ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Les amoureux des bancs publics
Le mauvais sujet repenti
Titre
Titre présentant le personnage principal accompagné d'un adjectif qui donne par avance le dénouement, le destin du personnage. Ce type de titre, manifestement hérité de La Fontaine, fait de cette chanson un cas d'école, une fable sujette à une interprétation moralisante. On voit d'avance ce qu'il y a d'ironique dans le choix du titre...
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
01Elle avait la taill' faite au tour,
Tour
Laisse supposer au tour de potier, avec application
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Fait au tour
Que ce soit le tour du potier ou celui du menuisier, ce qui est fait au tour a des formes obligatoirement rondes et parfaitement symétriques, souvent très fines... On dit parfois d'une belle femme qu'elle a des hanches d'amphore.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
02Les hanches pleines,
Les hanches pleines
Ce n'était pas un sac d'os comme La fille à cent sous, celle-ci faisait envie.
[contact auteur : Joseph P.] - [compléter cette analyse]
8 + 4
La combinaison de l'hétérométrie (vers de longueur différente) et des rimes croisées qui font rimer les vers courts entre eux fait apparaître un distique d'alexandrin en creux :
Elle avait la taill' faire au tour, les hanches pleines,
Et chassait l'mâle aux alentours de la Mad'leine

Cela pourrait n'être que le fruit du hasard mais n'oublions pas que le même rapprochement en alexandrins est aussi possible dans Le vin, dont la structure est reprise au poème de Verlaine Colombine

[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
03Et chassait l' mâle aux alentours
04De la Mad'leine...
La Madeleine
Monument parisien historique bâti à la charnière du xviiie s. et du xixe s., cette église qui aurait dû servir de temple à la gloire de la grande armée de napoléon, garde la forme d'un temple antique entouré de colonnes corinthiennes de dimension impressionnante reposant sur un socle de 4 mètres
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La Madeleine
Ce quartier parisien, ainsi que quelques autres (les Halles, rue Saint-Denis, rue Joubert, Pigalle) a une histoire très forte liée à la prositution
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Complément
... et plus spécialement la prostitution "haut de gamme", du fait de la proximité de la Chambre des Députés et des ministères du VIIe arrondissement voisin... dans une optique évidemment courtelinesque.
[contact auteur : Dominique Chailley]
Madeleine
Il assez amusant de constater aussi que la tradition populaire veut que dans les évangiles, Madeleine (Marie-Madeleine) ait été une 'pécheresse' repentie - une prostituée - à qui Jésus avait pardonné les errances de sa vie passée
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La Madeleine
En tant qu'église, quel lieu plus adéquat pour assurer le repentir d'un mauvais sujet
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05À sa façon d' me dir' : "Mon rat,
06Est-c' que j' te tente ?"
Mon rat
Outre que le rat n'est pas le mâle de la souris, les putains irrespectueuses emploient volontiers l'expression "face de rat" pour désigner un client peu appétissant. L'invite "mon rat" n'est donc pas très "professionnelle".
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
07Je vis que j'avais affaire à
08Un' débutante...
Un' débutante
G.B. se pose ici en connaisseur, et pas en simple "client"
[contact auteur : Bruno Barral] - [compléter cette analyse]
Le 'je' des chansons
Le je de cette chanson (comme dans Le vin, La guerre de 14-18, Celui qui a mal tourné et bon nombre d'autres chansons) n'est pas Brassens, mais, vu la dernière strophe, un 'salaud' qui a fait des études à la Sorbonne et a toutes les chances pour "se faire honnête" à la fin de la chanson - contrairement à la putain (la sympathie de Brassens pour ceux et celles qui font le travail par opposition aux "marchands" qui le vendent à profit).
On retrouve le thème de cette chanson dans L'assassinat où le maquereau a "l'appât du gain" et fait commettre le crime à la putain.

