ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Don Juan
Tempête dans un bénitier
Vatican II
La tempête en question est le deuxième Concile du Vatican (1962-65) réuni à l'initiative du Pape Jean XXIII, qui chamboula pas mal d'habitudes dans l'Église Catholique, dont celle de dire la messe en latin. Tempête parce qu'un certain nombre de fidèles conservateurs protestèrent (et protestent encore) contre cette décision pontificale. En prenant parti pour ceux-ci, pour qui le mot "intégristes" a été utilisé pour la première fois, Brassens, qui ne mettait jamais les pieds à la messe et donc ne risquait guère de s'y emmerder, tourne toute cette affaire en dérision.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
A mon avis, le mot "intégriste" est bien antérieur au Concile de Vatican II. Il date du début du XXe siècle, désignant alors ceux qui voulaient revenir à "l'intégrité" de la religion catholique, et lutter contre les thèses du "modernisme".
[contact auteur : Gérard Lenne]
01Tempête dans un bénitier,
Verre d'eau
Allusion à la fameuse "tempête dans un verre d'eau", selon le Littré:
C'est une tempête dans un verre d'eau, se dit de violentes querelles, de violents tumultes dans un tout petit cercle. On a appelé les commotions de la république de Genève des tempêtes dans un verre d'eau.

[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
02Le souverain pontife avecques
Avecques
Orthographe ancienne et encore tolérée en poésie classique quand il vous manque un pied dans un vers.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Le souverain pontife
Pontife (latin pontifex) (nom masculin) :
- Titre donné aux évêques, en particulier au pape, évêque de Rome, appelé souverain pontife.
- (péjoratif, familier) Homme gonflé de son importance, prétentieux.
Pontifier (verbe) : Prendre des airs d'importance; parler avec emphase, avec prétention.

Avec seulement deux vers, Brassens fait ici plusieurs subtils jeux de mots, entremêlés.

[contact auteur : Sylvain ] - [compléter cette analyse]
03Les évêques, les archevêques,
04Nous font un satané chantier.
Satané
Pour qualifier un "chantier" causé par le pape, les évêques et les archevêques, je trouve cette référence à Satan particulièrement plaisante. C'est un peu comme si on disait qu'ils font un raffut de tous les diables ou un boucan d'enfer.
[contact auteur : Didier Bergeret] - [compléter cette analyse]
 
05Ils ne savent pas ce qu'ils perdent,
06Tous ces fichus calotins,
Calotins
Les calotins sont les porteurs de calotte, c'est à dire tous les prêtres, évêques et autres membres du clergé; mais aussi par extension, tous les catholiques. Ainsi, "À bas la calotte!", vieux slogan anarchiste contemporain de "Mort aux Vaches!", signifie: à bas l'Église.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
07Sans le latin, sans le latin,
08La messe nous emmerde.
09À la fête liturgique,
10Plus de grand's pompes, soudain,
11Sans le latin, sans le latin,
12Plus de mystèr' magique.
13Le rite qui nous envoûte
14S'avère alors anodin,
Le mystère... s'avère anodin
Toutes les religions font appel au mystère (cf. les Mystères d'Eleusis dans l'Antiquité Grecque), et en rajoutent volontiers dans l'incompréhensible pour leurs fidèles crédules. Ceci d'autant plus facilement que les prêtres sont toujours des "initiés" ayant accès à d'anciennes traditions, d'anciens rituels etc. parfois devenus incompréhensibles pour le commun des mortels. Le latin a longtemps joué chez nous ce rôle de "langue des Dieux". (voir La femme d'Hector).
Ce que sous-entend GB c'est que s'il n'y a plus de mystère, il n'y a plus de religion: Le roi (des Cieux) est nu.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
15Sans le latin, sans le latin,
16Et les fidèl's s'en foutent.
17Ô très Sainte Marie Mèr' de
18Dieu, dites à ces putains
Jeu de mots
GB n'a pas coupé ces deux vers au hasard : on entend bien "Sainte Marie merde / Dieu dites à ces putains".
[contact auteur : Gaël R.] - [compléter cette analyse]
19De moines qu'ils nous emmerdent
Putain de moine
Ancienne injure (être une putain, c'est très mal, être putain de moines, c'est joindre le sacrilège à la fornication). Encore utilisée comme exclamation, surtout dans le Midi, et "avé l'assan".
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
20Sans le latin.
 
21Je ne suis pas le seul, morbleu !
22Depuis que ces règles sévissent,
23À ne plus me rendre à l'office
24Dominical que quand il pleut.
Do!
Brassens n'a pas pu s'en empêcher: il chante la syllabe "do" de "dominical", bien fort, bien longtemps, sur la note do.
On peut y voir une allusion à l'hymne à St-Jean de Guy d'Arezzo dont les 1ères syllabes de chaque phrase sont le nom de la note en question (UTreant que laxis, REsonare filiis...): c'est de là que vient le nom des notes actuelles. mais "do" n'y est pas, c'est "ut" à la place. Do a été inventé plus tard.

