ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, La religieuse
La religieuse
01Tous les coeurs se rallient à sa blanche cornette,
Se rallient à sa blanche cornette
écho du "Ralliez-vous à mon panache blanc" d'Henri de Navarre (le futur Henri IV) à la bataille d'Ivry (1590)
[contact auteur : Didier Bergeret] - [compléter cette analyse]
Cornette
Coiffure spécifique de certains ordres de religieuses
[contact auteur : Guillaume Benoit] - [compléter cette analyse]
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Complément
Et jeu de mots historique sur "Ralliez-vous à mon panache blanc !"
[contact auteur : Donat Donat]
02Si le chrétien succombe à son charme insidieux,
Insidieux
Grande malice de la part de Brassens dans l'emploi de cet adjectif. La beauté est un des thèmes les plus mis en débat par les théologiens : elle est à la fois don de Dieu (qui a fait l'homme à son image) et puissance diabolique de tentation. Ici elle semble plutôt pencher du côté du mal, mais grâce à un adjectif qui appelle la rime avec Dieu et qu'on peut entendre "ainsi Dieu"
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
03Le païen le plus sûr, l'athée le plus honnête
04Se laisseraient aller parfois à croire en Dieu.
Attrait du fruit défendu
Ces deux vers sont de véritables bijoux, qui placent la certitude inébranlable ("le plus sûr", "le plus honnête") du côté de l'athéisme et du paganisme, et la tentation de la faute ("se laisserait aller") du côté de la foi.
[contact auteur : Didier Bergeret] - [compléter cette analyse]
Complément
Et non seulement la certitude, mais aussi la vertu (alors qu'on sait bien que seul un croyant peut être honnête, puisqu'il va à la messe chaque dimanche...)
[contact auteur : Donat Donat]
05Et les enfants de choeur font tinter leur sonnette...
Sonnette
Je ne peux m'empêcher de penser aux carnets de Victor Hugo qui notait en espagnol 'sino' ( = cloche, clochette, sonnette) les petits services que lui rendaient parfois ses servantes, moyennant finances . Il faut bien les mettre en branle.
[contact auteur : Dominique C] - [compléter cette analyse]
 
06Il paraît que dessous sa cornette fatale,
07Qu'elle arbore à la messe avec tant de rigueur,
08Cette petite soeur cache, c'est un scandale !
09Une queue de cheval et des accroche-coeurs.
Accroche-coeur
Mèche de cheveux en forme de boucle (pluriel usuel : accroche-coeur, plus rarement accroche-coeurs)
[contact auteur : Guillaume Benoit] - [compléter cette analyse]
Complément
Queue de cheval : découvrir chez un être humain des parties animales (pied fourchu, etc.) cachées sous un vêtement a longtemps été la meilleure façon de prouver ses accointances avec le diable.
[contact auteur : Donat Donat]
10Et les enfants de choeur s'agitent dans les stalles...
Enfants de coeur
Cette rime dite "batelée" (rime de fin de vers avec l'hémistiche suivant : coeur - choeur) évoque des "enfants de coeur" (figure de style dite "antanaclase" : reprise d'un même mot, ici homophone, dans un autre sens).
[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
Stalle
nom féminin
Chacun des sièges de bois, à dossier élevé, garnissant les deux côtés du chœur d'une église cathédrale ou abbatiale. (Les stalles étaient réservées au clergé, aux moines ; beaux ensembles sculptés à partir du XIIIe s.)
Larousse

[contact auteur : Charles Aknin] - [compléter cette analyse]
 
11Il paraît que, dessous son gros habit de bure,
12Elle porte coquettement des bas de soie,
13Festons, frivolités, fanfreluches, guipures,
Coquetterie
A noter la superbe allitération qui suggère les froufrous de l'extrême coquetterie supposée de la soeur.
[contact auteur : Michel Planté] - [compléter cette analyse]
14Enfin, tout ce qu'il faut pour que le Diable y soit.
Rime équivoquée par homophonie
Procédé fréquent chez Brassens qui consiste à faire rimer deux mots identiques sur le plan phonique mais non synonymes. Elle a ici pour effet de lier intimement le Diable au corps de la religieuse en accentuer la sensualité de la description (on entend une deuxième fois "soie")
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
15Et les enfants de choeur ont des pensées impures...
 
