ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Le pornographe
Le cocu
01Comme elle n'aime pas beaucoup la solitude,
02Cependant que je pêche et que je m'ennoblis,
La noblesse de la pêche
J'y vois pour ma part une certaine forme de noblesse liée au contact avec la nature. D'autre part la pêche à la ligne est synonyme de patience, or plusieurs chansons de brassens font référence au côté vertueux de la patience. Ce vers montre donc clairement l'opposition entre le mari cocu qui s'ennoblit en pêchant tandis que sa femme s'avilit en le trompant.
[contact auteur : Jérémy A] - [compléter cette analyse]
Complément
On pourrait croire voir aussi une 'sublimation' dans le sens de Freud (ne pas s'adonner aux plaisirs 'bas' de ce monde), d'autant plus qu'à l'écoute de la chanson, "je pêche / je pèche" est loin d'être univoque : l'antithèse "pécher" <-> "ennoblir" s'emmêle avec un petit clin d'oeil...
[contact auteur : Ralf Tauchmann]
Complément
On pourrait peut-être aussi évoquer la "noblesse" du travail, qui était un des clichés des leçons de morale à l'école publique, du temps de la jeunesse de Brassens. Ou encore, le fait qu'après une vie consacrée à s'enrichir, il n'était pas rare que de grands bourgeois soient ennoblis par le roi (c'est encore le cas en Angleterre). L'accession à la noblesse étant, dans ce cas, la consécration d'une vie de labeur. Vous me direz, quel rapport entre la pêche et le travail? Allez demander aux pêcheurs bretons.
[contact auteur : Henri T.]

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Le péché de la noblesse
Effectivement, comme le note Ralf Tauchmann, le péché (mal) et la noblesse (bien) se rencontrent et créent ce qu'on appelle, en grammaire, une antithèse. On est assez loin, n'en déplaise à Jérémy A, de la "noblesse de la pêche". D'ailleurs, par la pêche, GB faisait plutôt, me semble-t-il, un éloge de la paresse qu'un éloge de la patience.
[contact auteur : Stéphane V.] - [compléter cette analyse]
03Ma femme sacrifie à sa vieille habitude
Sacrifie à
L'usage du verbe "sacrifier" avec préposition est fréquent chez Brassens, dans le sens de "s'adonner à", et souvent, comme ici, dans un sens sexuel qui réactive le sens étymologique de "faire un sacrifice à un dieu", souvent Vénus.
Comment ne pas penser ici à un retournement malicieux des dévotions dans le couple ? Pendant que le mari pèche (à l'oreille), ce qui est paradoxalement qualifié de noble, la femme accomplit un vénérable rituel, mais c'est celui d'une marie-couche-toi-là.

[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
04De faire à tout venant les honneurs de mon lit
05De faire à tout venant les honneurs de mon lit.
 
06Eh ! oui, je suis cocu, j'ai du cerf sur la tête,
Du cerf sur la tête
Symbole du cocuage.
L'origine de ce symbole provient peut-être de ce récit que fait Geoffrey de Monmouth dans son ouvrage "La vie de Merlin" (1148) : Merlin, retiré dans sa chère forêt calédonienne, apprend dans les astres l’imminent remariage de sa femme. Monté sur un cerf, il se rend au palais suivi des animaux de la forêt. A une fenêtre, gwendoline et son fiancé surpris par son équipage éclatent de rire. Furieux, Merlin alterne les cocus, en arrachant les cornes de sa monture et en les jetant à la tête de son rival qui descend, encorné, au royaume souterrain.

