Insidieux Grande malice de la part de Brassens dans l'emploi de cet adjectif. La beauté est un des thèmes les plus mis en débat par les théologiens : elle est à la fois don de Dieu (qui a fait l'homme à son image) et puissance diabolique de tentation. Ici elle semble plutôt pencher du côté du mal, mais grâce à un adjectif qui appelle la rime avec Dieu et qu'on peut entendre "ainsi Dieu"
Attrait du fruit défendu Ces deux vers sont de véritables bijoux, qui placent la certitude inébranlable ("le plus sûr", "le plus honnête") du côté de l'athéisme et du paganisme, et la tentation de la faute ("se laisserait aller") du côté de la foi.
Complément Et non seulement la certitude, mais aussi la vertu (alors qu'on sait bien que seul un croyant peut être honnête, puisqu'il va à la messe chaque dimanche...)
Sonnette Je ne peux m'empêcher de penser aux carnets de Victor Hugo qui notait en espagnol 'sino' ( = cloche, clochette, sonnette) les petits services que lui rendaient parfois ses servantes, moyennant finances . Il faut bien les mettre en branle.
Complément Queue de cheval : découvrir chez un être humain des parties animales (pied fourchu, etc.) cachées sous un vêtement a longtemps été la meilleure façon de prouver ses accointances avec le diable.
Enfants de coeur Cette rime dite "batelée" (rime de fin de vers avec l'hémistiche suivant : coeur - choeur) évoque des "enfants de coeur" (figure de style dite "antanaclase" : reprise d'un même mot, ici homophone, dans un autre sens).
Stalle nom féminin
Chacun des sièges de bois, à dossier élevé, garnissant les deux côtés du chœur d'une église cathédrale ou abbatiale. (Les stalles étaient réservées au clergé, aux moines ; beaux ensembles sculptés à partir du XIIIe s.) Larousse
Rime équivoquée par homophonie Procédé fréquent chez Brassens qui consiste à faire rimer deux mots identiques sur le plan phonique mais non synonymes. Elle a ici pour effet de lier intimement le Diable au corps de la religieuse en accentuer la sensualité de la description (on entend une deuxième fois "soie")
Ou débitent Brassens, quand il chante, marque une pause à cet endroit, et l'on entend "où des bites" en se demandant ce qu'elles font aux consoeurs sagement couchées....
Influence Renaud, grand amateur de Brassens, fit le même genre d'effet dans la chanson Dès que le vent soufflera. En effet, on peut y entendre : Assise sur une bitte
D'amarrage, elle pleure
A l'écoute, on ne pense pas forcément au même genre de "bitte".
Psyché Grand miroir sur pied et pivotant sur son axe (donc permettant de se contempler sous toutes les coutures).
C'est en réalité une syllepse, procédé qui consiste à employer un mot à la fois au propre et au figuré, dans la mesure où l'on peut y voir aussi la référence à l'héroïne grecque Psyché, femme à la beauté exceptionelle (la religieuse se contemple devant l'image de sa beauté), voire devant son âme (étymologie grecque de Psyché), pécheresse bien entendu.
La nonne à sa toilette G.B. a peut-être lu le Ver-Vert de Gresset (milieu XVIIIe s.) où le perroquet-mascotte des Religieuses de Nevers assiste à leur toilette (fin du Chant premier).
De la croix Utilisation singulière de la croix chrétienne, qui rappelle l'équivoque phallique dans la Supplique pour être enterré à la plage de Sète : J'en demande pardon par avance à Jésus,
Si l'ombre de sa croix s'y [sur une ondine endormie] couche un peu dessus.
Complice Une autre homophonie (complice / "qu'on plisse" suggérant que les pommettes se relèvent et qu'un sourire accompagne donc le regard), un 'trompe-l'oreille' dont nous parle si bien Ralf T.
