ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Hors album
Le sceptique
01Imitant Courteline, un sceptique notoire,
Courteline
Georges Moinaux dit Courteline (1858-1929), écrivain (Messieurs les Ronds de Cuir) et auteur de théâtre comique (Les Gaîtés de l'Escadron, Le Train de 8h47, etc.). Défendit ses contemporains contre l'imbécillité de la police, de l'armée, de l'administration et de l'humanité en général.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
02Manifestant ainsi que l'on me désabuse,
03J'ai des velléités d'arpenter les trottoir(e)s
04Avec cette devise écrite à mon gibus :
Gibus
Chapeau haut de forme que l'on pouvait aplatir pour le ranger, grâce à un ingénieux système de ressorts intérieurs inventés par un M. Gibus. Appelé aussi "chapeau claque", à cause du bruit qu'il faisait en s'ouvrant ou peut-être parce qu'on pouvait le fermer d'une claque.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
05"Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires."
Strophe
Signification de la strophe :
En manifestant, comme Courteline (un sceptique notoire), afin que l'on me tire de mon erreur, j'hésite cependant à arpenter les trottoirs avec la devise suivante écrite sur mon chapeau : "Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires."

[contact auteur : Daniel Benaim] - [compléter cette analyse]
Complément
C'est peut-être un peu plus complexe, ou subtil.. Comment manifester sans afficher ses idées, pourquoi le faire "afin que l'on me désabuse" (sais-je donc que je suis dans l'erreur?) et comment un velléitaire pourrait-il être désabusé puisque, par définition, il ne va jamais au bout de ses décisions ? Tout pourrait tenir à l'interprétation du vers 2 et à son analyse logique : ce n'est pas l'auteur qui manifeste, mais le velléitaire GB qui regrette de n'oser pas imiter Courteline lequel manifestait publiquement son scepticisme. Etre "désabusé", au sens premier, c'est être relevé de ses erreurs par quelqu'un ou quelque chose, comme "dessillé". Mais je ne suis pas certain d'avoir tout bon...
[contact auteur : Dominique Chailley]
Complément
Lisant et relisant ce paragraphe, il me semble que Brassens ait voulu jouer sur le contraste raison/passion...
Je m'explique: il apparaît très certainement à Brassens - je veux dire à sa raison, à son intellect - que le Sceptique est dans le Vrai. Pourtant, - et là c'est sa passion qui reprend le dessus, sa part d'irrationnel - quelque chose au fond de lui, présent sans qu'il ne puisse se l'expliquer, l'amène à douter de "toutes ces histoires", celles-là même que sa raison condamnait...
Enfin, ce ne sont pas là des allégations, juste quelques supputations ;)

[contact auteur : Alexandre E]
Complément
Il semblerait plutôt qu'il faille voir en cette strophe avant tout l'introduction à ce que sera le reste du texte de la chanson, c'est à dire une critique, si l'on puit dire, de la société et de tous les ideaux et autres lieux communs qui la composent. En effet GB imite Courteline et montre par ce biais qu'il est désabusé par ce dont il est témoin dans la société ou il vit (voir l'ouvrage "La philosophie de Georges Courteline" qui justement expose une vision désabusée de la société.).
[contact auteur : Nicolas Amiot]
 
06Dieu, diable, paradis, enfer et purgatoire,
07Les bons récompensés et les méchants punis,
08Et le corps du Seigneur dans le fond du ciboire,
Le corps du Seigneur
C'est l'hostie, le pain consacré à la messe ("Ceci est mon corps" aurait dit Jésus, le Seigneur, en consacrant le pain le soir du Jeudi Saint, la veille de sa crucifiction). Les hosties consacrées au dessus du "calice" qui contient Le vin ("Ceci est mon sang") sont ensuite rangées dans un autre vase à pied qu'on appelle un ciboire. À la différence du calice, le ciboire a un couvercle. (Voir "sacristi" dans La ronde des jurons).
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
09Et l'huile consacrée comme le pain bénit,
L'huile consacrée
Ou "saint chrême" est utilisée en onction dans plusieurs sacrements de l'Église, dont le baptème et, justement, l'extrême onction (la dernière onction), c'est à dire le sacrement des mourants. Le prêtre trempe son pouce dans l'huile avant de tracer une croix sur le front du fidèle. Onction vient du verbe "oindre" qui signifie enduire.
Cette coutume bizarre remonte aux cérémonies bibliques, et faisait déjà partie du rituel de la consécration des rois hébreux.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
10Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires.
 
