ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Hors album
Le chapeau de Mireille
Le chapeau de Mireille
Cette chanson était chantée par Marcel Amont qui m'a confié, un jour, que c'était une des choses dont il était le plus fier dans sa carrière de chanteur : s'être vu proposer une chanson par Georges Brassens.
[contact auteur : Jean-Yves E.] - [compléter cette analyse]
Des sabots au chapeau
Cette chanson peut être rapprochée au niveau de l'écriture de cette autre, Les sabots d'Hélène, non seulement pour la proximité phonique et grammaticale des titres, mais aussi par la reprise stricte d'une structure qui contraint les mots à la rime (Hélène, Mireille) ou la construction syntaxique (vers 4 et 8 de chaque couplet).
La progression narrative est d'ailleurs la même : la narrateur détrousse petit à petit sa belle, peut-être de manière plus charnelle ici.

[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
Rapprochement
Une autre chanson que celle-ci évoque, surtout pour la structure du refrain avec tous ses "c'est pas...", c'est La femme d'Hector
[contact auteur : Didier Bergeret] - [compléter cette analyse]
01Le chapeau de Mireille,
02Quand en plein vol je l'ai rattrapé,
03Entre Sète et Marseille,
04Quel est l' bon vent qui l'avait chipé ?
Bon vent / joli vent
On pense bien sûr à la chanson qui porte ce nom (Le vent) et qui fait déjà du vent un être à part entière :
Le vent semble une brut' raffolant de nuire à tout l'monde
Mais une attention profonde
Prouv' que c'est chez les fâcheux
Qu'il préfèr' choisir les victim' de ses petits jeux

Dans les deux cas, Le vent est un ami (ici, pour être plus précis, c'est un adjuvant) du narrateur.

[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
Complément
V'là l'bon vent, v'là l'joli vent, v'là l'bon vent ma mie m'appelle
V'là l'bon vent, v'là l'joli vent, v'là l'bon vent mamie m'attend...

Refrain d'une chanson ancienne, dont une variante s'appelle Le Vent Frivolant. Oncle Georges connaissait bien son folklore français, lequel avait subi une sorte de renouveau dans les années 30 à travers les mouvements de jeunesse comme le scoutisme et plus tard, hélas, les Chantiers de Jeunesse du régime de Vichy. Chanter de vieilles chansons autour d'un feu de camp était alors le top de la branchitude...

[contact auteur : Henri T.]
05Le chapeau de Mireille,
06Quand en plein vol je l'ai rattrapé,
07Entre Sète et Marseille,
08Quel joli vent l'avait chipé ?
09C'est pas le zéphyr,
Zéphyr
Du grec "zephyros", vent d'ouest, le zéphyr est un vent doux et agréable, très souvent utilisé en poésie classique pour rafraîchir le... front fiévreux des amoureux.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
10N'aurait pu suffire,
11C'est pas lui non plus
12L'aquilon joufflu,
Aquilon
Du latin aquilo, vent du nord ; de aquila, l'aigle, car c'est un vent rapide et violent. Chez nous c'est aussi le vent du nord, mais aussi, plus généralement, tout vent violent.
"Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr" dit, il me semble, le Chêne au Roseau dans la fable de La Fontaine.
L'aquilon, et le vent en général, était autrefois représenté, en particulier sur les cartes marines, par une tête d'angelot "joufflu" parce que ses joues étaient gonflées pour souffler.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
13C'est pas pour autant
14L'autan.
Autan
Du latin altanus, vent de la haute mer. Dans notre Midi, c'est un vent orageux de sud sud-ouest, qui vient donc bien de la mer.
"Ce soir le vent vient de la mer
Septembre est là, l'été s'en va..."

La chanson est une scie, mais elle est météorologiquement exacte, puisque c'est à l'équinoxe que souffle l'autan.)

