Complément "mettre de l'eau dans son vin" c'est aujourd'hui plutôt une façon de dire qu'on en rabat sur ses principes et ses convictions, qu'on est moins fanatique qu'on a pu l'être, qu'on n'est plus aussi intolérant qu'on l'était. Il me semble que c'est cette expression que GB ramène à la réalité en la détournant, comme il le fait souvent: il la prend au pied de la lettre et il la retourne. Il faut comprendre: j'étais fauché et je n'avais même plus les moyens de boire du vin, j'en étais réduit à boire de l'eau
Relativisme GB nous prend à contrepied ici, et attire notre attention sur l'injustice dont il a été l'objet par la suite. Il nous décrit sa situation comme déplorable (pas de nourriture, pas de chauffage, à l'article de la mort), et conclut par "[C'est dans ces conditions] que j'ai mal tourné". Encore une touche d'ironie cinglante dont GB a le secret...
Complément C'est là où c'est drôle : il n'était pas clair alors qu'il buvait, mais c'est aprés qu'il dit avoir mal tourné, selon lui. Le fait de boire n'était donc pas si grave. Il donne donne une gradualisation à ses travers.
Complément A rapprocher bien sûr de l'état de dénuement exposé au premier couplet. En notant également que le coupable est lui-même prêt à reconnaître qu'il est allé trop fort ("pas par quatre chemins", "en un tournemain") avec une arme "par destination", qu'on imagine trouvée sur place : une simple bûche.
Complément Et puis surtout, à mettre en résonance avec :
- la forme que prend ladite "bonne justice" au vers 21
- les motifs intéressés de cet appel au meurtre légal (vers 21-22)
- la condition de "simples mortels" (21) qui, apparemment, n'est pas suffisante pour que ces bonnes gens s'interrogent sur ce qu'est une vie d'homme...
Le pendu Soit dit en passant, c'est un petit clin d'oeil à La mauvaise réputation, rappelant à nos mémoires par ce seul vers la leçon de morale de cette autre chanson.
Anatomie La précision rigoureuse du détail (on s'attendrait à :"les genoux tremblants" ou autre locution un peu moins savante que "sur mes fémurs") produit un cocasse effet de surprise. On peut rapprocher ça de "les rotules à terre" pour "à genoux" dans Le Mécréant.
Complément Il faut noter, plus précisément, les doubles significations de ce que disent les passants. Ils sont à la fois amicaux et ironiques. Le vers 34 peut être interprété aussi bien positivement que négativement. Pour autant la mort qu'ils souhaitaient pendant le procès n'est plus d'actualité. Simplement, l'ironie que l'on trouve au début de la chanson se trouve, par conséquent déplacée du narrateur à la populace. Ce qui va permettre d'expliquer pourquoi les derniers vers, non seulement sont pauvres, mais en plus décrivent le narrateur, Brassens, dans un tragique état. Or, jamais Brassens ne se représente ailleurs de cette façon, si ce n'est en ajoutant de la légèreté dans sa mélodie. Ce qui n'est absolument pas le cas dans cette chanson.
Terre / terre On pourrait reprocher à GB cette rime "doublon", qui n'est pas dans ses habitudes. Mais la splendeur des deux couplets précédents compense, et bien au-delà, cette petite faiblesse dont il est pourtant dommage qu'elle se situe à la chute de cette admirable chanson.
Complément Aragon a dit : L'art du vers est l'alchimie qui change en beautés les faiblesses.
Cette rime "terre-à-terre" paraît même un bel exemple de la rime du même au même : il s'inscrit dans le cadre formel des doublons volontaires et structurels : "il y avait des temps et des temps" au début et "il restait encore du monde et du beau monde" à la fin. De plus, le vers 38 déclenche la chute notionnelle par l'opposition du MONDE à la TERRE, d'abord à la planète (sur terre = la Terre), puis au niveau du sol (par terre = le sol). Le mot cul ne fait que renforcer cette chute profonde qui devient ainsi symbolique pour la chute sociale...
Une chanson très touchante...
Complément Et ne peut-on y voir la même construction en contraste que pour :
- ... les humains [élargissement à l'humanité tout entière]
- ... mon chemin [effet de loupe sur l'homme seul]