[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Cornes
L'origine des cornes pourrait venir du Dieu celte Cernunnos - représenté la tête couverte de bois de cerf -, symbole de fertilité et d'abondance et époux maintes fois trompé de la déesse Terre.
[contact auteur : Olivier V.R.] - [compléter cette analyse]
07On fait force de trous dans ma lune de miel,
Lune de miel
- les premiers temps du mariage
- période de bonne entente

[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Faire un trou à la lune
LE LITTRE (1872): Fig. Il a fait un trou à la lune, ou, anciennement, à la nuit, il s'est dérobé furtivement, et, en mauvaise part, il a emporté l'argent, il a fait banqueroute, il s'est enfui sans payer ses créanciers...
LE LITTRE cite ensuite Voltaire : "Entre emporter le chat et faire un trou à la lune, les savants pourront trouver quelque différence ; ils diront qu'emporter le chat signifie simplement partir sans dire adieu, et faire un trou à la lune veut dire s'enfuir de nuit pour une mauvaise affaire ; un ami qui part le matin de la maison de campagne de son ami, a emporté le chat ; un banqueroutier qui s'est enfui a fait un trou à la lune ; l'étymologie est toute naturelle pour un homme qui s'est évadé de nuit, VOLT. Lett. Delisle, 15 déc. 1773."

[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
Lune de miel
L'expression "lune de miel" désigne originellement le premier mois du mariage, où tout est amour et douceur pour les époux ; elle proviendrait du proverbe arabe : "la première lune après le mariage est de miel, celles qui la suivent sont d'absinthe"
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
08Ma bien-aimée ne m'invite plus à la fête
09Quand ell' va faire un tour jusqu'au septième ciel
Monter au septième ciel
Atteindre l'orgasme
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Septième ciel
Les textes de la kabbale, talmud, coran, bible, évoquent plus ou moins clairement une stratification du ciel, dont le septième et dernier étage serait le siège du divin
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
10Quand ell' va faire un tour jusqu'au septième ciel.
 
11Au péril de mon cœur, la malheureuse écorne
Au péril de mon coeur
Expression formée sur "au péril de ma vie".
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
12Le pacte conjugal et me le déprécie,
Déprécier quelque chose à quelqu'un
Cette construction du verbe "déprécier" est originale mais, a priori, rien ne l'interdit. Sans doute faut-il comprendre "rend ce pacte moins respectable à mes yeux".
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
13Que je ne sache plus où donner de la corne
Corne
Symbole du cocuage.
L'origine de ce symbole provient peut-être de ce récit que fait Geoffrey de Monmouth dans son ouvrage "La vie de Merlin" (1148) : Merlin, retiré dans sa chère forêt calédonienne, apprend dans les astres l’imminent remariage de sa femme. Monté sur un cerf, il se rend au palais suivi des animaux de la forêt. A une fenêtre, gwendoline et son fiancé surpris par son équipage éclatent de rire. Furieux, Merlin alterne les cocus, en arrachant les cornes de sa monture et en les jetant à la tête de son rival qui descend, encorné, au royaume souterrain.

[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Complément
Ici il faut aussi remarquer qu'il construit ce vers en s'inspirant de l'expression "ne plus savoir où donner de la tête" qui signifie qu'on est dépassé par des évènements qui se présentent en trop grand nombre et/ou de manière désordonnée ; ce qui laisse à penser que son épouse doit avoir des tas d'amants...
[contact auteur : Susokary Susokary]
Complément
Va pour Merlin, mais derri'ère (ou devant) "corne" (v. 13), "écorner" (v. 11), "écornifleur" (v. 17), il y a plus prosaïquement un symbole phallique. "Encorner" en quelque sorte.
[contact auteur : Stéphane V.]
14Semble bien être le cadet de ses soucis
15Semble bien être le cadet de ses soucis.
 
16Les galants de tout poil viennent boire en mon verre,
De tout poil
Relève du champ lexical de la nudité
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
De tout poil
Littéralement de toutes les couleurs de poil, classification qui s'appliquait aux chevaux (bais, alezans, etc.).
Donc des galants de toutes sortes (des bruns, des blonds, des roux...).

