ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Hors album
Honte à qui peut chanter
Lamartine
Il s'agit de la reprise aménagée d'un poème de Lamartine qui porte le même titre
[contact auteur : Fred L.] - [compléter cette analyse]
Lamartine
Le poème s'appelle en fait "A Némésis". Voici les deux strophes dont Brassens s'est inspiré, et auxquelles, en fait, il répond :

Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle,
S'il n'a l'âme et la lyre et les yeux de Néron,
Pendant que l'incendie en fleuve ardent circule
Des temples aux palais, du Cirque au Panthéon !
Honte à qui peut chanter pendant que chaque femme
Sur le front de ses fils voit la mort ondoyer,
Que chaque citoyen regarde si la flamme
Dévore déjà son foyer !

Honte à qui peut chanter pendant que les sicaires
En secouant leur torche aiguisent leurs poignards,
Jettent les dieux proscrits aux rires populaires,
Ou traînent aux égouts les bustes des Césars !
C'est l'heure de combattre avec l'arme qui reste ;
C'est l'heure de monter au rostre ensanglanté,
Et de défendre au moins de la voix et du geste
Rome, les dieux, la liberté !

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
01Honte à cet effronté qui peut chanter pendant
02Que Rome brûle, ell' brûl' tout l' temps...
Pendant que Rome brûle
Allusion à l'empereur Néron, qui aurait mis le feu à Rome puis l'aurait regardée brûler en pinçant sa cithare et en chantant des vers de sa composition. C'est lui qui, aussi, a tué sa mère Poppée à coups de pieds et, en se suicidant dans les égoûts de Rome, se serait écrié "Qualis artifex pereo!" - Quel artiste meurt ici !
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Poppée et Néron
Poppée n'était pas la mère de Néron, mais sa seconde femme, qui mourut effectivement des suites des brutalités infligées par son mari. La mère de Néron était Agrippine la Jeune, qui fût empoisonnée par son propre fils, décidemment bien sympathique jeune homme.
[contact auteur : Gaël R.] - [compléter cette analyse]
Complément
"Elle brûle tout le temps" : c'est une manière de parenthèse. Si on devait attendre que Rome cesse de brûler pour avoir le droit de chanter, on attendrait indéfiniment. Les guerres succèdent aux guerres de par le monde : les dieux ont toujours soif et le grand Pan est mort.
[contact auteur : Dominique Chailley]
03Honte à qui malgré tout fredonne des chansons
04À Gavroche, à Mimi Pinson.
Mimi Pinson
Mimi Pinson est une allusion claire à un texte d'Alfred de MUSSET que l'on peut trouver derrière ce lien : poesie.webnet.fr/poemes/France/musset/43.html
[contact auteur : Guillaume L.] - [compléter cette analyse]
Gavroche
Rappelons qu'en dépouillant des corprs pendant une bataille entre Républicains et Royalistes, Gavroche (dans Les Misérables, de V.Hugo) chantait, jusqu' à ce qu'il fut atteint par deux balles :
"Joie est mon caractère,
C'est la faute à Voltaire;
Misère est mon trousseau,
C'est la faute à Rousseau.
Je suis tombé par terre,
Cest la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à... "

Le garçon n'est interrompu que par une balle, ce qui n'empêche pas la bataille de se poursuivre... Voilà ce que GB parodie : les moralistes qui voudraient voir les chansons se tairent pendant que "Rome brûle" ; mais comme Rome brûle tout le temps...

[contact auteur : Guillaume L.] - [compléter cette analyse]
Références
C'est aussi et surtout une allusion à la Supplique pour être enterré à la plage de Sète, où l'âme du narrateur doit s'élever vers celle de Gavroche et de Mimi Pinson. Ces deux personnages se fondent dans la même figure du chanteur frondeur.
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
 
