ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Le mécréant
La traîtresse
Paronomase
Toute la chanson semble partir (je n'ai pas de renseignements biographiques à ce sujet) du jeu de mots initial traîtresse / maîtresse, qui détermine la situation de vaudeville de l'amant surprenant la femme en compagnie de son mari. Sujet présent également chez Brel, dont Les biches Tromp[e]nt l'ennui plus que le cerf / Et l'amant avec l'autre amant / Et l'autre amant avec le cerf
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
01J'en appelle à la mort, je l'attends sans frayeur,
J'en appelle
Comment ne pas penser au début de L'épave :
J'en appelle à Bacchus, à Bacchus j'en appelle ?
Dans les deux chansons, l'adresse initiale marque le sentiment de désarroi du personnage narrateur, simplement révolté pour l'adresse à Bacchus, suicidaire ici.

[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
02Je n' tiens plus à la vie, je cherche un fossoyeur
03Qui aurait un' tombe à vendre à n'importe quel prix :
04J'ai surpris ma maîtresse au bras de son mari,
05Ma maîtresse, la traîtresse !
La traîtresse
Il est très dur pour un homme qui a conquis une femme de la voir se rapprocher de nouveau de l'homme qu'elle aimait. GB montre une nouvelle fois tout l'orgueil qu'il met dans la conquête amoureuse.
[contact auteur : Samuel S.] - [compléter cette analyse]
 
06J' croyais tenir l'amour au bout de mon harpon,
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07Mon p'tit drapeau flottait au coeur d' madam' Dupont,
Drapeau
Métaphore originale bâtie sur un cliché littéraire : l'amoureux conquiert sa belle comme on conquiert un territoire. Le drapeau rappelle sans doute les grandes expéditions pour que le drapeau d'un pays soit planté sur le haut de monts inaccessibles jusque-là (et bientôt jusque sur la lune)
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
Madam' Dupont
Sauf erreur, nous trouvons cette chère Madame Dupont dans trois chansons de Brassens (A l'ombre des maris, La traîtresse et Le cauchemar). Est-ce un hasard si dans deux de ces trois chansons elle se trouve en situation d'adultère?
Est-ce une façon pour Brassens de "généraliser" par le truchement d'un nom aussi répandu (c'est d'ailleurs en partie l'usage qui est fait du patronyme dans "Le cauchemar", aux côtés des "Durand, Dubois, ..."), ou doit-on voir là plus qu'une simple coïncidence?
Notons au passage que dans les deux cas précis (et même dans le troisième) l'orthographe est identique: Dupont avec un "T".

[contact auteur : Romain Jalabert] - [compléter cette analyse]
08Mais tout est consommé : hier soir, au coin d'un bois,
Consommé
Jeu de mots sur "consommé" qui prend ici le sens ici de "terminé", sens avéré dans "consommer un mariage" par exemple, et c'est d'ailleurs exactement ce qui se passe. Peut-être peut-on émettre l'hypothèse d'un jeu avec "consommé" dans le sens de "parfait, maximal" (type "un manipulateur consommé"), auquel cas il faudrait y voir une allusion métalittéraire à la situation, parfaite d'un point de vue de ses possibilités comiques.
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
09J'ai surpris ma maîtresse avec son mari, pouah !
Rime en ''pouah''
Certains traiteront cette interjection de rime faible mais disons plus prudemment que Brassens s'amuse à élargir les possibilités de la rime en y mettant, comme par exemple Rostand avant lui, des mots interdits dans la perspective classique normative.
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
10Ma maîtresse, la traîtresse !
 
11Trouverai-je les noms, trouverai-je les mots,
12Pour noter d'infamie cet enfant de chameau
Enfant de chameau
Cas de prétérition : le personnage met en doute sa capacité à trouver une insulte et la trouve tout de même, à moins qu'il ne juge "enfant de chameau" pas assez infâmant. Dans les deux cas, le discours du personnage traduit son désarroi, soit qu'il se contredise, soit qu'il se révèle impuissant à venger l'affront.
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
13Qui a choisi son époux pour tromper son amant,
14Qui a conduit l'adultère à son point culminant ?
15Ma maîtresse, la traîtresse !
 
