ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Le pornographe
Le pornographe
Pornographe
(du grec "pornê" = prostituée, et "graphein" = écrire) auteur spécialisé dans la représentation complaisante d'actes sexuels, en matière littéraire, artistique ou cinématographique Larousse
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01Autrefois, quand j'étais marmot,
02J'avais la phobie des gros mots,
03Et si j' pensais "merde" tout bas,
04Je ne le disais pas...
05Mais
06Aujourd'hui que mon gagne-pain
07C'est d' parler comme un turlupin,
Turlupin
Henri Le Grand, dit Belleville ou Turlupin (Paris 1587 - id. 1637) : acteur français ; farceur sur les tréteaux de la Foire Larousse
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Les turlupins
Egalement le nom d'une secte aux XIIe et XIVe siècles. Selon le GRAND DICTIONNAIRE UNIVERSEL (Larousse 1876):
"Les turlupins se rattachaient peut-être aux vaudois et aux bégards. Ils se nommaient eux-mêmes Société des pauvres, enseignaient que l'homme peut arriver dans cette vie à l'impeccabilité et furent accusés de se livrer aux plus honteux désordres. Excommuniés par Grégoire XI en 1372, ils furent détruits par les ordres du roi de France Charles V."
On y lit également :
"DAUBENTON, DAUBENTONNE ou DABENTONNE (Jeanne ou Pieroime), née à Paris, où elle fut brûlée vive en 1372. Elle se mêla à une bande de turlupins, au milieu desquels elle joua un rôle des plus actifs. Devenue l'éloquente interprète de leur doctrine, elle se livra à la prédication, annonça que l'idéal de la perfection chrétienne consiste à être pauvre et à aller à-peu près entièrement nu, que tous les devoirs religieux doivent se réduire à une simple oraison mentale, et enfin que, pour les saints, c'est-à-dire les adeptes de ses idées, il n'y a nul péché à satisfaire ses passions et tous les désirs des sens. Condamnée au supplice du feu, Jeanne Daubenton fut brûlée en place de Grève."

[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
08Je n' pense plus "merde", pardi !
09Mais je le dis.
 
10J'suis l' pornographe
11Du phonographe,
12Le polisson
13De la chanson.
 
14Afin d'amuser la gal'rie
15Je crache des gauloiseries,
Gauloiserie
1. Caractère de ce qui est gaulois, exprimé de façon libre.
2. Propos libre ou licencieux.
Larousse

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16Des pleines bouches de mots crus
17Tout à fait incongrus...
18Mais
19En m' retrouvant seul sous mon toit,
20Dans ma psyché j' me montre au doigt
Psyché
(de "Psyché" = dans la mythologie grecque, jeune fille d'une grande beauté aimée par Éros, grâce à l'amour duquel elle deviendra immortelle après une longue suite d'épreuves)
- grand miroir mobile par rapport au châssis, posé au sol, qui le supporte
- au sens philosophique, synonyme du "moi" pris dans ses composants relationnels et affectifs Larousse

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21Et m' crie : "va t'faire, homme incorrect,
22Voir par les grecs"
 
23J'suis l' pornographe
24Du phonographe,
25Le polisson
26De la chanson.
 
27Tous les sam'dis j' vais à confess'
28M'accuser d'avoir parlé d' fess's
29Et j'promets ferme au marabout
Le marabout
Ici, c'est bien sûr le curé à qui le poète confesse ses péchés. Dans le Maghreb, un marabout est un saint homme, souvent un ermite, à qui l'on rend visite lorsqu'on a des problèmes. Il peut être un peu sorcier sur les bords, mais pas nécessairement. Par extension, le marabout désigne aussi la petite maison carrée, blanche, dans laquelle il vit, à l'écart de la ville ou du village.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
30De les mettre tabou...
Tabou
Les langues polynésiennes (tahitien, hawaïen, maori...) nous ont donné trois mots devenus assez courants. Le "tabou", c'est l'interdit, au sens profane autant que sacré (d'ailleurs sacré signifie bien interdit, à l'origine).
Il y a aussi le "tatau", qui, par l'anglais "tattoo", a donné notre tatouage, adopté par les baleiniers au XIXème dans les Îles Marquises. Et enfin le "mana", pouvoir charismatique des chefs, mais aussi des lieux et des objets.

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31Mais
32Craignant, si je n'en parle plus,
33D' finir à l'Armée du Salut,
L'Armée du Salut
Dissidence de l'Église Méthodiste d'Angleterre, l'Armée du Salut a été fondée en 1865 par William Booth (1829-1912) qui s'adjugea le titre de "général". (L'organisation "militaire" n'était pas si nouvelle que ça: déjà au XVIIème siècle, les Jésuites se voulaient soldats du Christ et sont encore à cette heure dirigés par un "général" depuis Rome.)
Le ridicule des uniformes que ses membres continuent à porter, leurs fanfares et leurs cantiques ringards ne doivent pas faire oublier le travail considérable que l'AS fait depuis le début, c'est à dire plus d'un siècle, en direction des plus démunis et de ceux qui sont rejetés par la société. Et ce, dans le monde entier.

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34Je r'mets bientôt sur le tapis
35Les fesses impies.
 
36J'suis l' pornographe
37Du phonographe,
38Le polisson
39De la chanson.
 
