La noblesse de la pêche J'y vois pour ma part une certaine forme de noblesse liée au contact avec la nature. D'autre part la pêche à la ligne est synonyme de patience, or plusieurs chansons de brassens font référence au côté vertueux de la patience. Ce vers montre donc clairement l'opposition entre le mari cocu qui s'ennoblit en pêchant tandis que sa femme s'avilit en le trompant.
Complément On pourrait croire voir aussi une 'sublimation' dans le sens de Freud (ne pas s'adonner aux plaisirs 'bas' de ce monde), d'autant plus qu'à l'écoute de la chanson, "je pêche / je pèche" est loin d'être univoque : l'antithèse "pécher" <-> "ennoblir" s'emmêle avec un petit clin d'oeil...
Complément On pourrait peut-être aussi évoquer la "noblesse" du travail, qui était un des clichés des leçons de morale à l'école publique, du temps de la jeunesse de Brassens. Ou encore, le fait qu'après une vie consacrée à s'enrichir, il n'était pas rare que de grands bourgeois soient ennoblis par le roi (c'est encore le cas en Angleterre). L'accession à la noblesse étant, dans ce cas, la consécration d'une vie de labeur. Vous me direz, quel rapport entre la pêche et le travail? Allez demander aux pêcheurs bretons.
Le péché de la noblesse Effectivement, comme le note Ralf Tauchmann, le péché (mal) et la noblesse (bien) se rencontrent et créent ce qu'on appelle, en grammaire, une antithèse. On est assez loin, n'en déplaise à Jérémy A, de la "noblesse de la pêche". D'ailleurs, par la pêche, GB faisait plutôt, me semble-t-il, un éloge de la paresse qu'un éloge de la patience.
Sacrifie à L'usage du verbe "sacrifier" avec préposition est fréquent chez Brassens, dans le sens de "s'adonner à", et souvent, comme ici, dans un sens sexuel qui réactive le sens étymologique de "faire un sacrifice à un dieu", souvent Vénus.
Comment ne pas penser ici à un retournement malicieux des dévotions dans le couple ? Pendant que le mari pèche (à l'oreille), ce qui est paradoxalement qualifié de noble, la femme accomplit un vénérable rituel, mais c'est celui d'une marie-couche-toi-là.
Du cerf sur la tête Symbole du cocuage.
L'origine de ce symbole provient peut-être de ce récit que fait Geoffrey de Monmouth dans son ouvrage "La vie de Merlin" (1148) : Merlin, retiré dans sa chère forêt calédonienne, apprend dans les astres l’imminent remariage de sa femme. Monté sur un cerf, il se rend au palais suivi des animaux de la forêt. A une fenêtre, gwendoline et son fiancé surpris par son équipage éclatent de rire. Furieux, Merlin alterne les cocus, en arrachant les cornes de sa monture et en les jetant à la tête de son rival qui descend, encorné, au royaume souterrain.
Cornes L'origine des cornes pourrait venir du Dieu celte Cernunnos - représenté la tête couverte de bois de cerf -, symbole de fertilité et d'abondance et époux maintes fois trompé de la déesse Terre.
Faire un trou à la lune LE LITTRE (1872): Fig. Il a fait un trou à la lune, ou, anciennement, à la nuit, il s'est dérobé furtivement, et, en mauvaise part, il a emporté l'argent, il a fait banqueroute, il s'est enfui sans payer ses créanciers...
LE LITTRE cite ensuite Voltaire : "Entre emporter le chat et faire un trou à la lune, les savants pourront trouver quelque différence ; ils diront qu'emporter le chat signifie simplement partir sans dire adieu, et faire un trou à la lune veut dire s'enfuir de nuit pour une mauvaise affaire ; un ami qui part le matin de la maison de campagne de son ami, a emporté le chat ; un banqueroutier qui s'est enfui a fait un trou à la lune ; l'étymologie est toute naturelle pour un homme qui s'est évadé de nuit, VOLT. Lett. Delisle, 15 déc. 1773."
Lune de miel L'expression "lune de miel" désigne originellement le premier mois du mariage, où tout est amour et douceur pour les époux ; elle proviendrait du proverbe arabe : "la première lune après le mariage est de miel, celles qui la suivent sont d'absinthe"
Septième ciel Les textes de la kabbale, talmud, coran, bible, évoquent plus ou moins clairement une stratification du ciel, dont le septième et dernier étage serait le siège du divin
Déprécier quelque chose à quelqu'un Cette construction du verbe "déprécier" est originale mais, a priori, rien ne l'interdit. Sans doute faut-il comprendre "rend ce pacte moins respectable à mes yeux".
Corne Symbole du cocuage.
L'origine de ce symbole provient peut-être de ce récit que fait Geoffrey de Monmouth dans son ouvrage "La vie de Merlin" (1148) : Merlin, retiré dans sa chère forêt calédonienne, apprend dans les astres l’imminent remariage de sa femme. Monté sur un cerf, il se rend au palais suivi des animaux de la forêt. A une fenêtre, gwendoline et son fiancé surpris par son équipage éclatent de rire. Furieux, Merlin alterne les cocus, en arrachant les cornes de sa monture et en les jetant à la tête de son rival qui descend, encorné, au royaume souterrain.
