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- 61Au p'tit jour on m'a réveillé,
- 62On secouait mon oreiller
- 63Avec un' fougu' plein' de promesses.
- 64Mais, foin des délic's de Capoue !
- 65C'était mon père criant : "Debout !
- 66Vains dieux, tu vas manquer la messe !"
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- 67Mais, foin des délic's de Capoue !
- 68C'était mon père criant : "Debout !
- 69Vains dieux, tu vas manquer la messe !"
Georges Brassens
<<(1966 - Supplique pour être enterré à la plage de Sète, 2)>>
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