16Où donc avais-j' les yeux ? Quoi donc avais-j' dedans ?
Quoi donc avais-je dedans ?
Au risque d'être grossier, ne dit-on pas "avoir de la merde dans les yeux" ?
[contact auteur : Claude Polez] - [compléter cette analyse]
17Pour n' pas m'être aperçu depuis un certain temps
18Que, quand ell' m'embrassait , ell' semblait moins goulue
19Et faisait des enfants qui n' me ressemblaient plus.
Des enfants
Effet de chute due à l'arrivée inopinée d'enfants au pluriel, ce qui suppose donc une relation suivie depuis plusieurs années.
Même procédé chez Brel dans Titine :
[...] c'est mieux que rien
Quand on vit d'puis trente ans
Tout seul avec un chien
Et avec douze enfants

[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
20Ma maîtresse, la traîtresse !
 
21Et pour bien m'enfoncer la corne dans le coeur,
La corne
Attribut traditionnel du cocu, les cornes passent ici au singulier pour connoter un poignard, ce qui constitue un exemple unique à ma connaissance d'utilisation du symbole de l'adultère dans une image violente.
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
22Par un raffinement satanique, moqueur,
23La perfide, à voix haute, a dit à mon endroit :
24"Le plus cornard des deux n'est point celui qu'on croit."
Fable de La Fontaine
Emprunt à La Fontaine :
"Le plus âne des trois n'est pas celui qu'on pense."
Le meunier, son fils et l'âne

[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
25Ma maîtresse, la traîtresse !
 
26J'ai surpris les Dupont, ce couple de marauds,
27En train d' recommencer leur hymen à zéro,
Hymen
Ou hyménée (du nom d'une divinité grecque qui présidait au mariage) mariage Larousse
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
28J'ai surpris ma maîtresse équivoque, ambiguë,
équivoque, ambiguë
L'irruption de ces deux adjectifs est pour le moins curieuse, étant donné le comportement "satanique" de la dame. Qui plus est, les deux adjectifs sont synonymes. On peut les interpréter comme marque d'un discours bredouillant, voire contradictoire.
A moins que l'on ne décide de remonter à l'étymologie latine, qui signifie littéralement "paroles égales" pour le premier et "agir de part et d'autre" pour le second. La maîtresse serait donc accusée de tenir un double discours (équivoque) et d'assumer un double rôle (ambiguë). Cette hypothèse fait nécessairement des adjecifs des épithètes du nom, c'est-à-dire qu'ils qualifient l'essence même de la maîtresse ; et, en cela, on peut les considérer comme ce qu'on a coutume de nommer des épithètes homériques, c'est-à-dire donnant la caractéristique majeure du personnage (l'exemple canonique est "le bouillant Achille").
Nous sommes donc face à un exercice de style tissé autour du personnage (ou plutôt du type) de la femme manipulatrice, d'où la sensation de misogynie ressentie à l'écoute de la chanson.

[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
29En train d'intervertir l'ordre de ses cocus.
En train d'intervertir l'ordre
Ce vers résonne avec celui d'À l'ombre des maris : à force à force de se passer le relais.
Il est vrai que ce partage obligé est ambigu ; c'est du donnant-donnant pour un acte qu'on voudrait exclusif, d'où la mauvaise humeur de GB dans cette chanson.

[contact auteur : Samuel S.] - [compléter cette analyse]
Complément
La référence au relais de cette chanson est très juste, mais la différence fondamentale est la cible de l'affection du personnage cocu.
Ici il s'agit tout de même de la maîtresse, le mari n'est qu'un prétexte ou, si l'on préfère souligner le caractère théâtral de la scène, un figurant. Dans À l'ombre des maris, c'est le mari cocu qui attire l'affection de l'amant :
on finit tous deux par devenir intimes
À force, à force de se passer le relais
.
À tel point que la femme est évincée par un couple masculin qui confine au couple homosexuel :
Les jours où, furieux, voulant tout mettre à bas
Je crie : "La coupe est pleine, il est temps que je rompe !"
Le mari me supplie : "Non ne me quittez pas !"

[contact auteur : Mathieu Rasoli]
30Ma maîtresse, la traîtresse !

Georges Brassens