11Et la bonne aventure et l'art divinatoire,
12Les cartes, les tarots, les lignes de la main,
13La clé des songes, le pendule oscillatoire,
Pendule (masculin)
Le pendule, un poids au bout d'un cordon ou d'une chaînette, est l'outil de travail des sourciers et des radiesthésistes, qui prétendent, grâce à ses oscillations, trouver l'eau souterraine ou retrouver des objets perdus, voire même des personnes disparues.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
La clé des songes
Ce sont les devins de l'Antiquité (les spécialistes de l'art divinatoire) qui prétendaient interpréter les rêves (les songes) et deviner ainsi l'avenir.
Freud a repris l'interprétation des rêves comme technique pour sonder l'inconscient de ses patients.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
14Les astres indiquant ce que sera demain,
15Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires.
 
16Les preuves à l'appui, les preuves péremptoires,
17Témoins dignes de foi, metteurs de mains au feu,
Mettre la main au feu
Ce ne fut pas toujours une métaphore. Au Moyen Âge, et en absence de témoins, on soumettait les suspects à l'épreuve du feu, ou "ordalie". S'ils retiraient la main du feu sans brûlure, c'est qu'ils étaient innocents. Pratique, non?
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
18Et le respect de l'homme à l'interrogatoire,
19Et les vérités vraies, les spontanés aveux,
20Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires.
 
21Le bagne, l'échafaud entre autres exutoires,
22Et l'efficacité de la peine de mort,
La peine de mort
Depuis Le gorille, on sait que GB est contre la peine de mort.
En France, la guillotine a fonctionné bien longtemps... jusqu'après "le pull-over rouge". Il a fallu un Badinter -et un Patrick Henry- pour que la Veuve soit jetée aux oubliettes du système carcéral français.

[contact auteur : Thierry W.] - [compléter cette analyse]
23Le criminel saisi d'un zèle expiatoire,
24Qui bat sa coulpe bourrelé par le remords,
25Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires.
 
26Sur les tombeaux les oraisons déclamatoires,
27Les : "C'était un bon fils, bon père, bon mari",
28"Le meilleur d'entre nous et le plus méritoire",
29"Un saint homme, un cœur d'or, un bel et noble esprit",
Les morts sont tous de braves types
Voir la chanson Le temps passé, qui développe ce thème.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
30Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires.
 
31Les "Saint-Jean Bouche d'Or", les charmeurs d'auditoire,
St Jean Bouche d'Or
C'est St Jean Chrysostome (349-407) prêtre et prédicateur célèbre (d'où son surnom) de l'Église d'Antioche, Docteur de l'Église. Mort en exil pour avoir dénoncé l'adultère de l'Impératrice d'Orient.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
32Les placements de sentiments de tout repos,
Placements
Placements de tout repos, placements de père de famille, SICAV et compagnie... Il s'agit là du vocabulaire de la banque et de la Bourse. Avec placements "de sentiments", GB dénonce le confort (financier) de certains attachements conjugaux sinon amoureux.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
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Complément
Ne serait-ce pas plutôt le "sentimentalement correct" qui serait ici visé ? Cette manie qui se développe chaque jour de la commisération affectée, de la repentance qui ne coûte rien, des belles paroles pour ne rien dire, des effets d'annonce, des gestes "symboliques" à visée électorale... ?
[contact auteur : Dominique Chailley]
33Et les billevesées de tous les répertoires,
Billevesée
Signifierait à l'origine "boyau gonflé (d'air, de vent)", donc parole creuse, baliverne. Il s'agit sans doute ici du "répertoire" (mot de théâtre: entendre comédie, numéro archi-connu, discours mille fois ressassé, bla-bla, etc.) de tous les partis politiques, religions, et autres bourreurs de crânes que la chanson prend à parti.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
34Et les morts pour que naisse un avenir plus beau,
Les morts...
GB s'en prend ici encore une fois à la Révolution et à ses "lendemains qui chantent".
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
35Je ne crois pas un mot de toutes ces histoires.
 
36Mais j'envie les pauvres d'esprit pouvant y croire.
Envie
Pourquoi les envier ? Parce qu'il est plus confortable d'avoir des certitudes qui vous sont servies toutes faites par un parti ou une religion que de vivre, comme le sceptique, dans le doute permanent. Et pourtant le doute ("Je demande à voir") n'est-il pas la première démarche de l'intelligence ? De l'intelligence scientifique en tout cas.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
"Les pauvres d'esprit" renvoient sans doute aux Béatitudes : Heureux les pauvres d'esprit car ils verront Dieu
Cette chanson est en quelque sorte un Anti-Credo.

[contact auteur : Dominique Chailley]

Georges Brassens