ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Hors album
Une ombre au tableau
Le service de publication est momentanément désactivé, sans doute à cause d'une trop longue liste d'analyses en attente de modération.
Merci de votre compréhension.
01Si j'ai bonne mémoire, elle allait dégrafée ;
02On comptait plus les yeux qu'elle avait pu crever.
03Elle faisait du tort aux statues de l'antique ;
04Elle était si prodigue à montrer ses appas
05Que la visite au Louvre ne s'imposait pas.
06Avec elle le nu devenait art plastique.
07Mais les temps sont venus mettre une ombre au tableau,
08Rendre à son piédestal la Vénus de Milo.
09La belle dégrafée a changé d'esthétique,
10Un vent de honte a balayé le pont des Arts,
11Et les collets sont montés comme par hasard.
12"Les jeunes filles d'aujourd'hui sont impudiques."
 
13De la mode, naguère, elle ignorait le cours,
14Invariablement, elle s'habillait court.
15Elle aimait accuser le jeu de ses chevilles ;
16Quand le vent s'en mêlait, c'était fête pour nous
17On avait un droit de regard sur ses genoux,
Naguère
Naguère, en effet, disons jusqu'à la Guerre de Quatorze, les robes des dames descendaient jusqu'à terre et balayaient le pavé. Montrer ses chevilles frisait alors l'impudeur, et lorsque, après la guerre, les élégantes des Années Folles en chapeau cloche, aux cheveux coupés courts, donnèrent en spectacle leurs genoux , ce fut un tollé général chez les gens "bien pensants".
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
18Et l'on en abusait, je vous le certifie.
19Mais les temps sont venus mettre une ombre au tableau,
20Les jupes tout à coup sont tombées de bien haut.
21La belle retroussée est devenue Sophie ;
Sophie
Sophia = sagesse comme dans philosophie = amour de la sagesse
[contact auteur : Alex L.] - [compléter cette analyse]
22À peine maintenant si l'on voit ses talons,
23Quelle que soit la mode, elle s'habille long.
24"Elles en font vraiment trop voir, les jeunes filles."
 
25Et s'il avait fallu vêtir une poupée
26Du soupçon de chiffon dont elle était nippée,
27L'étoffe aurait paru tout juste suffisante ;
28C'était rien, moins que rien, ça lui couvrait le corps
29D'une seconde peau qui la rendait encore
30Plus nue toute habillée et plus appétissante.
31Mais les temps sont venus mettre une ombre au tableau,
32Elle a de la tenue et flétrit le culot
33De ces beautés du diable, ces adolescentes,
34Qui, la robe collée sur leur peau de satin,
35Ont l'air de revenir du faubourg Saint-Martin.
36"Les jeunes filles d'aujourd'hui sont indécentes."
 
37Cela dit, sans vouloir lui laver le chignon,
38La bagatelle était son gros péché mignon.
39L'amour était toujours pendu à sa ceinture.
40Légère, elle a connu les mille et une nuits
41De noce et son ange gardien, pauvre de lui,
42Dut passer auprès d'elle une vie de tortures.
43Mais les temps sont venus mettre une ombre au tableau,
44Sous le pont des soupirs, il a coulé de l'eau.
45La belle enamourée a changé de posture,
46Maintenant qu'Adonis a déserté sa cour,
47Que l'amour la délaisse, elle laisse l'amour
48Aux jeunes filles d'aujourd'hui, ces créatures !
Créatures
Euphémisme utilisé jusque dans les années 50 par les dames respectables pour désigner une femme impudique, une garce, une putain.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]

Georges Brassens