[contact auteur : Matthias L.] - [compléter cette analyse]
 
25Ils ne savent pas ce qu'ils perdent
26Tous ces fichus calotins,
27Sans le latin, sans le latin,
28La messe nous emmerde.
29En renonçant à l'occulte,
L'occulte
L'occulte, c'est le mystère (voir plus haut). Littéralement "ce qui est caché". Les sciences occultes: la magie, l'alchimie, le spiritisme, l'astrologie, toutes choses qui sont cousines germaines de la religion qui, à l'occasion, ne s'est pas privée de les utiliser.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
30Faudra qu'ils fassent tintin,
Faire tintin
Comme disait ma mère : Si tu ne veux pas manger ta soupe, tu feras tintin pour le dessert = tu en seras privé.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
31Sans le latin, sans le latin,
32Pour le denier du culte.
Le denier du culte
L'Église Catholique et ses prêtres vivent des revenus de leurs nombreuses propriétés, mais aussi d'une contribution libre et annuelle des fidèles, une sorte d'impôt volontaire, qui s'appelle le denier du culte. Le denier (denarius, qui a donné le dinar du maghreb entre autres) était une monnaie romaine. C'est pour 30 deniers que Judas a trahi Jésus. "Je l'ai payé de mes deniers" = avec mes sous à moi.
Ce que dit GB, c'est: "Vous vous passerez de ma contribution financière si vous continuez à refuser de dire la messe en latin".

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
33À la saison printanière
34Suisse, bedeau, sacristain,
Suisse
Inspiré sans doute des Gardes Suisses du Vatican, le "Suisse" qui officiait naguère dans les églises d'une certaine importance portait une hallebarde à la main gauche, et une canne à pommeau d'argent dans la droite. C'était un personnage un tantinet ridicule que Fernand Raynaud a brocardé dans un de ses sketches au refrain célèbre à l'époque: "Tiens! V'là l'hallebardier!" (henri t.)
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Bedeau, sacristain
Le Suisse n'était souvent que le bedeau (ou sacristain) habillé en hallebardier pour la circonstance. C'est lui qui assurait l'entretien matériel de l'église, qui sonnait les cloches (et en changeait les cordes), c'était l'homme de peine de la paroisse.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
35Sans le latin, sans le latin
36F'ront l'églis' buissonnière,
éeglise buissonnière
Petit clin d'oeil à l'école buissionnière, expression chère à Brassens qui signifie "sécher les cours", ici c'est "sécher la messe".
Notons qu'il y a aussi la "tombe buissionnère" dans Le testament".

[contact auteur : Xavier B.] - [compléter cette analyse]
37Ô très Sainte Marie Mèr' de
Mèr' de
Il est permis de penser que Brassens s'est amusé à écrire cette rime, en composant l'homophonie "Sainte Marie Merde"...
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
38Dieu, dites à ces putains
39De moines qu'ils nous emmerdent
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40Sans le latin.
 
41Ces oiseaux sont des enragés,
42Ces corbeaux qui scient, rognent, tranchent
Corbeaux
Vieille métaphore anticléricale désignant les curés (dans leurs soutanes noires). L'image n'en est pas moins frappante, un peu dessin animé : ces oiseaux noirs qui scient la branche de la Croix sur laquelle ils sont assis, on les voit !
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
43La saine et bonne vieille branche
44De la croix où ils sont perchés.
 
45Ils ne savent pas ce qu'ils perdent,
46Tous ces fichus calotins,
47Sans le latin, sans le latin,
48La messe nous emmerde.
49Le vin du sacré calice
50Se change en eau de boudin,
Où le vin se change en eau
Brassens se plaît ici à retourner le miracle biblique des noces de Cana, pendant lesquelles Jésus transforma de l'eau en vin... Ce miracle est d'ailleurs supposé être le premier qu'il ait accompli.
Brassens donne donc l'impression que la boucle est bouclée, le miracle est fini, tout est redevenu très normal, circulez, y'a plus rien à voir... Ite missa est.

[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Complément
Dans la liturgie, le vin du sacré calice représente le sang du Christ, alors que le boudin est fait avec du sang de porc. On passe d'un sang divin à celui d'une bête qui se vautre dans la boue et les excréments, ce qui amplifie l'emmerdement de la messe.
[contact auteur]
51Sans le latin, sans le latin
52Et ses vertus faiblissent.
53À Lourdes, Sète ou bien Parme,
54Comme à Quimper-Corentin,
Quimper-Corentin
Ancien nom de la ville de Quimper, en hommage à Saint Corentin, son patron, dont la cathédrale porte aussi le nom.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
55Le presbytère, sans le latin,
56A perdu de son charme.
Le presbytère a perdu de son charme
Gaston Leroux donne, dans son roman "Le mystère de la chambre jaune" (1907), une signification toute mystérieuse à la phrase suivante : "Le presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat", et ce petit bout de poésie a marqué depuis bien des esprits...
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Le presbytère n'a rien perdu de...
Il semble que Gaston Leroux se soit en fait approprié la tirade de George Sand, qui écrit dans sa seconde lettre à Marcie, que "le presbytère n'a rien perdu de sa propreté, ni le jardin de son éclat".
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
57Ô très Sainte Marie Mèr' de
58Dieu, dites à ces putains
59De moines qu'ils nous emmerdent
60Sans le latin.

Georges Brassens