[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
Complément
Il ne semble pas bien utile de savoir si le "je" renvoie ou non à l'auteur. Pas plus, en effet, que pour bon nombre de ses chansons. Dans "Celui qui a mal tourné" il dit avoir été envoyé à La Santé (prison de) "se refaire une honnêteté" et il est évident qu'il n'y fut jamais. Mais il utilise souvent un "matériel" recueilli dans les milieux interlopes qu'il fréquenta dans sa jeunesse, et qu'il transforme, enjolive, noircit suivant son humeur et son humour (rarement absent). Que "le salaud" soit un étudiant sorbonnard est plus qu'aventuré : rien dans le texte ne le laisse entendre.
[contact auteur : Dominique Chailley]
 
09L' avait l' don, c'est vrai, j'en conviens,
10L'avait l' génie,
11Mais sans technique, un don n'est rien
12Qu'un' sal' manie...
13Certes, on ne se fait pas putain
14Comme on s' fait nonne,
15C'est du moins c' qu'on prêche, en latin,
En latin
Il est exact qu'au début de son existence (voir note suivante) l'enseignement dispensé à la Sorbonne l'était en latin, et cela pour une raison assez simple: au Moyen Âge, les rares livres existants étaient les textes sacrés et leurs commentaires par les Pères de l'Église (St Augustin & C°) qui étaient en latin. À cette époque, la quasi totalité des intellectuels étaient des gens d'église, et la langue internationale de l'Europe était le latin. La langue française devra attendre le XVIème siècle, la Renaissance et l'imprimerie pour acquérir un statut de langue nationale qui mit du temps à s'imposer face au latin, lequel est longtemps resté la langue scientifique (voir les médecins de Molière).
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
16À la Sorbonne...
Sorbonne
établissement public d'enseignement supérieur à Paris, aujourd'hui partagé entre plusieurs universités, et qui doit son nom à son fondateur Robert de Sorbon dont le but avait été de créer un établissement spécial pour faciliter aux écoliers pauvres les études théologiques (1257)
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
 
17Me sentant rempli de pitié
18Pour la donzelle,
Donzelle
(du provençal ancien "donzella" = demoiselle) fille, femme Larousse
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Complément
...et/ou de l'espagnol "doncella" = pucelle, "débutante"
[contact auteur : Romain M.]
19J' lui enseignai, de son métier,
20Les p'tit's ficelles...
Les p'tit's ficelles...
Ici encore, le texte indique que GB dispose de connaissances que la donzelle n'a pas, fruit sans doute d'une longue habitude de ce genre de rencontres... ou d'une belle imagination.
[contact auteur : Bruno Barral] - [compléter cette analyse]
Complément
A rapprocher aussi tout simplement de l'expression "les ficelles d'un métier".
[contact auteur : Michel Fiol Http://]
21J' lui enseignai l' moyen d' bientôt
22Faire fortune,
23En bougeant l'endroit où le dos
24R'ssemble à la lune...
Lune
La comparaison des fesses et de la lune est très courante dans la littérature. On peut souligner qu'en anglais, 'montrer ses fesses' se dit 'to moon', comme ... la lune.
[contact auteur : Romain B.] - [compléter cette analyse]
R'ssemble à la lune
Tout le génie de Brassens est là, il aurait pu utiliser un vocabulaire cru mais l'image est suggérée plus qu'énoncée
[contact auteur : Jean-carlo Z.] - [compléter cette analyse]
 
25Car, dans l'art de fair' le trottoir,
Faire le trottoir
Racoler sur la voie publique, s'adonner à la prostitution Larousse
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26Je le confesse,
Confesse
Relève du champ lexical du repentir
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27Le difficile est d' bien savoir
28Jouer des fesses...
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29On n' tortill' pas son popotin
Popotin
Fessier
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30D' la mêm' manière,
31Pour un droguiste, un sacristain,
Droguiste
Personne qui fait le commerce de détail des produits chimiques, des articles d'hygiène, de ménage, etc. Larousse
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Sacristain
Employé chargé de l'entretien de l'église et des objets du culte Larousse
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
32Un fonctionnaire...
 
33Rapidement instruite par
34Mes bons offices,
Bons offices
Service, assistance, intervention bienveillante dans un souci de conciliation Larousse
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Office
Fonction, charge exercée par quelqu'un || ensemble de prières et de cérémonies liturgiques Larousse
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
35Elle m'investit d'une part
36D' ses bénéfices...
37On s'aida mutuellement,
S'aider mutuellement...
C'est un pléonasme, comme monter en haut ou descendre en bas. En ajoutant "comme dit le poète", formule convenue qui sert à faire passer n'importe quoi, Brassens signale qu'il est parfaitement au courant de la faute qu'il commet.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
38Comm' dit l' poète,
Référence Littéraire
Le poète, ce pourrait être La Fontaine, L'aveugle et le paralytique.
Aidons-nous mutuellement,
La charge des malheurs en sera plus légère,
Le bien que l'on fait à son frère
Pour le mal que l'on souffre est un soulagement.