05En mil neuf cent trent'-sept que faisiez-vous mon cher ?
1937
1937 est, semble-t-il, l'année de la première venue de GB à Paris, après son "auto-banissement" de Sète où il s'était un peu fait remarquer par de menus larcins, évoqués dans Les quatre bacheliers. Le terme "bachelier" n'est pas à prendre au sens moderne, car il ne paraît pas que GB ait suivi ses études jusqu'au baccalauréat ; mais au sens, plus moyenâgeux, d'écolier.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
06J'avais la fleur de l'âge et la tête légère,
07Et l'Espagne flambait dans un grand feu grégeois.
L'Espagne flambait
Allusion au temps de la guerre civile espagnole de la seconde moitié des années trente.
[contact auteur : Samuel S.] - [compléter cette analyse]
Feu grégeois
Composition incendiaire à base de salpêtre et de bitume, brûlant même au contact de l'eau. Larousse
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
08Je chantais, et j'étais pas le seul : "Y a d' la joie".
Ya d'la joie
Paroles, musique et interprétation de Charles Trenet (1937), cette chanson en est venue à symboliser l'euphorie du Front Populaire et des premiers congés payés, alors que sa conclusion est plutôt douce-amère (il s'agissait d'un rêve: "le ciel est gris, il faut se lever, se laver, se vêtir...").
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
 
09Honte à cet effronté qui peut chanter pendant
10Que Rome brûle, ell' brûl' tout l' temps...
11Honte à qui malgré tout fredonne des chansons
12À Gavroche, à Mimi Pinson.
 
13Et dans l'année quarante mon cher que faisiez-vous ?
14Les Teutons forçaient la frontière, et comme un fou,
15Et comm' tout un chacun, vers le sud, je fonçais,
Vers le sud
André Tillieu, dans la biographie de Brassens publiée en 1983, note que Georges travaillait à l'usine Renault/Billancourt en 1940, où il venait d'être rejoint au mois de mai par son ami d'enfance Loulou Bestiou. Ni l'un ni l'autre n'étaient sur place le 3 juin lorsque la Luftwaffe bombarda Billancourt, mais Georges quitta Paris à pied huit jours plus tard (le 11) pour Sète, où il resta trois mois avant de remonter en train vers la capitale.
[contact auteur : William Hinshaw] - [compléter cette analyse]
16En chantant : "Tout ça, ça fait d'excellents Français".
Tout ça, ça fait d'excellents français
Chanson interprétée par Maurice Chevalier et qui vantait les mérites de l'armée française ! On a vu tous ces mérites lors des journées de Mai 40...
"Et tout ça, ça fait
D'excellents Français,
D'excellents soldats,
Qui marchent au pas.
Ils n'en avaient plus l'habitude
Mais c'est comme la bicyclette ça s'oublie pas."

[contact auteur : Damien Tournay] - [compléter cette analyse]
 
17Honte à cet effronté qui peut chanter pendant
18Que Rome brûle, ell' brûl' tout l' temps...
19Honte à qui malgré tout fredonne des chansons
20À Gavroche, à Mimi Pinson.
 
21À l'heure de Pétain, à l'heure de Laval,
22Que faisiez-vous mon cher en plein dans la rafale ?
23Je chantais, et les autres ne s'en privaient pas :
Tino Rossi
Parmi ces "autres" qui ne se privaient pas de chanter sous Laval et Pétain, Brassens pense-t-il à Tino Rossi, arrêté après la Libération (en octobre 1944) et incarcéré à Fresnes pendant trois semaines, pour avoir glorifié l'action de la très collabo "Légion des Volontaires Français" et chanté lors de ses rassemblements fascistes ?
Jugé en 1945, Tino Rossi fut (symboliquement) condamné à une suspension de travail rétroactive...

[contact auteur : Jean-Marie D.] - [compléter cette analyse]
La tournure
On retrouve dans ces vers la structure employée par Jean de La Fontaine dans La cigale et la fourmi :
" - Que faisiez-vous [...]?
- Je chantais [...] "

Cela contribue à l'ironie et à l'aspect polémique du texte.

[contact auteur : Baltazar S.] - [compléter cette analyse]
24"Bel Ami", "Seul ce soir", "J'ai pleuré sur tes pas ".
Bel Ami
Chanson de Louis Poterat, interprétée par Eva Busch (1941).
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Je suis seul ce soir avec mes rêves
Chanson de 1941 (Durand, Noël, Casanova) interprétée par André Claveau.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
J'ai pleuré sur tes pas
(Tessier, Simonot, 1943) chanson interprétée par André Claveau.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
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25Honte à cet effronté qui peut chanter pendant
26Que Rome brûle, ell' brûl' tout l' temps...
27Honte à qui malgré tout fredonne des chansons
28À Gavroche, à Mimi Pinson.
 
