Que voici Aucun mot n'est laissé au hasard ! Dans cette expression Brassens montre bien qu'il se trouve devant le jardin et si l'on en croit le vers 41 le Croque-notes n'est autre que lui-même. Si on pouvait avoir un doute auparavant, il n'a plus raison d'être.
La Zone "La zone : les faubourgs misérables d'habitations précaires construites sur les glacis des dernières fortifications de Paris, avant leur démantèlement, en 1919, puis sur l'emplacement de ces fortifications, après leur démolition." (GRAND ROBERT)
Sur ce site, on trouve des explications un peu plus détaillées : www.parisbalades.com/Voc/vocabulaR-Z.htm
"... la zone a été urbanisée par une "ceinture verte" de terrains de sport et par une deuxième ceinture de HBM dans les années 1920."
La fine fleur Il semble que l'acception de 'fleur' dans ce sens vienne d'un mélange entre l'anglais 'flour' et le français 'fleur'; le français ayant repris le mot anglais en lui attribuant le sens de 'la meilleure farine, la plus blanche, la plus rafinée'.
On retrouve ce sens dans 'Charlemagne à la barbe fleurie' (qui veut dire 'blanche'), et le mot 'florilège' - le même sens que la fine fleur, 'the fine flour' - la farine fine fleur! que l'on voit encore aujourd'hui sur les paquets.
Complément Etymologiquement, il ne semble pas qu'il y ait ici mélange entre le français et l'anglais. C'est l'anglais qui a emprunté au français le mot "fleur" pour créer "flour" (Collins), la belle farine blanche étant depuis longtemps chez nous la "fine fleur du froment".
L'anglais nous a emprunté aussi "conter fleurette" qui est devenu "flirt" et nous est revenu sous la forme bâtarde du verbe "flirter". Pourquoi pas "fleureter" ?
Nous avons aussi la fine fleur de la société, la fleur de la jeunesse, la fleur de l'âge, la fleur d'une civilisation, bref, ce qu'il y a de meilleur et de plus beau, le top, l'élite.
Des besogneux, des gueux, des réprouvés Cette description de la zone et de sa "faune" fait penser à la cour des miracles et à la vision romantique qu'en a donné Victor Hugo dans Notre Dame de Paris.
Une épave accrochée à sa guitare Brassens n'a jamais renié ses origines modestes, et le temps de vaches enragées où il traînait dans Paris, logeant chez "la Jeanne".
Complément Inversement, dans les romans feuilletons du 19ème siècle, ce sont les filles de famille qui, après avoir fauté, abandonnent leur rejeton (preuve de leur déshonneur) sur le parvis d'une église, lequel bébé sera élevé par de pauvres gens. Plus tard, on s'apercevra que l'enfant de pauvre était en fait prince ou princesse... Il y a eu, dans la littérature populaire, beaucoup de variations sur ce thème universel de l'origine cachée -- signe sans doute de l'importance de savoir d'où l'on vient, et où sont nos racines. C'est d'ailleurs le thème de la légende d'Oedipe.
Amalgame de scrupules Les avances "innocentes" de Princesse éveillent des sentiments de culpabilité d'origine religieuse ("Dieu du Ciel"), naturelle ("étoffe du Satyre", vers 26) , morale ("grosse différence" d'âge, vers 27-28) et juridique ("cachot", vers 28-29). Il en restera un sentiment de regret... (vers 42)
Satyre 1. Mythologie : "Demi-dieu qui habitait les bois et qui avait des jambes et des pieds de bouc." (LE LITTRÉ)
2. "Fig. et familièrement. Homme cynique, très adonné aux femmes" (LE LITTRÉ; sens aujourd'hui vieilli)
3. "Mod. fam.: Homme lubrique, obscène, qui entreprend brutalement les femmes; exhibitionniste, voyeur." (LE PETIT ROBERT)
Contre exemple Ici, alors que GB nous décrit des mendiants rivalisant de tares, on aurait pu croire qu'ils l'étaient tous. Or, on voit dans le croque-notes, dans ce couplet là, comme un homme bon et juste, qui a du mérite et qui peut être fier de lui.
Pédophilie ? On peut penser que les lois contre la pédophilie étaient moins dures à l 'époque où GB a écrit cette chanson... On ne parle que de détournement de mineur, alors que cette princesse n'a que 13 ans.
Filer à l'anglaise "sans prendre congé et sans être aperçu." (Petit Robert)
Vu la mélodie de cette chanson, peut-être y a-t-il un clin d'oeil à la musique anglaise ?
Charrette / des chiffoniers Enjambement mélodiquement osé, mais assez courant dans la poésie moderne, qualifié de "rejet" à cause de l'effet ainsi produit. Ces rejets au milieu du sizain à rythme tripartite (aabccb) sont rares chez Brassens, mais un autre se trouve au même endroit dans la dernière strophe de La messe au pendu (...un plat / De cureton ..).
Il le regrette Oui, il le regrette : si on a bien lu le texte, le lieu qui autrefois était un terrain vague est aujourd'hui un jardin. Outre le fait qu'après vingt ans, le Croque-Notes semble toujours seul...
Complément On peut aussi penser qu'il regrette de ne pas avoir emmené la fille avec lui, qui aurait aujourd'hui une trentaine d'années. Mais comme elle avait 13 ans à l'époque, cette pensée est délicate.
Complément Changement de focalisation: d'observateur qu'il était, le poète se propulse dans la peau du croque-notes; tout en pudeur malgré tout, deux vers seulement étant consacrés aux sentiments...
Complément Changement d'avis sur ce croque-notes !
On le voit en héros jusqu'à présent, qui n'a pas cédé aux avances de la petite princesse, puis, avec ce vers plus qu'ambigu, il peut arriver à nous dégoûter.
Complément Une illustration du poème d’ Antoine Pol Les passantes : Mais si l'on a manqué sa vie,
On songe avec un peu d'envie
À tous ces bonheurs entrevus,
Aux baisers qu'on n'osa pas prendre…