[contact auteur : Daniel Benaim] - [compléter cette analyse]
39Ell' était l' corps, naturell'ment,
40Puis moi la tête...
Le corps et la tête
Est-ce un hasard ? La dualité exprimée dans cette chanson de 1952 fut reprise quelques années plus tard dans le concept - et le titre - d'une fameuse émission de télévision : "La tête et les jambes".
[contact auteur : Jean-Yves E.] - [compléter cette analyse]
Je serai ton esprit, tu seras ma beauté.
À comparer avec cette citation de Cyrano de Bergerac, d'Edmond Rostand :
CYRANO (à Christian)
C'est une expérience à tenter un poète.
Veux-tu me compléter et que je te complète ?
Tu marcheras, j'irai dans l'ombre à ton côté
Je serai ton esprit, tu seras ma beauté.

[contact auteur : Dimitri Z.] - [compléter cette analyse]
Le couplet censuré
A la suite de ce couplet un couplet a été censuré. Je précise avant tout que ceci n'est pas un canular, et bien que ce couplet puisse de prime abord sembler dérangeant ou mal tourné, il a réellement été écrit par le maître.

Couplet de la chanson originale, supprimé par la suite :
Quand la pauvrette à la maison
Rentrait bredouille,
Je lui flanquais plus qu'de raison,
Des ratatouilles
Lui souviendrait-il encor du
Bidet d'hygiène
Avec lequel j'avais fendu
Sa boite crânienne


On peut constater ici une véritable implication dans le personnage de macro, et une dénonciation de l'horrible réalité de ce statut. La misogynie de proxénète y est mise à jour à travers une cinglante violence.
On saisit les raisons de la censure de ce passage.
Mais en sa présence, la chanson revêt tout une autre dimension.

Source du texte :
beausoleil.free.fr/new_site/html/le_mauvais_sujet.html

[contact auteur : John Botello] - [compléter cette analyse]
 
41Un soir, à la suite de
42Manoeuvres douteuses,
Manoeuvres douteuses
Galipettes
[contact auteur : Samuel S.] - [compléter cette analyse]
43Ell' tomba victim' d'une
44Maladie honteuse...
Rime coupée
Contrairement à la transcription traditionnelle, il y a ici une rime coupée (comme dans Le vin, Le vieux Léon):
Un soir, à la suite de ma-
noeuvres douteuses,
Ell' tomba victim' d'une ma-
ladie honteuse...

Souvent, la rime coupée chez Brassens indique la présence d'un vers morcelé : ici, il s'agit d'alexandrins (comme dans Le vin, Le vieux Léon)

[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
Complément
Il ne s'agit pas à proprement parler d'un alexandrin que l'auteur aurait découpé même si 8 pieds + 4 pieds = 12 pieds. Toutes les strophes de cette chanson sont de 8 vers (des huitains donc) sur le modèle 8-4-8-4-8-4-8-4. Les vers de 8 pieds ont une rime masculine (AA = trottoir/savoir, CC = popotin/sacristain) et les vers de 4 pieds ont une rime féminine (BB = confesse/fesses, DD = manière/fonctionnaire).
Brassens a un trop grand sens de la rime et immense savoir faire pour être contraint de couper un mot par un manque de rime. Il me semble que couper le mot "ma-noeuvre" ajoute à l'aspect douteux des choses. Il en est de même pour la "ma-ladie" qui est difficile à avouer puisque honteuse.
La forme rejoint le fond dans l'inavouable et ça c'est très fort.