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
15Non, mais c'est le plus fol
16Et le plus magistral
17De la bande à Éole,
Éole
Du grec Aiolos, par le latin Aeolus, Éole est le dieu des vents, celui qui fait tourner les éoliennes.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
18En un mot : le mistral.
Mistral
Du provençal maestral, du latin master, le mistral est le "vent magistral", le "vent maître" de la Provence. Il souffle du nord (c'est la bise en Bourgogne) et prend son élan dans la vallée du Rhône pour déboucher parfois violemment sur la Méditerrannée. Il peut durer des semaines.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Cyrano
Rime facile, par exemple, Edmond Rostand l'utilisait déjà dans la tirade des nez de Cyrano.
"Emphatique : aucun vent ne peut, nez magistral,
T'enrhumer tout entier excepté le mistral!"

[contact auteur : Vincent Barbier] - [compléter cette analyse]
Mistral
Ici, chez nous (Toulon), on dit même qu'il y a la "règle de 3" au sujet du mistral : il souffle ou 3h, ou 3 jours ou 3 semaines !
Enquillant dans la vallée du Rhône, il est le plus fort dans le couloir Valence-Montélimar-Avignon, débouche sur Aix-Aubagne-Marseille, puis perd peu à peu de sa force en s'écartant vers l'ouest (jusqu'aux environs de Salon-Arles-Nîmes) et vers l'est (en passant par Toulon, où il est encore redoutable, jusqu'aux environs de St-Tropez/Fréjus).

[contact auteur : Emmanuel G.] - [compléter cette analyse]
19Il me la fit connaître, aussi, dorénavant,
20Je ne mouds plus mon blé qu'à des moulins à vent.
 
21Quand la jupe à Mireille
22Haut se troussa, haut se retroussa,
23Découvrant des merveilles :
24Quel est l' bon vent qui s'est permis ça ?
25Quand la jupe à Mireille
26Haut se troussa, haut se retroussa,
27Découvrant des merveilles :
28Quel joli vent s'est permis ça ?
29C'est pas le zéphyr,
30N'aurait pu suffire,
31C'est pas lui non plus,
32L'aquilon joufflu,
33C'est pas pour autant
34L'autan.
35Non, mais c'est le plus fol
36Et le plus magistral
37De la bande à Éole,
38En un mot : le mistral.
39Il me montra sa jambe, aussi, reconnaissant,
40Je lui laisse emporter mes tuiles en passant.
Emporter mes tuiles
Pour la première fois, Le vent est présenté sous un jour négatif, même si le narrateur n'y prête pas vraiment attention. L'évocation d'Eole autorise à imaginer Le vent comme un dieu capricieux et joueur par désoeuvrement comme Saturne qui joue à bousculer les roses pour tue[r] le temps comme il peut
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
Mes tuiles
Les tuiles peuvent signifier autre chose. Comme disait un collègue grisonnant à moi qui suis chauve : "il vaut mieux de la neige sur le toit que des tuiles envolées"
[contact auteur : Benoît W.] - [compléter cette analyse]
 
41Quand j'embrassai Mireille,
42Qu'elle se cabra, qu'elle me rembarra,
43Me tira les oreilles,
44Quel est l' bon vent qui retint son bras ?
45Quand j'embrassai Mireille,
46Qu'elle se cabra, qu'elle me rembarra,
47Me tira les oreilles,
48Quel joli vent retint son bras ?
49C'est pas le zéphyr,
50N'aurait pu suffire,
51C'est pas lui non plus
52L'aquilon joufflu,
53C'est pas pour autant
54L'autan.
55Non, mais c'est le plus fol
56Et le plus magistral
57De la bande à Éole,
58En un mot : le mistral.
59Il m'épargna la gifle, aussi, dessus mon toit
60Y' avait un' seul' girouette ; y' en a maintenant trois.
Trois girouettes
Quel intérêt matériel y a-t-il à posséder trois girouettes ? Je suis loin d'être un spécialiste mais je pense qu'il n'y en a aucun. On doit donc supposer que la girouette est un forme de célébration du vent, d'amusement proposé à ce dieu joueur. Mais, si l'on admet qu'il est aussi un dieu capricieux, alors le fait de lui offrir trois girouettes relève de la superstition.
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
 
