Ça ne saute pas aux yeux, mais... Cette chanson a été traduite à l'espagnol par Pierre Pascal et chantée par Paco Ibañez. Ce qui est curieux, c'est que, ici en Espagne, elle est comprise "surtout" comme une chanson de protestation "sociale", contre l'armée, la justice ... alors qu'en fait, Brassens vise essentiellement ces "braves gens", comme il le fait dans bien d'autres chansons (Chanson pour l'Auvergnat, etc.)
On a l'impression que pour Brassens, "l'ennemi", plus que la société, c'est "l'individu" qui permet cette société. Ne disait-il pas que la vraie révolution consistait à devenir un meilleur individu jour après jour ? [contact auteur : Aniceto Lucena] - [compléter cette analyse]
Complément Une anecdote racontée par Paco Ibanez lors d'un concert : la traduction de La mauvaise réputation eut un tel succès en Espagne qu'une connaissance du chanteur lui dit un jour : "eh, Paco, j'ai entendu ta chanson reprise en français à la radio !" [contact auteur : Donatienne B.]
Complément "Nous nous sommes trompés. Ce qu'il aurait fallu à ce pays, c'est une demi-douzaine de St François d'Assise répartis sur le territoire."
Vladimir Ilitch Lénine, juste avant de perdre l'usage de la parole. [contact auteur : Jean-denis Dacquet]
Chemin de petit bonhomme Ici encore Brassens retourne une expression bien connue "suivre son petit bonhomme de chemin", qui signifie vivre tranquillement, aller doucement, à son rythme. [contact auteur : Xavier B.] - [compléter cette analyse]
Rime "que" rimant avec "qu'eux": on voit que Brassens a joué dès ses débuts avec les rimes. Le mot à la rime porte par définition un accent ; or il n'est pas conforme à l'usage français d'accentuer un mot-outil (comme l'est "que"). L'écart provoque un effet assez violent, que chacun ressentira et interprétera ad libitum. [contact auteur : Alexandre P.] - [compléter cette analyse]
Rime Phonétiquement, la rime est fausse en ce qui concerne le français parlé (à l'époque de Brassens) au nord d'une ligne Lyon-Bordeaux (en gros). Mais dans le Midi de la France, QUE est phonétiquement assez fermé et peut rimer avec QU'EUX. Bizarrement d'ailleurs, les accents régionaux tendant à s'uniformiser sur les modèles de ce qu'on entend à la radio et à la télé d'une part, et d'autre part sous l'influence des accents pied-noir et arabe depuis les années 60-70, il me semble que la différence phonétique entre "E" et "EUX", de même que entre "É" et "Ê" est de plus en plus mince. Écoutez les présentateurs télé : "Moi jeu dis queu c'é tré vré ceu queu vous nous dites là." [contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément à ma connaissance, Brassens n'a pas confondu dans ses rimes é et è ce qui fut par contre le jeu de Bobby Lapointe.
Je souscris à cette analyse sur la dégradation de la prononciation chez les présentateurs télé mais il faut écouter d'anciens interviews pour s'apercevoir que la tendance existait déjà il y plusieurs dizaines d'années.
En fait cette prononciation n'est peut être pas toujours à attribuer à des restes d'accent du midi (comme chez Julien Le Pers ou Jammy Gouraud) mais peut être aussi à une mauvaise assimilation des phonèmes du français historique dans les milieux artistiques souvent cosmopolites.
Parmi les mots les premiers touchés : mé, lé, fé, cé, déché, méfé, [contact auteur : Stéphane Jourdan]
Mutisme et parole Les deux derniers vers de ce couplet amènent une première image à propos des handicaps liés à la perte d'une fonction corporelle. On retrouve le même thème métaphorique employé par GB dans Les patriotes.
Ici, "médire" renvoit à "mauvaise réputation" et "muets" à "rester coi". [contact auteur : Sylvain B.] - [compléter cette analyse]
Complément Dans les refrains, iln'y apas toujours de rapport sémantique avec le couplet, par contre tout au long de la chanson on peut observer une gradation :
- tout le monde médit de moi
- tout le monde me montre au doigt
- tout le monde se rue sur moi
- tout le monde viendra me voir pendu
voilà où mène la rumeur... [contact auteur : David Mandel]
Brassens Le 14 juillet, c'est le jour de la fête nationale de la prise de la Bastille. A cette occasion les troupes militaires françaises défilent sur les Champs Elysées au son de la fanfare et sous le regard du Président de la République. Par ce vers, Brassens exprime son refus de participer à ce genre de manifestation. Il préfère son "lit douillet" à "la musique qui marche au pas". Par ces quelques vers, Brassens illustre à la fois son anticonformisme et son antimilitarisme. [contact auteur : Thierry B.] - [compléter cette analyse]
Complément Le 14 juillet ne commémore pas la prise de la Bastille (1789) mais la fête de la fédération (1790). Il est vrai qu'elle fut si peu utile qu'on l'oublie facilement. [contact auteur : Jean-denis Dacquet]
Regarde On aurait pu avoir un octosyllabe comme Cela ne m'intéresse pas ou Cela ne me concerne pas... Mais le choix d'un verbe appartenant au champ sémantique des 5 sens prouve encore une fois le souci du détail poétique cher à GB. [contact auteur : Sylvain B.] - [compléter cette analyse]
Complément La mauvaise réputation
Le dernier vers de chaque couplet qui constitue une métaphore ironique sur les handicaps corporels renvoie au vers précédent qui le justifie parfaitement : 1)"médit " et "les muets" 2) "montre au doigt" et "les manchots" 3) "se rue" et les "culs de jatte" 4) vie,dra me voir " et les "aveugles" . [contact auteur : Michelle Briquet]
Clairon Le clairon est le descendant du "buccin" romain et l'ancêtre de la trompette moderne. En fait c'est une trompette primitive, sans pistons ni clés, et donc capable de jouer uniquement un nombre limité de notes, ce qui est apparemment suffisant pour les grands succès de la musique militaire ("Troufion lève-toi", "V'là l'général qui passe", "Aux morts", etc.). [contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément GB connaissait peut-être la chanson intitulée "Bergeries" de Philippe Desportes (1546-1606) qui résume sa philosophie épicurienne : Ô bienheureux qui peut passer sa vie
Entre les siens franc de haine et d'envie
[...]
