ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Hors album
L'andropause
01Aux quatre coins de France, émanant je suppose
02De maris rancuniers par la haine conduits,
03Le bruit court que j'atteins l'heure de l'andropause,
04Qu'il ne faut plus compter sur moi dans le déduit.
Le déduit
Il s'agit de la bagatelle. Voir Le fantôme.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
 
05Ô n'insultez jamais une verge qui tombe !
Ô n'insultez jamais...
"Ô n'insultez jamais une femme qui tombe!" Victor Hugo (à propos de Fantine, il me semble, dans Les Misérables).
Cf. poesie.webnet.fr/poemes/France/hugo/230.html
Ici, avec un jeu de mot sur verge/vierge, qui rappelle les Onze Mille Verges d'Apollinaire.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
06Ce n'est pas leur principe, ils crient sur tous les tons
07Que l'une de mes deux est déjà dans la tombe
L'une de mes deux
Utilisation assez cocasse de l'apostrophe du type "Adjudant de mes deux !" (pour "Adjudant de mes couilles !").
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Une des deux dans la tombe
Cette formule joue également sur l'expression "avoir un pied dans la tombe" (un sur deux), qui signifie qu'on est moribond.
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08Et que l'autre à son tour file un mauvais coton.
Filer un mauvais coton
être mal embarqué dans une affaire : si le coton est de mauvaise qualité, le fil cassera.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
 
09Tous ces empanachés bêtement se figurent
Empanachés
Ici, les maris trompés qui portent des cornes en guise de panache...
Le panache étant à l'origine un ornement de plumes qui se portait sur le chapeau. (Voir le fameux "panache blanc" d'Henri IV, ou le "panache triple" de Cyrano de Bergerac)

[contact auteur : Jean-pierre Delhon] - [compléter cette analyse]
10Qu'un membr' de ma famille est à jamais perclus,
Un membre de ma famille
Certain membre bien viril...
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
... partie d'un ensemble argotiquement dénommé "bijoux de famille" car essentiel à la transmission de l'héritage (génétique, bien sûr).
[contact auteur : Dominique Chailley]
11Que le fameux cochon, le pourceau d'Épicure
Pourceau d'Epicure
Le poète latin Horace, stoïcien sur le tard, disait avoir vécu ses jeunes années "en pourceau du troupeau d'Epicure", c'est-à-dire en jouisseur.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
12Qui sommeillait en moi ne s'éveillera plus.
Cochon qui sommeille
Dicton populaire : "En tout homme il y a un cochon qui sommeille". Sauf chez Saint Antoine qui, dit-on, le regardait dormir à son côté.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
 
13Ils me croient interdit de séjour à Cythère,
Cythère
Voir la chanson Quatre Vingt Quinze pour Cent
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
14Et, par les nuits sans lune avec jubilation,
15Ils gravent sur mon mur en style lapidaire
Lapidaire
Du latin Lapis-Lapidis : pierre. D'où : "ils gravent..." Mais le "style lapidaire", par définition concis voire abrégé (car long et coûteux), se voit ici confier... un alexandrin. C'est de la pierre polie.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
16"Ici loge un vieux bouc qui n'a plus d'érections" !
 
17Ils sont prématurés, tous ces cris de victoire,
18Ô vous qui me plantez la corne dans le dos,
19Sachez que vous avez vendu les génitoires,
20Révérence parler, de l'ours un peu trop tôt.
L'ours
Au début de sa carrière, Brassens, qui souriait peu, ne saluait guère en scène et ne faisait quasiment jamais de fausses sorties suivies de rappels, fut souvent traité d'ours par les journalistes. Bizarrement, cette attitude "non-conformiste", comme on disait alors, fut sa meilleure publicité : il était différent des autres chanteurs, et ça s'est su très vite.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Un peu trop tôt
Référence à l'expression "Il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué". Ici, l'objet de la vente est de toute autre nature...
[contact auteur : Bruno Barral] - [compléter cette analyse]
 
21Je n'ai pas pour autant besoin de mandragore,
Mandragore
Le gin-seng du Moyen-Âge. Voir la chanson Le Moyen-Âgeux
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Mandragore
Selon la sinistre légende, la mandragore, dont la racine affecte une forme vaguement humaine, est une plante que l'on trouve au pied des gibets, et qui naîtrait du sperme des pendus, émis au moment de la pendaison. On lui attribue donc à tort des vertus magiques, et bien entendu, aphrodisiaques et revigorantes !
[contact auteur : Bruno Barral] - [compléter cette analyse]
22Et vos femmes, messieurs, qu' ces jours-ci j'ai reçues,
23Que pas plus, tard qu'hier je contentais encore,
24Si j' n'ai plus d'érections, s'en fussent aperçues.
 