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
Ce qui laisse à penser que sa femme n'est pas très difficile, le premier venu semblant lui convenir...
[contact auteur : Susokary Susokary]
Dans mon verre
Cf. Les nombreuses expressions qui peuvent servir à évoquer le cocuage (elles évoquent souvent le fait de mettre "quelque chose" (une partie du corps) dans "quelque chose" (un objet) : "Il a chaussé mes pantoufles !".
Mais voir aussi l'adage préféré de ceux qui tiennent à leur indépendance : "Mon verre n'est pas grand, mais je bois dans mon verre".

[contact auteur : Donat Donat] - [compléter cette analyse]
17Je suis la providence des écornifleurs,
écornifleur
(de "écorner" et anc. fr. "nifler" = renifler) pique-assiette Larousse
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
écornifleur
L'évocation à la corne est à nouveau bien marquée
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Complément
Signalons aussi la pièce de Jules Renard "L'Ecornifleur" (1892), que le lettré GB connaissait à coup sûr. Elle fut mise en scène à la télévision française au début des années 60, avec Jacques Duby dans le rôle principal.
[contact auteur : Gérard Lenne]
18On cueille dans mon dos la tendre primevère
19Qui tenait le dessus de mon panier de fleurs
20Qui tenait le dessus de mon panier de fleurs.
 
21En revenant fourbu de la pêche à la ligne,
22Je les surprends tout nus dans leurs débordements.
23Conseillez-leur le port de la feuille de vigne,
Le port de la feuille de vigne
L'histoire raconte qu'Adam et Eve se vêtirent de feuilles de vigne pour masquer leurs attributs sexuels, après qu'ils eurent commis le péché originel
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Complément
D'après la tradition rabbinique, il s'agissait des feuilles du même arbre que celui par où le mal arriva. Adam et Eve couvrirent leur nudité avec une seule feuille chacun. Toujours d'après cette tradition, c'était donc plutôt un figuier, dont les feuilles sont plus grandes que celles de la vigne.
[contact auteur : Stéphane V.]
24Ils s'y refuseront avec entêtement
25Ils s'y refuseront avec entêtement.
 
26Souiller mon lit nuptial, est-c'que ça les empêche
27De garder les dehors de la civilité ?
Les dehors de la civilité
Le misantrope de Molière
Philinte :
Mais quand on est du monde, Il faut bien que l'on rende
Quelques dehors civils, que l'usage demande.

[contact auteur : Laurent P.] - [compléter cette analyse]
Les dehors de la civilité
Les marques extérieures, ostensibles, une apparence de civilité. Brassens supporte moins l'impolitesse de ces messieurs que l'adultère (qui pour lui n'en est pas une) dont il est victime !
[contact auteur : Jérôme A.] - [compléter cette analyse]
L'impolitesse
Attention! Si le narrateur (et non GB lui-même) passe son temps à se plaindre des mauvaises manières de ses rivaux, c'est en manière d'ironie douloureuse. Comme si l'adultère ne comptait pas, comme si la conduite de son épouse ne le touchait pas - alors qu'en fait (cf. aussi sa musique!) c'est une des chansons les plus déchirantes de GB.
[contact auteur : Gérard Lenne] - [compléter cette analyse]
28Qu'on me demande au moins si j'ai fait bonne pêche,
Bonne pêche
Ecouter La pêche à la ligne de Renaud où lorsqu'il rentre "personne n'est là pour l'entendre mentir". La pêche indiffère les femmes chez GB comme chez RS.
[contact auteur : Samuel S.] - [compléter cette analyse]
29Qu'on daigne s'enquérir enfin de ma santé
30Qu'on daigne s'enquérir enfin de ma santé !
 
31De grâce, un minimum d'attentions délicates
32Pour ce pauvre mari qu'on couvre de safran !
Couvrir de safran
Le safran est un crocus cultivé pour ses fleurs, dont le stigmate fournit une teinture jaune (et une poudre d'assaisonnement) ; couvrir de safran revient donc à jaunir, et le jaune est la couleur qui caractérise le cocuage
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Complément
Cf. aussi L'andropause, v. 64-65 : rouler dans la farine de safran
[contact auteur : Dominique Chailley]
Linguistiquement
Expression-valise entre :
- "couvrir de fleurs" = "complimenter" (Le Petit Robert
- "accommoder son mari au safran" : Fig. et familièrement. Accommoder au safran, faire une infidélité conjugale (par allusion à la couleur jaune, qui est celle des maris trompés") (selon Le Littré

On disait "voir en jaune" et "sentir le jaune monter à son visage".