Complément Ici il faut aussi remarquer qu'il construit ce vers en s'inspirant de l'expression "ne plus savoir où donner de la tête" qui signifie qu'on est dépassé par des évènements qui se présentent en trop grand nombre et/ou de manière désordonnée ; ce qui laisse à penser que son épouse doit avoir des tas d'amants...
Complément Va pour Merlin, mais derri'ère (ou devant) "corne" (v. 13), "écorner" (v. 11), "écornifleur" (v. 17), il y a plus prosaïquement un symbole phallique. "Encorner" en quelque sorte.
De tout poil Littéralement de toutes les couleurs de poil, classification qui s'appliquait aux chevaux (bais, alezans, etc.).
Donc des galants de toutes sortes (des bruns, des blonds, des roux...).
Dans mon verre Cf. Les nombreuses expressions qui peuvent servir à évoquer le cocuage (elles évoquent souvent le fait de mettre "quelque chose" (une partie du corps) dans "quelque chose" (un objet) : "Il a chaussé mes pantoufles !".
Mais voir aussi l'adage préféré de ceux qui tiennent à leur indépendance : "Mon verre n'est pas grand, mais je bois dans mon verre".
Complément Signalons aussi la pièce de Jules Renard "L'Ecornifleur" (1892), que le lettré GB connaissait à coup sûr. Elle fut mise en scène à la télévision française au début des années 60, avec Jacques Duby dans le rôle principal.
Le port de la feuille de vigne L'histoire raconte qu'Adam et Eve se vêtirent de feuilles de vigne pour masquer leurs attributs sexuels, après qu'ils eurent commis le péché originel
Complément D'après la tradition rabbinique, il s'agissait des feuilles du même arbre que celui par où le mal arriva. Adam et Eve couvrirent leur nudité avec une seule feuille chacun. Toujours d'après cette tradition, c'était donc plutôt un figuier, dont les feuilles sont plus grandes que celles de la vigne.
Les dehors de la civilité Le misantrope de Molière Philinte :
Mais quand on est du monde, Il faut bien que l'on rende
Quelques dehors civils, que l'usage demande.
Les dehors de la civilité Les marques extérieures, ostensibles, une apparence de civilité. Brassens supporte moins l'impolitesse de ces messieurs que l'adultère (qui pour lui n'en est pas une) dont il est victime !
L'impolitesse Attention! Si le narrateur (et non GB lui-même) passe son temps à se plaindre des mauvaises manières de ses rivaux, c'est en manière d'ironie douloureuse. Comme si l'adultère ne comptait pas, comme si la conduite de son épouse ne le touchait pas - alors qu'en fait (cf. aussi sa musique!) c'est une des chansons les plus déchirantes de GB.
Bonne pêche Ecouter La pêche à la ligne de Renaud où lorsqu'il rentre "personne n'est là pour l'entendre mentir". La pêche indiffère les femmes chez GB comme chez RS.
Couvrir de safran Le safran est un crocus cultivé pour ses fleurs, dont le stigmate fournit une teinture jaune (et une poudre d'assaisonnement) ; couvrir de safran revient donc à jaunir, et le jaune est la couleur qui caractérise le cocuage
Linguistiquement Expression-valise entre :
- "couvrir de fleurs" = "complimenter" (Le Petit Robert
- "accommoder son mari au safran" : Fig. et familièrement. Accommoder au safran, faire une infidélité conjugale (par allusion à la couleur jaune, qui est celle des maris trompés") (selon Le Littré
On disait "voir en jaune" et "sentir le jaune monter à son visage".
Amphitryon Dans la mythologie grecque, Amphitryon fut roi de Tirynthe et Zeus prit ses traits pour abuser d'Alcmène (qui fut mère d'Héraclès).
La légende d'Amphitryon a inspiré à Plaute une comédie imitée, notamment, par Rotrou, Molière, J.Giraudoux Larousse
Amphitryon Brassens joue sur les deux sens du mot : personne qui reçoit (en effet, les amants mangent à sa table) et cocu (ce qu'était l'Amphitryon de la légende).
Emporter le chat Allusion, peut-être, à la locution "emporter le chat" (cf. vers 7 = allusion à "faire un trou à la lune").
Toutes ces locutions s'inscrivent dans le contexte du galant "parasite" qui bouffe et boit... sans dire adieu ni payer son créancier-amphitryon.
"il est cocu le chef de gare" Refain d'une chanson populaire que les troupes françaises chantaient aux anglais au cours de la première guerre mondiale pour les impressionner
Complément Chez les jeunes en joyeuse bande, cette phrase se chantait souvent (et lâchement) lorsque le train repartait d'un arrêt en gare et que le wagon passait devant le chef de gare. La raison première de cette affirmation tient évidemment à l'idée que, requis par son travail à des horaires connus d'avance, le chef de gare ne peut surveiller sa femme ni la surprendre en flagrant délit pour peu qu'elle s'organise en conséquence.
Meilleur ami Sous ses dehors plaisants, la chanson est effectivement douloureuse puisqu'elle met en évidence l'humiliation du cocu (pas uniquement sur le plan sexuel). Cette humilitation, il est bien obligé de l'accepter pour lui, mais il refuse qu'elle soit infligée à son meilleur ami.