25À l'hôpital Saint-Louis, l'autre jour, ma parole,
26Le carabin m'a dit : "On ne peut s'y tromper,
Carabin
Etudiant en médecine. Les premiers à être appelés ainsi étaient les médecins militaires, qui portaient une carabine.
[contact auteur : Jean-pierre Delhon] - [compléter cette analyse]
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27En un mot comme en cent, monsieur, c'est la vérole."
28Si j' n'ai plus d'érections, comment l'ai-je attrapée ?
 
29Mon plus proche voisin n'aim' que sa légitime,
30Laquelle, épous' modèle, n'a que moi pour amant.
épouse modèle
L'ironie de cette épouse modèle qui n'a qu'un seul amant n'est pas à souligner...
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
31Or tous deux d' la vérole, ils sont tombés victimes.
32Si j' n'ai plus d'érections, expliquez-moi comment ?
 
33Mes copains, mon bassiste et tous ceux de la troupe
Clin d'oeil d'adieu ?
Cette chanson fait partie du dernier album écrit par GB avant la victoire finale de la Camarde qui ne lui a pas laissé le temps de l'enregistrer. J'aime à voir dans ce vers un ultime clin d'oeil du "gros" pressentant que le temps des boums boums était définitivement révolu
[contact auteur : Gilles S.] - [compléter cette analyse]
34En souffrirent bientôt, nul n'en fut préservé.
35Or je fus le premier à l'avoir dans le groupe.
36Si j' n'ai plus d'érections, comment est-ce arrivé ?
Comment est-ce arrivé?
La démonstration ne serait pas lumineuse si on ne savait par ailleurs que GB n'était guère tenté par l'homosexualité.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
 
37Minotaures méchants, croyez-vous donc qu'à braire
Minotaures
Le minotaure était un animal mythologique mi-homme, mi-taureau. Il désigne ici les maris trompés dont on dit qu'ils ont le "bec cornu" (Molière)
[contact auteur : Jean-pierre Delhon] - [compléter cette analyse]
38Que mon train de plaisir arrive au terminus,
Train de plaisir
C'était le nom qu'on donnait, au début des congés payés, aux trains de banlieue qui emmenaient, le samedi, les amoureux à Viroflay ou dans les espaces verts ceinturant Paris. Ici au sens figuré, c'est le comportement libertin.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
39Vous me cassiez mes coups ? Au contraire, au contraire,
40Je n'ai jamais autant sacrifié à Vénus !
 
41Tenant à s'assurer si ces bruits qu'on colporte,
42Ces potins alarmants sont ou sont pas fondés,
Sont ou sont pas
Il semble bien manquer ici un "ne" , même élidé ("ou n'sont pas fondés"). Mais la langue populaire ne s'embarrasse guère de ces vétilles grammaticales.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
43Ces dames nuit et jour font la queue à ma porte,
Ces dames
Sans doute les mêmes que dans Le bulletin de santé dont cette chanson est comme un codicille : les femmes des journalistes de la presse à scandale, qu'il culbutait sur des tas de bouillons, des paquets d'invendus.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
44Poussées par le démon de la curiosité.
 