[contact auteur]
45Lors, en tout bien, toute amitié,
46En fille probe,
Probe
D'une honnêteté stricte et scrupuleuse
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
47Elle me passa la moitié
48De ses microbes...
Passer ses microbes
Ici GB nous dit qu'il couche avec la demoiselle. Le maquerau consomme son produit.
[contact auteur : Samuel S.] - [compléter cette analyse]
 
49Après des injections aiguës
Injections
Le traitement par injection laisse supposer que la maladie vénérienne à laquelle il est fait allusion est la syphilis, mais le traitement classique consiste en injections d'antibiotiques (tels que la pénicilline, et qui ne sont pas des antiseptiques)
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Complément
"injections aigües" est sans doute pléonasmique, mais il y a là un "demi-double-sens" en quelque sorte, "aigu" évoquant aussi l'idée d'"intensif".
[contact auteur : Dominique Chailley]
50D'antiseptique,
Antiseptique
La mention d'antiseptique évoque l'herpès génital, qui est la maladie sexuellement transmissible la plus répandue ; cependant ce traitement se présente sous forme de crème ou de savon à appliquer localement (et est souvent complété par l'absorption d'un médicament antiviral par voie orale)
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Antiseptique
Qui prévient l'infection
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Antibiotiques
Les antibiotiques venaient à peine d'entrer sur le marché en France à l'époque où la chanson est sortie. (Et si ça se trouve, elle est encore plus ancienne, car il en a écrit beaucoup au STO, pendant la guerre.) On peut être sûr que Brassens, qui aimait la précision, aurait écrit antibiotiques s'ils avaient été le traitement standard de la chaude-pisse à l'époque. De sorte que "antiseptiques" date la chanson de façon assez précise: fin des années 40, début des années 50.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
51J'abandonnai l' métier d' cocu
52Systématique...
Cocu systématique
Une façon de parler d'un "maquereau" (mac)
[contact auteur : Bruno Barral] - [compléter cette analyse]
53Elle eut beau pousser des sanglots,
54Braire à tue-tête,
55Comme je n'étais qu'un salaud,
56J' me fis honnête...
Le salaud honnête
C'est le genre de paradoxe humoristique un peu noir qu'aime Brassens. De même, dans Mourir pour des idées, il évoque ces maîtres-à-penser pour lesquels mourir, c'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent pas.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
 
57Sitôt privé' de ma tutelle,
Tutelle
Protection
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Tutelle
Tutelle = protection
protection = soutien
Le poète avoue, mais on avait déjà compris qu'il participait aux bénéfices de la donzelle et que donc il était son 'souteneur', terme encore employé dans les années 50 pour 'proxénète', c'est à dire 'maquereau' ('mac').
cf. Bruant: Belleville & Ménilmontant: "...c'est moi qu'est l'souteneur naturel à ma p'tite soeur, qu'est l'amie d'la Grande Cécile, à Belleville, qu'est soutenue par son grand frère qui s'appelle Eloi Constant..." Une époque où, à en croire la chanson, la prostitution se passait en famille.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
58Ma pauvre amie
Pauvre
La privant de sa tutelle, il la prive donc de la fortune dont il est question au début du texte (v.22)
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Pauvre
Je pense que "pauvre amie" indique ici la commisération, la pitié du poète pour son ex-amie plutôt qu'un jugement sur les finances de la donzelle.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
59Courut essuyer du bordel
Bordel
(du provençal "bordelou") maison de prostitution Larousse
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Complément
Il existait deux sortes de prostitutions avant la guerre de 40: la prostitution "libre", où les filles dépendaient plus ou moins systématiquement d'un protecteur, souteneur ou maquereau; et la prostitution "en maison", dans les bordels, dont la discipline était assez stricte et qu'on appelait aussi "maisons closes".
Le 13 avril 1946 la loi "Marthe Richard" interdit les bordels, et ferma les maisons closes (!), ce qui eut, entre autres conséquences, de supprimer le contrôle sanitaire auquel les filles de "maison" étaient soumises. Les prostituées "officielles" étaient en effet "encartées": elles possédaient une carte, l'équivalent d'un livret médical. Rendue à la rue, la prostitution redevint une activité clandestine à haut risque (du point de vue sanitaire au moins), ce qu'elle est encore de nos jours.

[contact auteur : Henri T.]
Complément
On disait aussi "le bourdeau", qui serait à l'origine - ou dérivé? - du nom de la ville de Bordeaux.
[contact auteur : Dominique Chailley]
60Les infamies...
Infamie
(lat. infamis, de fama = réputation) grand déshonneur, atteinte à la réputation Larousse
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61Paraît qu'ell' s' vend même à des flics,
62Quell' décadence !
63Y'a plus d' moralité publiqu'
64Dans notre France...

Georges Brassens