16Il paraît que le soir, en voici bien d'une autre !
17À l'heure où ses consoeurs sont sagement couchées
Consoeurs
Une certaine délicatesse dans l'expression 'con'-soeurs qui dé-'bitent' pieusement
[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
18Ou débitent pieusement des patenôtres,
Ou débitent
Brassens, quand il chante, marque une pause à cet endroit, et l'on entend "où des bites" en se demandant ce qu'elles font aux consoeurs sagement couchées....
[contact auteur : Julien U.] - [compléter cette analyse]
Influence
Renaud, grand amateur de Brassens, fit le même genre d'effet dans la chanson Dès que le vent soufflera. En effet, on peut y entendre :
Assise sur une bitte
D'amarrage, elle pleure

A l'écoute, on ne pense pas forcément au même genre de "bitte".

[contact auteur : Renaud Hoyoux] - [compléter cette analyse]
19Elle se déshabille devant sa psyché.
Psyché
Grand miroir sur pied et pivotant sur son axe (donc permettant de se contempler sous toutes les coutures).
C'est en réalité une syllepse, procédé qui consiste à employer un mot à la fois au propre et au figuré, dans la mesure où l'on peut y voir aussi la référence à l'héroïne grecque Psyché, femme à la beauté exceptionelle (la religieuse se contemple devant l'image de sa beauté), voire devant son âme (étymologie grecque de Psyché), pécheresse bien entendu.

[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
20Et les enfants de choeur ont la fièvre, les pauvres...
 
21Il paraît qu'à loisir elle se mire nue,
La nonne à sa toilette
G.B. a peut-être lu le Ver-Vert de Gresset (milieu XVIIIe s.) où le perroquet-mascotte des Religieuses de Nevers assiste à leur toilette (fin du Chant premier).
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
22De face, de profil, et même, hélas ! de dos,
23Après avoir, sans gêne, accroché sa tenue
24Aux branches de la croix comme au portemanteau.
De la croix
Utilisation singulière de la croix chrétienne, qui rappelle l'équivoque phallique dans la Supplique pour être enterré à la plage de Sète :
J'en demande pardon par avance à Jésus,
Si l'ombre de sa croix s'y
[sur une ondine endormie] couche un peu dessus.

[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
25Chez les enfants de choeur le Malin s'insinue...
S'insinue
Le Malin s'insinue = le malin sein si nu ?
Cette chanson est pleine d'homophonies, de doutes, de "soupçons", de "trompe-l'oreille"...

[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
 
26Il paraît que, levant au ciel un oeil complice,
Complice
Une autre homophonie (complice / "qu'on plisse" suggérant que les pommettes se relèvent et qu'un sourire accompagne donc le regard), un 'trompe-l'oreille' dont nous parle si bien Ralf T.
[contact auteur : Dominique C] - [compléter cette analyse]
27Ell' dit : "Bravo, Seigneur, c'est du joli travail !"
28Puis qu'elle ajoute avec encor' plus de malice :
29"La cambrure des reins, ça, c'est une trouvaille !"
30Et les enfants de choeur souffrent un vrai supplice...
Souffrent
Syllepse sur le verbe ? C'est-à-dire employé à la fois dans le sens de "ressentir de la douleur" et dans le sens de "supporter" (type "je ne peux pas le souffrir")
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
 
31Il paraît qu'à minuit, Bonne Mère, c'est pire :
32On entend se mêler, dans d'étranges accords,
33La voix énamourée des anges qui soupirent
Soupirs des anges
A ce propos, voir aussi Le mouton de Panurge, Quatre-vingt quinze pour cent et Histoire de faussaire
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
Voir aussi Le bulletin de santé : ce sont tout simplement les anges qui soupirent
[contact auteur : Samuel S.]
34Et celle de la soeur criant "Encore ! Encore !"
Encore ! Encore !
Vieille obsession chez Tonton Georges. Au lieu de s'écrier "Hardi ! Hardi !" certaines déclament du Claudel (Misogynie à part), "Debout ! Debout les morts !" revendique l'épouse d'un rédacteur en chef, alors que d'autres font la synthèse : "Encore, encore, encore, Hardi hardi, Pousse le radis, dis !" (Les radis)
[contact auteur : Dominique C] - [compléter cette analyse]
35Et les enfants de choeur, les malheureux, transpirent...
 