29Mon cher, un peu plus tard, que faisait votre glotte
30Quand en Asie ça tombait comme à Gravelotte ?
Gravelotte
Village de Moselle, lieu d'une violente bataille lors de la guerre franco-prussienne de 1870.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
31Je chantais, il me semble, ainsi que tout un tas
32De gens : "Le Déserteur", "Les Croix", "Quand un Soldat".
Le Déserteur
Chanson de Boris Vian (1954) interprétée par Mouloudji et censurée à la radio. La version que chante Mouloudji était déjà pré-censurée: "Messieurs qu'on nomme grands" au lieu de "Monsieur le Président" et "Les guerres sont des bêtises, Le monde en a assez" au lieu de "Ma décision est prise, Je m'en vais déserter".
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Les Croix
Un des premiers grands succès de Gilbert Bécaud (paroles de Louis Amade) 1953.
"Ah, mon dieu qu'il y en a des croix sur cette terre...
Mais moi, pauvre de moi, j'ai ma croix dans ma tê-êteuh..."

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Quand un soldat
1952, paroles, musique et interprétation de Francis Lemarque. Dernier vers:
Quand un soldat revient de guerre il a
Simplement eu d'la veine et puis voilà.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
 
33Honte à cet effronté qui peut chanter pendant
34Que Rome brûle, ell' brûl' tout l' temps...
35Honte à qui malgré tout fredonne des chansons
36À Gavroche, à Mimi Pinson.
 
37Que faisiez-vous mon cher au temps de l'Algérie,
38Quand Brel était vivant, qu'il habitait Paris ?
Brel est vivant et habite à Paris
Référence à "Brel is alive and well and lives in Paris", comédie musicale américaine de Mort Schumann.
En fait, y avait une blague new yorkaise en vogue à l'époque qui disait qu'Hitler était bien portant et qu'il vivait à Buenos Aires. Le titre de la comédie musicale viendrait de là, "l'emmerdeur Brel", en quelque sorte.

[contact auteur : Christophe B.] - [compléter cette analyse]
Brel et Brassens
Peut-être aussi, Brassens fait-il référence à l'époque où Brel était son voisin (dans le XIVème). Les deux hommes s'appréciaient et se voyaient de temps à autre. Brel a même conduit d'urgence à l'hosto le pauvre Brassens pris d'une colique.
[contact auteur : Philippe Salson] - [compléter cette analyse]
Complément
C'est de coliques néphrétiques que souffrait le pauvre Brassens (gravelle, ou maladie de la pierre), lesquelles provoquent des douleurs intolérables.
[contact auteur : Henri T.]
39Je chantais, quoique désolé par ces combats :
40"La valse à mille temps" et "Ne me quitte pas".
La valse à mille temps
La valse à mille temps et Ne me quitte pas sont deux des grands succès de Jacques Brel.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
 
41Honte à cet effronté qui peut chanter pendant
42Que Rome brûle, ell' brûl' tout l' temps...
43Honte à qui malgré tout fredonne des chansons
44À Gavroche, à Mimi Pinson.
 
45Le feu de la Ville Éternelle est éternel.
Le fatalisme
Le dernier vers de cette chanson se conclut comme tant d'autres par une phrase d'un fatalisme absolu. Le coté pessimiste de Brassens est évident, il ne croit pas une seconde en une quelconque possibilité de paix dans le monde... Les guerres existent et existeront toujours, mais il veut malgré tout garder le sourire, comme Trenet, son idole de toujours.
[contact auteur : Samuel Quinio] - [compléter cette analyse]
46Si Dieu veut l'incendie, il veut les ritournelles.
47À qui fera-t-on croir' que le bon populo,
48Quand il chante quand même, est un parfait salaud ?
 
49Honte à cet effronté qui peut chanter pendant
50Que Rome brûle, ell' brûl' tout l' temps...
51Honte à qui malgré tout fredonne des chansons
52À Gavroche, à Mimi Pinson.

Georges Brassens