El Dorado Le pays de l'or, et plus précisément le Pérou d'où les conquistadors espagnols ramenèrent dans leurs galions des tonnes du métal précieux qu'ils avaient pillé chez les Incas.
Eldorado Plus exactement lieu mythique où l'or est si présent qu'il en perd toute valeur (cf. Candide). Peut-être imaginé par les Incas pour faire partir au loin (Amazonie) les conquistadores quelque peu soudards. À rapprocher de "Père Noël".
Avoir du pain sur la planche Il s'agit de la planche sur laquelle on découpait le pain, ou "planche à pain". "Avoir du pain sur la planche", c'était avoir assez à manger. Par extension, cela signifie avoir du travail en perspective, car quand on a du travail on peut espérer pouvoir manger à sa faim.
Tes hanches Pour une fois, et ce n'est peut-être pas uniquement pour les besoins de la rime, Brassens préfère un euphémisme à une grossièreté. Sans doute parce qu'il garde une certaine tendresse pour son héroïne. En effet, vu la transaction à laquelle se livre la petite fille de la chanson, il aurait très bien pu dire: il t'a foutu la main au cul.
Hanches ou cul ? A mon avis, le sens est très différent :
- la main au cul, c'est un geste paillard, ok.
- les mains sur les hanches, c'est un geste d'appropriation, de possession, qui va beaucoup plus loin !
Et c'est tout le thème de la chanson...
Landau (d'après la ville allemande de Landau) C'est aujourd'hui surtout la voiture dans laquelle on promène les petits enfants (ici, la petite fille). Mais ça a longtemps été une voiture à cheval "à quatre roues, à capote fermée de deux soufflets pliants" Petit Robert
Doré sur tranche Ce sont les livres de luxe qui avaient parfois la "tranche", c'est à dire le bord extérieur des pages, dorée. "Doré sur tranche" est une façon familière de dire "luxueux".
Sur un plateau Dans les "grandes maisons" d'autrefois, les domestiques ne présentaient jamais quoi que ce soit aux maîtres "du bout des doigts" (comme disait ma grand'mère), mais toujours sur un plateau ; que ce soit la carafe de cognac, la chandelle pour la nuit ou la carte de visite d'un visiteur. Lequel plateau était souvent d'argent. On dit d'ailleurs aussi "sur un plateau d'argent", dans le sens de "avec cérémonie".
Comme un dimanche, En général, les pauvres gens avaient un habit qui ne servait que pour le dimanche, en opposition avec les "vêtements ordinaires" de la semaine. Un peu plus luxueuse que la tenue ordinaire, la tenue dite "du Dimanche" permettait de se rendre à l'église correctement vêtu, et de marquer le fait que le Jour du Seigneur n'était pas un jour comme un autre.
Hermine L'hermine, ou "rat d'Arménie", a longtemps fourni une fourrure blanche très précieuse: le portrait de Louix XIV en pied le montre vêtu d'un manteau d'hermine. Aujourd'hui, l'hermine orne encore le costume d'apparat des juges et sommités universitaires.
à ta hanche L'élégance de la chanson provient en effet de ces glissements qu'on appelle métonymies ou synecdoques. Si la main sur les hanches est en fait une main au cul, ici l'hermine à la manche est en fait l'hermine à tout le manteau. L'écriture se fait impressionniste, avançant par petits détails visuels qui frappent l'imagination.
émaux & camées Un camée est une pierre fine sculptée en relief. Les émaux sont des ouvrages d'orfèvrerie en émail, dont la technique (cuisson à très haute température d'oxydes métalliques mélangés à un vernis), orientale d'origine, est longtemps restée un mystère chez nous. C'est le fameux Bernard Palissy, sous François 1er, qui l'a redécouverte, dit la légende, en brûlant ses meubles. Émaux et Camées est le titre d'un recueil de poèmes de Théophile Gautier que Brassens n'ignore certainement pas.
Cendrillon Métaphore de Cendrillon où une pauvre fille est tirée de la misère en mettant dans son sabot (la chaussure du miséreux) des rubis et des perles
Branche "branche", et un peu plus haut "pendre à tes rameaux" : la petite fille est assimilée à une plante et elle est décorée comme un arbre de Noël... je suppose qu'elle sert de trophée, pour faire étalage de la richesse de celui qui s'en revient d'El Dorado.
Dire une "belle plante" pour désigner une jolie fille n'est même pas considéré comme machiste ; à la lumière de cette chanson, on devrait sans doute...
Rameaux et branches à mon sens, la plante est plutôt l'arbre, et pour moi, vu le titre de la chanson, c'est l'arbre de Noël... encore, je dois ajouter que les étiquettes en -iste (en l'occurrence machiste) ratent l'intention de Brassens et cette chanson-ci n'est en rien machiste. Une phrase vraiment machiste est le refrain de Don Juan, mais la chanson elle-même ne l'est pas.
Complément Il me semble qu'il s'agit plutôt de la branche de l'arbre généalogique. Voir "la branche dont je suis issu" dans Le petit joueur de flûtiau. La petite fille s'est donc ennoblie.
Tirer le rideau Ce peut être jeter un voile pudique sur quelque chose d'indécent, mais ici il s'agit du rideau final que l'on tire à la fin de la pièce : les misères de la Petite Fille sont terminées, rideau!
Reste qu'on pourrait jeter un voile pudique sur ce qui va maintenant se passer pour elle.
Ce n'est plus ton lot Le "lot" est ce qui échoit à une personne, ce que la vie lui réserve (étymologiquement, le "lot" provient d'un mot francique qui désigne le sort). Ici, la malchance de la belle a tourné, et son destin vient de changer du tout au tout.
Coudées franches Avoir les coudées franches, c'est pouvoir avancer sans jouer des coudes, c'est donc être libre de ses mouvements, être libre tout court. La petite fille est aujourd'hui riche mais (Pauvre Petite Fille Riche) elle a perdu sa liberté au change.
Mauvais temps / joli temps "Joli temps" : redoublement inversé de l'expression "mauvais temps". Mais glissement poétique une fois de plus (ici c'est ce qu'on appelle un polyptote) : ce n'est pas le même mot "temps" dans les deux cas (weather puis time pour le dire à l'anglaise). Reste que le mauvais et le joli se rejoignent pour faire naître le paradoxe de la chanson : le beau, le bon, le riche sont l'équivalent du laid.
On Brassens a peut-être volontairement utilisé à la fin de sa chanson le pronom indéfini "on" pour signifier le caractère quelconque du "père Noël", ce qui renforce le côté pathétique de la chanson.
Complément Plutôt que parler du "caractère quelconque" de ce "Père Noël" ou dire qu'il "n'est plus le seul" à poser ses mains..., je dirais que ce "on" final laisse entendre qu'il ne "sera" vraisemblablement pas le seul : quand une fille a goûté à ce genre de vie facile, il est rare qu'elle en revienne. Après ce Père Noël, il y aura d'autres Papas Gâteux...
Complément On peut aussi proposer que le "on" permet d'insister davantage sur l'action que sur celui qui la commet. "on a mis les mains sur tes hanches" est un peu équivalente à "tu t'es vendue". Dans tous les cas, il est certain que le Papa Gâteau est évincé, voire aboli, qu'il ne s'agit plus que d'une relation entre la petite fille et elle-même (son corps, sa conscience).