Souffrent Syllepse sur le verbe ? C'est-à-dire employé à la fois dans le sens de "ressentir de la douleur" et dans le sens de "supporter" (type "je ne peux pas le souffrir")
Encore ! Encore ! Vieille obsession chez Tonton Georges. Au lieu de s'écrier "Hardi ! Hardi !" certaines déclament du Claudel (Misogynie à part), "Debout ! Debout les morts !" revendique l'épouse d'un rédacteur en chef, alors que d'autres font la synthèse : "Encore, encore, encore, Hardi hardi, Pousse le radis, dis !" (Les radis)
Autre chose Revoilà les cornes du cocu ! La saveur de cette allusion tient ici au fait que le narrateur du texte est manifestement un catholique convaincu, comme en témoignent les nombreuses incises type "bonne mère", "c'est un scandale", etc., et que celui-ci rapporte ici les paroles du curé. Ainsi le curé blasphème dans son indignation et son ouaille rapporte consciencieusement le blasphème.
Opinent Le mot "pine" est sous-jacent à tout le couplet : tord la pine ou turlutte pine, chargée des pines. On peut penser à ces chansons semi-paillardes comme La jeune fille du métro, très en vogue au début du XXème siècle, où un mot grossier est suggéré par la rime, c'est-à-dire le retour obsédant du son, mais jamais prononcé.
Voir www.paroles.net/chansons/17055.htm
Complément bis Je pense qu'il faut ici entendre "Branlant du chef aux pines", c'est à dire branlant de bas en haut, tant du point de vue du tremblement nerveux que de la masturbation dont il est finalement question, plus tard.
Que de queues Là encore, Brassens fait une pause au bon endroit...
On peut y voir également une référence à l'humour potache qui consiste à crier "de cheval" dès qu'un mot terminant par "que" ou "pine" est prononcé (voir également la chanson de Bobby Lapointe "Saucisson de cheval")
Crâne tondu Il en va donc de La religieuse comme de la collabo de La tondue : l'important n'est pas l'accroche-coeur en lui-même mais en tant que symbole, c'est-à-dire de lien vers le fantasme, sexuel ici, de reconnaissance sociale là-bas.
Sentences De par leur forme de sentence, les quatre premiers vers du couplet closent fortement le sens du texte : il y avait fantasme collectif mais la vérité est rétablie. Par conséquent, le narrateur, ou si l'on préfère, la voix textuelle, se tait, imitant en cela Jésus qui peut "s'endormir en paix".
Cette interprétation permet de résoudre l'énigme laissée par le dernier vers de la chanson. On peut avancer que ce n'est plus le narrateur principal du texte qui s'exprime, mais une voix autre, celle d'un observateur désabusé et cynique (peut-être un enfant de choeur lui-même) qui énonce avec trivialité l'activité onaniste des enfants de choeur, au contraire du narrateur premier, qui se forçait à l'occulter mais dont le discours foisonnait de lapsus que le facétieux auteur mettait dans sa bouche.
Se masturber Si l'on y fait bien attention, toute la chanson nous parle de masturbation avec les doubles sens et les sonorités triviales des fins de couplets : "branlant", "opinent", "que de queue", "agitant leurs grelots", etc.
Se masturber Oui, le dernier refrain exprime ce qui a déjà été évoqué et c'est pourquoi je regrette beaucoup ce pavé lancé à la fin de cette chanson si subtile et délicate. Pour ma version allemande, j'ai fait deux variantes de chute et je préfère chanter celle qui reste un peu plus dans le vague. Le dernier vers de Brassens ne me convainc pas, c'est l'un des rares cas où je pense que Brassens aurait dû rester dans le même registre plutôt que de "dénoncer" la chanson...
Triste branlette On peut aussi considérer ce dernier vers bien terre à terre comme l'éjaculation finale (et décevante puisque sans objet) qui suit la montée en puissance des fantasmes des enfants de choeur à chaque couplet.
Complément Suite aux vers précédents on s’aperçoit que finalement cette histoire n’était qu’un fantasme. L’ambiguïté du texte qui en faisait son charme est donc rompue et de la même façon GB rompt avec le style qu’il employait jusqu'à présent pour revenir à un vocabulaire plus commun. C'est le retout à la réalité.
Selon moi l’hypothèse d’un narrateur unique peut garder tout son sens.