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Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Le mécréant

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Le mécréant
01Est-il en notre temps rien de plus odieux,
02De plus désespérant, que de n'pas croire en Dieu ?
 
03J'voudrais avoir la foi, la foi d'mon charbonnier,
04Qui est heureux comme un pape et con comme un panier.
 
05Mon voisin du dessus, un certain Blais' Pascal,
06M'a gentiment donné ce conseil amical :
 
07Mettez-vous à genoux, priez et implorez,
08Faites semblant de croire, et bientôt vous croirez.
 
09J'me mis à débiter, les rotules à terre,
10Tous les Ave Maria, tous les Pater Noster,
 
11Dans les ru's, les cafés, les trains, les autobus,
12Tous les De Profundis, tous les morpionibus...
 
13Sur ces entrefait's-là, trouvant dans les orties
14Un' soutane à ma taille, je m'en suis travesti
 
15Et, tonsuré de frais, ma guitare à la main,
16Vers la foi salvatrice, je me mis en chemin.
 
17J' tombai sur un boisseau d'punais's de sacristie,
18Me prenant pour un autre, en choeur, elles m'ont dit :
 
19Mon père, chantez-nous donc quelque refrain sacré,
20Quelque sainte chanson dont vous avez l' secret !
 
21Grattant avec ferveur les cordes sous mes doigts,
22J'entonnai Le Gorille avec Putain De Toi.
 
23Criant à l'imposteur, au traître, au papelard,
24Ells veul'nt me fair' subir le supplic' d'Abélard,
 
25Je vais grossir les rangs des muets du sérail,
26Les bell's ne viendront plus se pendre à mon poitrail,
 
27Grâce à ma voix coupée j'aurai la plac' de choix
28Au milieu des Petits Chanteurs à la Croix d'Bois.
 
29Attirée par le bruit, un' dam' de charité,
30Leur dit : "Que faites-vous ? Malheureus's, arrêtez !
 
31Y'a tant d'hommes aujourd'hui qui ont un penchant pervers
32À prendre obstinément Cupidon à l'envers,
 
33Tant d'hommes dépourvus de leurs virils appas,
34À ceux qui en ont encor' ne les enlevons pas !"
 
35Ces arguments massues firent un grosse impression,
36On me laissa partir avec des ovations.
 
37Mais, su' l' chemin du ciel, je n' ferai plus un pas,
38La foi viendra d'ell'-même ou ell' ne viendra pas.
 
39Je n'ai jamais tué, jamais violé non plus,
40Y'a déjà quelque temps que je ne vole plus,
 
41Si l'Éternel existe, en fin de compte, il voit
42Qu' je m' conduis guèr' plus mal que si j'avais la foi.

Georges Brassens

<<(1960 - Le mécréant, 11)>>

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