Et quand la nuit à son aise il sommeille
Une trompette en sursaut ne l'éveille
Pour l'envoyer du lit au monument. [contact auteur : Dominique Chailley]
Manchots A la fin de ce deuxième couplet, la métaphore est filée, avec les manchots. Mais on ne retrouve pas de renvoi au corps du couplet, qui, lui, ferait plutôt référence à la surdité.
A ce propos, un des nombreux traducteurs-adaptateurs de Brassens, Ralf Tauchmann, s'est permis justement de remplacer dans une version allemande, les manchots, qui n'ont pas d'équivalents simples dans la langue de Goethe par des sourds ; et alors un lien est créé entre ceux "qui prêtent l'oreille", "les sourds", "le clairon qui sonne" et "la musique qui marche au pas". [contact auteur : Sylvain B.] - [compléter cette analyse]
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Complément A vrai dire, le renvoi à la surdité n'est que de surface ; ce dont il s'agit réellement est l'antimilitarisme, et c'est cette attitude que "les braves gens" montrent du doigt, vilipendent. [contact auteur : Dominique Chailley]
Cul-terreux Le caractère "terreux" de ce cul qui se retrouve "par terre" montre combien il est bien à sa place [contact auteur] - [compléter cette analyse]
Cul-terreux Paysan, oui, mais dans le langage populaire du XIXème siècle, ce vocable ne s'appliquait qu'aux "domestiques" (manoeuvres)
Les propriétaires étaient qualifiés de "maître" ou "Baïle en languedoc" [contact auteur : Hyacinthe R.] - [compléter cette analyse]
Voleur de pommes Dans le folklore traditionnel, les voleurs de pommes sont les enfants ou les Gitans, lesquels ont aussi la réputation de "voleurs de poules". On peut souligner la parenté de la bohème que vivent les Gitans avec l'anarchisme que professait Brassens : ni Dieu, ni Maître. [contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément Ne pas oublier que le discours catholique dénonce Adam et Eve comme les premiers voleurs de pommes de l'Histoire... [contact auteur]
Cul-de-jatte La jatte (lat. gabata = plat) est un vase rond et sans rebord ; par extension, un "cul-de-jatte" est une personne privée de ses jambes Larousse [contact auteur] - [compléter cette analyse]
Culs-de-jatte Métaphore toujours filée sur les handicaps corporels. Et les références au reste du couplet sont ici évidentes: "poursuivi", "la patte", "courir", et même le mot cul de "cul-terreux" et "culs-de-jatte". [contact auteur : Sylvain B.] - [compléter cette analyse]
Jérémiades Dans le langage courant, Jérémie passe un peu pour un prophète de malheur, un spécialiste des lamentations. Au point que "jérémiades" a fini par prendre le sens de lamentations incessantes, pas forcément fondées et particulièrement pénibles pour les auditeurs. Ex: "Arrête un peu tes jérémiades, tu nous casses les pieds." [contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Corde A signaler par ailleurs que la corde du pendu, peut-être par hommage au célèbre poème de Villon, revêt une importance réelle pour les bourreaux ou les bien pensants... Se souvenir de Celui qui a mal tourné : Y s'voyaient déjà partageant
Ma corde, en tout bien tout honneur
En guise de porte-bonheur [contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
Complément En retournant cette expression bien connue, Brassens exprime son non-conformisme, son refus de suivre le même chemin, de vivre la même vie, que les "braves gens", qui regardent de travers ceux qui pensent autrement qu'eux. [contact auteur : Bruno Barral]
Rome Sur le fond, les chemins qui mènent à Rome, résidence du Pape, sont ceux de la morale catholique, dont Brassens n'était pas un adepte enthousiaste. Voir L'antéchrist, entre autres.
Pour comprendre l'anticléricalisme de Brassens, il faut se souvenir qu'il a passé son enfance à entendre des sermons sur "la France fille aînée de l'Église" et des chansons du genre "Catholique et Français toujours!" sous Pétain. [contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Tout l´mond´ viendra me voir pendu, On peut rappeler ici qu'il n'y a pas si longtemps, le spectacle du "châtiment suprême" (mise à mort d'un condamné) était un spectacle public et très couru... Drôles de moeurs. [contact auteur : Bruno Barral] - [compléter cette analyse]
Aveugles La symétrie de la métaphore filée se poursuit jusqu'au dernier vers. Mais il n'est pas certain que l'on puisse trouver un quelconque rapport entre la cécité et le reste du dernier couplet. Si ce n'est que Jérémie raconte dans l'Ancien Testament comment Nabuchodonosor, roi de Babylone, détruisit le Temple de Jérusalem, tuant les fils de son vassal, Sédécias, sous les yeux de celui-ci, avant de les lui crever. [contact auteur : Sylvain B.] - [compléter cette analyse]