40Ma femme est, soit dit en passant,
41D'un naturel concupiscent
42Qui l'incite à se coucher nue
43Sous le premier venu...
44Mais
45M'est-il permis, soyons sincères,
46D'en parler au café-concert
Café-concert
Le café-concert, le "caf'conç'" pour les habitués, c'était dans les années 1900 l'endroit où on allait écouter les chansonniers (Aristide Bruant au Chat Noir, à Montmartre par ex.).
Brassens, lui, n'a jamais chanté que dans des petits théâtres au début, puis de grands music-halls. Mais c'est très intéressant de le voir encore une fois se projeter dans le passé, à la charnière du XIXème et du XXème siècle, époque dont le vocabulaire imprègne toutes ses chansons.
Le caf'conç' reviendra à la mode sous d'autres formes dans les années 50 sur la Rive Gauche, puis dans les années 70 avec le Café de la Gare, le Splendid etc.

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47Sans dire qu'elle a, suraigu,
48Le feu au cul ?
 
49J'suis l' pornographe
50Du phonographe,
51Le polisson
52De la chanson.
 
53J'aurais sans doute du bonheur,
54Et peut-être la Croix d'Honneur,
55À chanter avec decorum
56L'amour qui mène à Rome...
à rome
"l'amour qui mène à Rome" : l'amour divin, parler de religion. Ici, sans doute encore un clin d'oeil de Brassens au Père Duval "la calotte chantante" des Trompettes de la renommée
[contact auteur : Matthias L.] - [compléter cette analyse]
57Mais
58Mon ang' m'a dit: "Turlututu !
Mon ange
Mon ange gardien, bien sûr. On reste dans la mythologie chrétienne, sauf que cet ange gardien-là a sans doute les pieds fourchus et des cornes sur la tête.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
59Chanter l'amour t'est défendu
60S'il n'éclôt pas sur le destin
61D'une putain."
Référence
Dans ce couplet, GB fait sans doute allusion à sa chanson Le mauvais sujet repenti...
[contact auteur : Florent L.] - [compléter cette analyse]
 
62J'suis l' pornographe
63Du phonographe,
64Le polisson
65De la chanson.
 
66Et quand j'entonne, guilleret,
67À un patron de cabaret
68Une adorable bucolique,
69Il est mélancolique...
70Et
71Me dit, la voix noyée de pleurs,
72"S'il vous plaît de chanter les fleurs,
73Qu'ell's poussent au moins rue Blondel
Rue Blondel
Célèbre rue parisienne proche des Halles, un peu moins "pittoresque" depuis l'interdiction des bordels. Touristes qui venez voir Notre-Dame, passez donc la Seine et remontez un peu le boulevard Sébastopol, c'est aussi une attraction fort instructive...
[contact auteur : Matthias L.] - [compléter cette analyse]
74Dans un bordel"
 
75J'suis l' pornographe
76Du phonographe,
77Le polisson
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78De la chanson.
 
79Chaque soir avant le dîner,
80À mon balcon mettant le nez,
81Je contemple les bonnes gens
Les ''bonnes gens''
L'une des expressions favorites de ce cher poète lorsqu'il ironise sur les gens qui méprisent, jugent et condamnent autrui sans même le connaître, juste par bêtise humaine.
[contact auteur : Samuel Quinio] - [compléter cette analyse]
82Dans le soleil couchant...
83Mais
84N' me d'mandez pas d' chanter ça, si
85Vous redoutez d'entendre ici
86Que j'aime à voir, de mon balcon,
87Passer les cons.
Les cons
Les "braves gens" du début de ce couplet se prennent dans la foulée une singlante injure. Résultat d'un coup classique de Brassens : le passage brutal de la langue de bois au language soutenu (politesse oblige). La sincérité brut de décoffrage de ces termes grossiers donne toute son efficacité à l'ironie recherchée. C'est certainement ce qui apporte le plus à l'humour des chansons de G.B.
[contact auteur : Samuel Quinio] - [compléter cette analyse]
Complément
Finir la strophe sur le mot "con" n'est pas anodin.
En effet, con signifiant également, et dans son sens premier, l'organe sexuel de la femme.
Ainsi, juste avant de reprendre qu'il est le pornographe, GB avoue qu'il aime voir passer les cons, dans son sens premier...

[contact auteur : An Braz]
 
88J'suis l' pornographe
89Du phonographe,
90Le polisson
91De la chanson.
 
92Les bonnes âmes d'ici-bas
93Comptent ferme qu'à mon trépas
94Satan va venir embrocher
Embrocher
Satan est traditionnellement muni d'une fourche avec laquelle il embroche les damnés pour les jeter dans les flammes de l'Enfer.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
95Ce mort mal embouché...
96Mais,
97Mais veuille le grand Manitou,
98Pour qui le mot n'est rien du tout,
99Admettre en sa Jérusalem,
Jérusalem
La "Jérusalem céleste", c'est le Paradis ou Dieu (le Grand Manitou) accueille les élus, c'est à dire ceux qui ont eut la chance d'échapper à la fourche de Satan.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
100À l'heure blême,
L'heure blême
L'heure de la mort. Peut-être aussi le souvenir de Verlaine (mis en musique par Charles Trenet):
Tout suffocant
Et blême quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
 
101Le pornographe
102Du phonographe,
103Le polisson
104De la chanson.

Georges Brassens