[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
Allitération
Très amateur d'allitérations, GB n'a pas hésité devant ce "qu'on couvre", variation homophonique sur "cocu".
[contact auteur : Gérard Lenne] - [compléter cette analyse]
33Le cocu, d'ordinaire, on le choie, on le gâte,
On le choie, on le gâte
Cette idée est largement développée dans Lèche-cocu, malgré le mauvais succès de l'entreprise.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
34On est en fin de compte un peu de ses parents
35On est en fin de compte un peu de ses parents.
Parentèle cocueur-cocufié
Les liens de parenté se fondant sur des relations sexuelles, cet aphorisme est d'une saisissante logique.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
 
36À l'heure du repas, mes rivaux détestables
37Ont encor' ce toupet de lorgner ma portion !
38Ça leur ferait pas peur de s'asseoir à ma table.
39Cocu tant qu'on voudra, mais pas amphitryon
Amphitryon
Hôte chez qui l'on mange Larousse
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Amphitryon
Dans la mythologie grecque, Amphitryon fut roi de Tirynthe et Zeus prit ses traits pour abuser d'Alcmène (qui fut mère d'Héraclès).
La légende d'Amphitryon a inspiré à Plaute une comédie imitée, notamment, par Rotrou, Molière, J.Giraudoux Larousse

[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Amphitryon
Brassens joue sur les deux sens du mot : personne qui reçoit (en effet, les amants mangent à sa table) et cocu (ce qu'était l'Amphitryon de la légende).
[contact auteur : Jacques Faulx] - [compléter cette analyse]
40Cocu tant qu'on voudra, mais pas amphitryon.
 
41Partager sa moitié, est-c'que cela comporte
42Que l'on partage aussi la chère et la boisson ?
43Je suis presque obligé de les mettre à la porte,
44Et bien content s'ils n'emportent pas mes poissons
Emporter le chat
Allusion, peut-être, à la locution "emporter le chat" (cf. vers 7 = allusion à "faire un trou à la lune").
Toutes ces locutions s'inscrivent dans le contexte du galant "parasite" qui bouffe et boit... sans dire adieu ni payer son créancier-amphitryon.

[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
45Et bien content s'ils n'emportent pas mes poissons.
 
46Bien content qu'en partant ces mufles ne s'égarent
47Pas à mettre le comble à leur ignominie
48En sifflotant "Il est cocu, le chef de gare... "
"il est cocu le chef de gare"
Refain d'une chanson populaire que les troupes françaises chantaient aux anglais au cours de la première guerre mondiale pour les impressionner
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Complément
Chez les jeunes en joyeuse bande, cette phrase se chantait souvent (et lâchement) lorsque le train repartait d'un arrêt en gare et que le wagon passait devant le chef de gare. La raison première de cette affirmation tient évidemment à l'idée que, requis par son travail à des horaires connus d'avance, le chef de gare ne peut surveiller sa femme ni la surprendre en flagrant délit pour peu qu'elle s'organise en conséquence.
[contact auteur : Dominique Chailley]
49Parc' que, le chef de gar', c'est mon meilleur ami
Meilleur ami
Sous ses dehors plaisants, la chanson est effectivement douloureuse puisqu'elle met en évidence l'humiliation du cocu (pas uniquement sur le plan sexuel). Cette humilitation, il est bien obligé de l'accepter pour lui, mais il refuse qu'elle soit infligée à son meilleur ami.
[contact auteur : Jacques Faulx] - [compléter cette analyse]
50Parc' que, le chef de gar', c'est mon meilleur ami.

Georges Brassens