61Et quand avec Mireille
62Dans le fossé on s'est enlacés,
63À l'ombre d'une treille,
64Quel est l' bon vent qui nous a poussés ?
65Et quand avec Mireille
66Dans le fossé on s'est enlacés,
67À l'ombre d'une treille,
Treille
A l'origine, terme d'horticulture désignant la structure (le plus souvent un cadre) utilisé pour la culture de certaines plantes grimpantes, notamment la vigne. En langage courant, elle désigne l'ensemble formé par le "tuteur" et la plante, dispositif fréquemment utilisé dans les pays du Sud pour constituer un coin d'ombre.
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
68Quel joli vent nous a poussés ?
69C'est pas le zéphyr,
70N'aurait pu suffire,
71C'est pas lui non plus
72L'aquilon joufflu,
73C'est pas pour autant
74L'autan.
75Non, mais c'est le plus fol
76Et le plus magistral de la bande à Éole,
77En un mot : le mistral.
78Il me coucha sur elle, en échange aussitôt
79Je mis un' voil' de plus à mon petit bateau.
Mon petit bateau
Peut-être suis-je obnubilé par mon analyse mythologique, mais je soupçonne dans ce refrain la présence d'un sens caché que je ne parviens pas à percer. Signalons quand même que le mot "bateau" signifie entre autres sens en argot "mensonge, tromperie", notamment dans l'expression "monter un bateau". On aurait alors un nouvel exemple de remotivation d'expression figée. Bien que la tentation soit grande d'y voir une allusion grivoise, j'écarte cette hypothèse car il me semble assez hasardeux de supputer que la voile renvoie à une conquête féminine de plus à mettre à l'actif de l'impétueux petit bateau.
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
Complément
Tournure calquée, peut-être, sur "une corde de plus à son arc". Dans le dernier vers de chaque strophe, Brassens se plaît à "sacrifier à Eole", à lui offrir en récompense des choses à jouer : un moulin à vent, des tuiles à emporter, il met deux girouettes de plus à son toit et une voile de plus à son "petit bateau" (allusion peut-être aussi au "petit bateau de pêche" -- chanson qu'il entonne quelque part sur le coffret DVD)...
[contact auteur : Ralf Tauchmann]
 
80Quand j'ai perdu Mireille,
81Que j'épanchai, le cœur affligé,
82Des larmes sans pareilles,
83Quel est l' bon vent qui les a séchées ?
84Quand j'ai perdu Mireille,
85Que j'épanchai, le cœur affligé,
86Des larmes sans pareilles,
87Quel joli vent les a séchées ?
88C'est pas le zéphyr,
89N'aurait pu suffire,
90C'est pas lui non plus
91L'aquilon joufflu,
92C'est pas pour autant
93L'autan,
94Non, mais c'est le plus fol
95Et le plus magistral
96De la bande à Éole,
97En un mot : le mistral.
98Il balaya ma peine aussi, sans lésiner
99Je lui donne toujours mes bœufs à décorner.
Boeufs
Un vent "à décorner les boeufs" est un vent très violent. Faut-il rapprocher cette image cornue de l'état de cornard où se trouve le poète dans ce dernier couplet ? C'est bien tentant.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Cocus
D'autant plus tentant qu'on dit aussi : un vent à décorner tous les cocus (du village ou de la région).
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Mes
Conclusion plaisante certes, en particulier dans sa reprise de l'expression triviale et son allusion aux cocus. Mais cela n'explique pas le déterminant possessif "mes". J'y vois le point culminant du culte rendu au dieu vent, car il est ici fait allusion aux sacrifices d'animaux pratiqués dans l'Antiquité. Il faut cependant bien préciser que toutes les allusions à un culte ont surtout comme finalité de faire rire par l'absurdité de ce qu'on perçoit aujourd'hui comme des superstitions. Et on peut même aller plus loin en suggérant qu'au-delà du patrimoine gréco-latin, c'est le folklore du culte rendu à toute divinité qui est tourné en dérision : trois girouettes pour adorer le vent n'ont pas plus de sens que par exemple quelques gouttes d'eau pour baptiser ou bénir.
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]

Georges Brassens