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- Les deux oncles
- 01C'était l'oncle Martin, c'était l'oncle Gaston
- 02L'un aimait les Tommies, l'autre aimait les Teutons.
- 03Chacun, pour ses amis, tous les deux ils sont morts,
- 04Moi, qui n'aimais personne, eh bien ! je vis encor.
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- 05Maintenant, chers tontons, que les temps ont coulé,
- 06Que vos veuves de guerre ont enfin convolé,
- 07Que l'on a requinqué, dans le ciel de Verdun,
- 08Les étoiles ternies du maréchal Pétain,
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- 09Maintenant que vos controverses se sont tues,
- 10Qu'on s'est bien partagé les cordes des pendus,
- 11Maintenant que John Bull nous boude, maintenant,
- 12Que c'en est fini des querelles d'Allemand,
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- 13Que vos fill's et vos fils vont, la main dans la main,
- 14Faire l'amour ensemble et l'Europ' de demain,
- 15Qu'ils se soucient de vos batailles presque autant
- 16Que l'on se souciait des guerres de Cent Ans,
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- 17On peut vous l'avouer, maintenant, chers tontons,
- 18Vous l'ami des Tommies, vous l'ami des Teutons,
- 19Que, de vos vérités, vos contrevérités,
- 20Tout le monde s'en fiche à l'unanimité.
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- 21De vos épurations, vos collaborations,
- 22Vos abominations et vos désolations,
- 23De vos plats de choucroute et vos tasses de thé,
- 24Tout le monde s'en fiche à l'unanimité.
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- 25En dépit de ces souvenirs qu'on commémore,
- 26Des flammes qu'on ranime aux monuments aux Morts,
- 27Des vainqueurs, des vaincus, des autres et de vous,
- 28Révérence parler, tout le monde s'en fout.
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- 29La vie, comme dit l'autre, a repris tous ses droits.
- 30Elles ne font plus beaucoup d'ombre, vos deux croix,
- 31Et, petit à petit, vous voilà devenus,
- 32L'Arc de Triomphe en moins, des soldats inconnus.
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- 33Maintenant, j'en suis sûr, chers malheureux tontons,
- 34Vous, l'ami des Tommies, vous, l'ami des Teutons,
- 35Si vous aviez vécu, si vous étiez ici,
- 36C'est vous qui chanteriez la chanson que voici,
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- 37Chanteriez, en trinquant ensemble à vos santés,
- 38Qu'il est fou de perdre la vie pour des idées,
- 39Des idées comme ça, qui viennent et qui font
- 40Trois petits tours, trois petits morts, et puis s'en vont,
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- 41Qu'aucune idée sur terre est digne d'un trépas,
- 42Qu'il faut laisser ce rôle à ceux qui n'en ont pas,
- 43Que prendre, sur-le-champ, l'ennemi comme il vient,
- 44C'est de la bouillie pour les chats et pour les chiens,
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- 45Qu'au lieu de mettre en joue quelque vague ennemi,
- 46Mieux vaut attendre un peu qu'on le change en ami,
- 47Mieux vaut tourner sept fois sa crosse dans la main,
- 48Mieux vaut toujours remettre une salve à demain,
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- 49Que les seuls généraux qu'on doit suivre aux talons,
- 50Ce sont les généraux des p'tits soldats de plomb.
- 51Ainsi, chanteriez-vous tous les deux en suivant
- 52Malbrough qui va-t-en guerre au pays des enfants.
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- 53Ô vous, qui prenez aujourd'hui la clé des cieux,
- 54Vous, les heureux coquins qui, ce soir, verrez Dieu,
- 55Quand vous rencontrerez mes deux oncles, là-bas,
- 56Offrez-leur de ma part ces "Ne m'oubliez pas",
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- 57Ces deux myosotis fleuris dans mon jardin
- 58Un p'tit forget me not pour mon oncle Martin,
- 59Un p'tit vergiss mein nicht pour mon oncle Gaston,
- 60Pauvre ami des Tommies, pauvre ami des Teutons...
Georges Brassens
<<(1964 - Les copains d'abord, 6)>>
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