45Et jamais, non jamais, soit dit sans arrogance,
46Mon commerce charnel ne fut plus florissant.
47Et vous, pauvres de vous, par voie de conséquence
Pauvres de vous
Renversement de l'expression plus usuelle "Pauvres de nous !" qui signe l'apitoiement sur soi-même.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
48Vous ne fûtes jamais plus cocus qu'à présent.
Interlude musical
Dans son interprétation, Jean Bertola intercale ici, au piano, une fort belle guirlande harmonique imitée des romantiques (Chopin?) qui introduit et accompagne la seconde partie, nettement plus sérieuse et nostalgique, du texte de Brassens : le temps de l'andropause approche malgré tout. C'est une occurence unique dans la musique de Brassens, mais elle n'est sans doute pas de son fait. Elle est, en tout cas, du plus bel effet.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
 
49Certes, elle sonnera cette heure fatidique,
50Où perdant toutes mes facultés génétiques
51Je serai sans émoi,
Sans émoi
Cf. Fernande : La bandaison, papa, ça n'se commande pas
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
Complément
Cf. aussi Cupidon s'en fout : Il est des jours où elles sont émoussées dans le bout, les flèches courtoises qu'il nous décoche.
[contact auteur : Dominique Chailley]
52Où le septième ciel - ma plus chère ballade,
53Ma plus douce grimpette et plus tendre escalade -
54Sera trop haut pour moi.
 
55Il n'y aura pas de pleurs dans les gentilhommières,
56Ni de grincements de fesses dans les chaumières,
Grincement de fesses
Détournement de l'expression "grincements de dents" : regrets.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
57Faut pas que je me leurre.
Gentilhommières / chaumières
Façon subtile d'indiquer que ses belles odalisques sont autant des Marquises que des Fanchon-la-Cousette.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
58Peu de chances qu'on voie mes belles odalisques
Odalisque
Utilisé au sens de "courtisane".
Emprunté au turc odalik "ce qui appartient à la chambre", en particulier "esclave destinée à la chambre du maître, concubine".

[contact auteur : Nanor J.] - [compléter cette analyse]
59Déposer en grand deuil au pied de l'obélisque
Obélisque
Cf. L'obélisque est-il monolithe, oui ou non? in Le pluriel. La connotation sexuelle n'a pas, ici, à être démontrée.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
60Quelques gerbes de fleurs.
 
61Tout au plus gentiment diront-elles : "Peuchère,
62Le vieux Priape est mort", et, la cuisse légère,
Priape est mort
Priape étant un des avatars de Bacchus et du dieu Pan (tous caractérisés par une érection permanente qui d'ailleurs en médecine s'appelle le "priapisme"), on peut voir ici une allusion au vers de Nietzsche "Le Grand Pan est mort". Voir la chanson Le Grand Pan.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
La cuisse légère
Il y a là un condensé de deux expressions : "le coeur léger" qui indique l'insouciance voire l'absence de remords, et "la jambe légère" qui n'a pas de connotation sexuelle mais renvoie à la jeunesse. Le remplacement de "jambe" par "cuisse" donne à l'expression, en deux mots, la force d'un sens triple, tel que GB se régalait à les concocter.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
63Le regard alangui,
64Elles s'en iront vous rouler dans la farine
65De safran, tempérer leur fureur utérine
Farine de safran
La poudre de safran est jaune et cette couleur, en langage populaire, est celle des cocus. Amalgamée à l'expression "rouler dans la farine" qui se dit d'une personne que l'on ridiculise en la trompant, la formulation aboutit au "ridicule du cocufiage".
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
La fureur utérine
C'est la nymphomanie, "fureur" renvoyant à l'hystérie, mot forgé au XIXe siècle à partir d' "utérus" car les cliniciens y voyaient une maladie typiquement féminine et à caractère principalement sexuel.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
66Avec n'importe qui.
 
67Et vous regretterez les manières civiles
68De votre ancien rival, qui dans son baise-en-ville,
Baise-en-ville
Petit bagage de voyage, réduit au strict nécessaire.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
69Apportait sa guitare,
70Et faisait voltiger en gratouillant les cordes
71Des notes de musique à l'entour de vos cornes,
à l'entour de vos cornes
Il y a là comme un rappel de Lèche-cocu, le ridicule en moins. Dans Le cocu, GB ne disait-il pas :
Le cocu, d'ordinaire, on le choie, on le gâte
On est en quelque sorte un peu de ses parents
?

[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
72Mais il sera trop tard !

Georges Brassens