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Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Hors album
Les châteaux de sable
01Je chante la petite guerre
Épopée
Ce premier vers donne, d'emblée, un ton épique à la chanson. Il évoque le début de l'Énéide de Virgile:
Arma virumque cano... / Je chante les combats...
Cette chanson malheureusement peu connue est pourtant d'une superbe facture. On est frappé par le contraste entre le sujet (des enfants qui jouent sur la plage) et le mode de l'épopée militaire sur lequel il est traité (avec ses références à Homère, à l'enlèvement des Sabines, à l'invincible Armada, et toute la précision du vocabulaire des fortifications.)

[contact auteur : Didier Bergeret] - [compléter cette analyse]
02Des braves enfants de naguère
03Qui sur la plage ont bataillé
04Pour sauver un château de sable
05Et ses remparts infranchissables
06Qu'une vague allait balayer.
 
07J'en étais : l'arme à la bretelle,
08Retranchés dans la citadelle,
09De pied ferme nous attendions
10Une cohorte sarrazine
11Partie de la côte voisine
12À l'assaut de notre bastion.
 
13À cent pas de là sur la dune,
14En attendant que la fortune
15Des armes sourie aux vainqueurs,
16Languissant d'être courtisées
17Nos promises, nos fiancées
18Préparaient doucement leur coeur.
 
19Tout à coup l'Armada sauvage
20Déferla sur notre rivage
21Avec ses lances, ses pavois,
22Pour commettre force rapines,
23Et même enlever nos Sabines
Sabines
Référence à la légende romaine de l'enlèvement des sabines, qui étaient les femmes des Sabins, pour pallier aux manques de romaines.
[contact auteur : Alex L.] - [compléter cette analyse]
24Plus belles que les leurs, ma foi.
 
25La mêlée fut digne d'Homère,
26Et la défaite bien amère
27À l'ennemi pourtant nombreux,
28Qu'on battit à plate couture,
29Qui partit en déconfiture
30En déroute, en sauve-qui-peut.
 
31Oui, cette horde de barbares
32Que notre fureur désempare
33Fit retraite avec ses vaisseaux,
34En n'emportant pour tous trophées,
35Moins que rien, deux balles crevées,
36Trois raquettes, quatre cerceaux.
 
37Après la victoire fameuse
38En chantant l'air de "Sambre et Meuse"
Sambre-et-Meuse
Voir commentaire dans Lèche-cocu
[contact auteur : Jigé N.] - [compléter cette analyse]
39Et de "La Marseillaise", ô gué,
40On courut vers la récompense
41Que le joli sexe dispense
42Aux petits héros fatigués.
 
43Tandis que tout bas à l'oreille
44De nos Fanny, de nos Mireille,
45On racontait notre saga,
46Qu'au doigt on leur passait la bague,
47Surgit une espèce de vague
48Que personne ne remarqua.
 
49Au demeurant ce n'était qu'une
50Vague sans amplitude aucune,
51Une vaguelette égarée,
52Mais en atteignant au rivage
53Elle causa plus de ravages,
54De dégâts, qu'un raz-de-marée.
 
55Expéditive, la traîtresse
56Investit notre forteresse,
57La renversant, la détruisant.
58Adieu donjon, tours et courtines,
59Que quatre gouttes anodines
60Avaient effacés en passant.
 
61À quelque temps de là nous sommes
62Allés mener parmi les hommes
63D'autres barouds plus décevants,
64Allés mener d'autres campagnes,
65Où les châteaux sont plus d'Espagne,
66Et de sable qu'auparavant.
Désillusion
Ce couplet illustre merveilleusement bien la désillusion du passage à l'âge adulte, qui rend les actions moins innocentes et plus dangereuses. Ce passage en évoque un autre dans Les deux oncles:
Que les seuls généraux qu'on doit suivre aux talons,
Ce sont les généraux des p'tits soldats de plomb.
Ainsi, chanteriez-vous tous les deux en suivant
Malbrough qui va-t-en guerre au pays des enfants.

[contact auteur : Didier Bergeret] - [compléter cette analyse]

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67Quand je vois lutter sur la plage
68Des soldats à la fleur de l'âge,
69Je ne les décourage pas,
70Quoique je sache, ayant naguère
71Livré moi-même cette guerre,
72L'issue fatale du combat.
 
73Je sais que malgré leur défense,
74Leur histoire est perdue d'avance,
75Mais je les laisse batailler,
76Pour sauver un château de sable
77Et ses remparts infranchissables,
78Qu'une vague va balayer.

Georges Brassens