Renversement d'un cliché La chanson Saturne joue sur le cliché poétique classique, hérité des poètes de la pléiade dans lesquels le poète loue la beauté d'une jeune fille avant de lui dire que le "temps mate toute chose" et qu'il faut donc penser à aimer le poète avant d'être trop vieille. Il n'y a qu'à citer Ronsard et Du Bellay : Mignonne allons voir si la rose et Quand vous serez bien vieille...
Bref, Brassens s'amuse après cette tradition poétique à la parodier, puisqu'ici, la petite pisseuse est dédaignée au profit de la femme mûre.
Complément Je pense que Brassens s'adresse à sa bien-aimée qui déjà, est morte. Les fleurs d'automne sont une référence aux fleurs déposées sur les tombes et la p'tite pisseuse d'en face est la mort (ce qui se trouve en face du temps qui passe est inévitablement la mort).
Complément Brassens chantait systématiquement cette chanson (ainsi que Bonhomme dans ses récitals. Elle est manifestement un hommage à son grand amour, Joha Freiman.
Saturne Saturne, ou Chronos en grec (d'où notre chronomètre) était le Dieu du temps. Dans la légende, il mangeait ses enfants, métaphore effrayante mais parfaitement justifiée: le Temps nous enfante (la première chose que nous disons de nous, c'est notre date de naissance) mais il nous tuera aussi, en temps voulu et quand notre heure sera venue.
Complément L'équivalent grec de Saturne est Cronos et non Chronos ; ce dernier nom veut en effet dire "temps", mais ce n'est que par similitude phonétique qu'il a été historiquement confondu avec Cronos, Titan de l'âge d'or.
Saturne (représentation) Saturne est souvent représenté avec dans une main un sablier (symbole du Temps dont il est le dieu) ; et dans l'autre une faux.
Brassens moins mufle que Corneille On sait de quelle amusante et bien réaliste façon GB avait "allumé" Corneille dans Marquise. Celui-ci, faisant rimer "rose" avec "chose", traitait quasiment sa jeune et dédaigneuse Marquise de "future vieille chose" et comparait son ancien aspect physique à l'actuelle beauté de celle-ci...
Comme quoi un mauvais garçon, un pornographe, un voyou, peut se montrer moins mufle et bien davantage poète galant qu'un prince du classicisme.
Pour se désennuyer, le temps tue le temps... Voilà une des plus belles trouvailles de Brassens : le vieillissement n'est, à tout prendre, qu'un dérivatif inventé, pour se distraire, par le temps qui s'ennuie.
Gabelle... grain de sel La gabelle, un des impôts les plus impopulaires de l'Ancien Régime, était un impôt sur le sel. Le grain de sel dans les cheveux, c'est le premier cheveu blanc, l'impôt qu'il faut payer à Saturne, le dieu du temps qui passe.
Faire les frais et payer Subtil jeu de mots entre sens propre (payer) et sens figuré (faire les frais) du verbe "payer". Mais les deux restent proches : subir, c'est aussi, d'une certaine façon, payer.
Un grain de sel Allusion peut-être également à la locution latine "cum grano salis", à la "petite sagesse" qui consiste à "mettre un grain de sel", à regarder les choses avec moins de sobrieté.
Un grain de sel dans tes cheveux L'impot payé au Temps (à Saturne) a été, cette fois-ci, quelques cheveux blancs en plus.
L'allusion provient sans doute de l'expression "poivre et sel" pour désigner une chevelure fraîchement grisonnante.
Complément Cette jolie métaphore a peut-être été inspirée par Théodore Agrippa d'Aubigné qui écrivit qu'une rose d'automne est plus qu'une autre exquise.
Encore un renversement Ici le jeu de Brassens avec la tradition poétique de la pléiade est encore plus prononcé. En effet, les poètes vantent les roses : belles mais éphémères, symbole de la jeunesse. Les feuilles d'automne, c'est plutôt le cliché romantique de l'homme seul dans la nature, symbole du temps qui passe. Brassens s'amuse à réunir ces deux clichés pour vanter la femme mûre.
Je te donne mon billet On disait plutôt "Je te fiche mon billet que...", dans le sens de "Je suis prêt à parier que...". Peut-être s'agit-il du billet de banque que le parieur sûr de lui brandit sous le nez de l'incrédule.
L'été de la Saint Martin La Saint Martin, c'est le 11 Novembre. A cette période de l'année il y a souvent un redoux météorologique, d'où "l'été de la Saint Martin". Ici Brassens s'adresse à une femme mûre (à l'automne de sa vie) et lui signifie qu'elle peut profiter d'une nouvelle jeunesse (l'été).
La petite pisseuse Il s'agit de la camarde. Reste à savoir en face de qui elle se trouve. De Saturne ? car elle et lui ont la même faux et tuent à loisir. Ou de Brassens, qui sent qu'il ne survivra pas à sa favorite.
Complément Peut-être Püppchen a-t-elle tout simplement été peinée par un regard de Georges sur les charmes d'une jeune voisine, et il a écrit cette chanson pour se faire pardonner...
Une pisseuse désigne aussi une petite fille.
Complément Ne s'agit pas de jalousie, il s'adresse à sa compagne en lui disant que la "pisseuse" qu'il a connue (elle-même dans sa jeunesse), peut se rhabiller sans peur comme une femme mûre, mais encore très belle. Se rhabiller est mûrir.
Se rhabiller On peut aussi penser que GB, plus fidèle en amour qu'il ne le laissait entendre dans ses textes, s'adresse ici à sa fidèle et discrète compagne "Puppchen" qui lui aurait marqué, exceptionnellement, un soupçon de jalousie. Mais, pour ne pas tomber dans les travers des "folliculaires" vilipendés par Brassens, c'est déjà trop que de mettre ici un pied dans son domaine privé. Pourtant, cette chanson, il l'a publiée et il disait même que c'était une de celles qu'il préférait.
Complément Ne s’agit-il pas ici simplement d'une fin dédicacée aux êtres humains et surtout aux femmes qui ont été attristées un jour par une trahison de leur bien aimé, appelant toutes et tous à ne jamais perdre de vue l'essentiel :le véritable amour.
Pouvoir aller se rhabiller Fig. et fam. Il peut aller se rhabiller; va te rhabiller (en parlant d'un acteur, d'un athlète qui est mauvais, et qu'on engage à retourner au vestiaire, et, par ext., de qqn qui n'a plus qu'à s'en aller, à renoncer) GRAND ROBERT