36Et monsieur le curé, que ces bruits turlupinent,
37Se dit avec raison que le brave Jésus
38Avec sa tête, hélas ! déjà chargée d'épines,
39N'a certes pas besoin d'autre chose dessus.
Autre chose
Revoilà les cornes du cocu ! La saveur de cette allusion tient ici au fait que le narrateur du texte est manifestement un catholique convaincu, comme en témoignent les nombreuses incises type "bonne mère", "c'est un scandale", etc., et que celui-ci rapporte ici les paroles du curé. Ainsi le curé blasphème dans son indignation et son ouaille rapporte consciencieusement le blasphème.
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
Complément
D'autant que, normalement, c'est l'autre qui porte des cornes : le diable bis-cornu...
[contact auteur : Donat Donat]
40Et les enfants de choeur, branlant du chef, opinent...
Opinent
Le mot "pine" est sous-jacent à tout le couplet : tord la pine ou turlutte pine, chargée des pines. On peut penser à ces chansons semi-paillardes comme La jeune fille du métro, très en vogue au début du XXème siècle, où un mot grossier est suggéré par la rime, c'est-à-dire le retour obsédant du son, mais jamais prononcé.
Voir www.paroles.net/chansons/17055.htm

[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
Complément
Et que faut-il entendre par "branler du chef", sachant que le chef des enfants de choeur... c'est le curé ?
[contact auteur : Donat Donat]
Complément bis
Je pense qu'il faut ici entendre "Branlant du chef aux pines", c'est à dire branlant de bas en haut, tant du point de vue du tremblement nerveux que de la masturbation dont il est finalement question, plus tard.
[contact auteur : Cyril B] - [compléter cette analyse]
 
41Tout ça, c'est des faux bruits, des ragots, des sornettes,
42De basses calomnies par Satan répandues.
43Pas plus d'accroche-coeurs sous la blanche cornette
44Que de queue de cheval, mais un crâne tondu.
Que de queues
Là encore, Brassens fait une pause au bon endroit...
On peut y voir également une référence à l'humour potache qui consiste à crier "de cheval" dès qu'un mot terminant par "que" ou "pine" est prononcé (voir également la chanson de Bobby Lapointe "Saucisson de cheval")

[contact auteur : Julien U.] - [compléter cette analyse]
Crâne tondu
Il en va donc de La religieuse comme de la collabo de La tondue : l'important n'est pas l'accroche-coeur en lui-même mais en tant que symbole, c'est-à-dire de lien vers le fantasme, sexuel ici, de reconnaissance sociale là-bas.
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
45Et les enfants de choeur en font, une binette...
 
46Pas de troubles penchants dans ce coeur rigoriste,
47Sous cet austère habit, pas de rubans suspects.
48On ne verra jamais la corne au front du Christ,
49Le veinard sur sa croix peut s'endormir en paix,
Sentences
De par leur forme de sentence, les quatre premiers vers du couplet closent fortement le sens du texte : il y avait fantasme collectif mais la vérité est rétablie. Par conséquent, le narrateur, ou si l'on préfère, la voix textuelle, se tait, imitant en cela Jésus qui peut "s'endormir en paix".
Cette interprétation permet de résoudre l'énigme laissée par le dernier vers de la chanson. On peut avancer que ce n'est plus le narrateur principal du texte qui s'exprime, mais une voix autre, celle d'un observateur désabusé et cynique (peut-être un enfant de choeur lui-même) qui énonce avec trivialité l'activité onaniste des enfants de choeur, au contraire du narrateur premier, qui se forçait à l'occulter mais dont le discours foisonnait de lapsus que le facétieux auteur mettait dans sa bouche.

[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
50Et les enfants de choeur se masturber, tout tristes...
Se masturber
Si l'on y fait bien attention, toute la chanson nous parle de masturbation avec les doubles sens et les sonorités triviales des fins de couplets : "branlant", "opinent", "que de queue", "agitant leurs grelots", etc.
[contact auteur : Philippe L.] - [compléter cette analyse]
Se masturber
Oui, le dernier refrain exprime ce qui a déjà été évoqué et c'est pourquoi je regrette beaucoup ce pavé lancé à la fin de cette chanson si subtile et délicate. Pour ma version allemande, j'ai fait deux variantes de chute et je préfère chanter celle qui reste un peu plus dans le vague. Le dernier vers de Brassens ne me convainc pas, c'est l'un des rares cas où je pense que Brassens aurait dû rester dans le même registre plutôt que de "dénoncer" la chanson...
[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
Triste branlette
On peut aussi considérer ce dernier vers bien terre à terre comme l'éjaculation finale (et décevante puisque sans objet) qui suit la montée en puissance des fantasmes des enfants de choeur à chaque couplet.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
Suite aux vers précédents on s’aperçoit que finalement cette histoire n’était qu’un fantasme. L’ambiguïté du texte qui en faisait son charme est donc rompue et de la même façon GB rompt avec le style qu’il employait jusqu'à présent pour revenir à un vocabulaire plus commun. C'est le retout à la réalité.
Selon moi l’hypothèse d’un narrateur unique peut garder tout son sens.

[contact auteur : Nicolas B.]

Georges Brassens