ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Hors album
L'antéchrist
Antéchrist
En théologie, l'Antéchrist est l'Ennemi du Christ qui, selon l'Apocalypse de St Jean, viendra prêcher une religion hostile au Christianisme un peu avant la fin du monde. Le Petit Robert
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
01Je ne suis pas du tout l'antéchrist de service,
02J'ai même pour Jésus et pour son sacrifice
03Un brin d'admiration, soit dit sans ironie.
04Car ce n'est sûrement pas une sinécure,
05Non, que de se laisser cracher à la figure
Sinécure / figure
Rime déjà employée dans Auprès de mon arbre.
[contact auteur : Samuel S.] - [compléter cette analyse]
06Par la canaille et la racaille réunies.
Cracher à la figure
Cf. St Marc, XV, 17-20.
"Ils le revêtent de pourpre, puis, ayant tressé une couronne d'épines, ils la lui mettent. Et ils se mirent à le saluer : Salut, Roi des Juifs! Et ils lui frappaient la tête avec un roseau et ils lui crachaient dessus, et ils ployaient le genou devant lui pour lui rendre hommage. Puis, quand ils se furent moqués de lui, ils lui ôtèrent le manteau de pourpre et lui rendirent ses vêtements."

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
 
07Bien sûr, il est normal que la foule révère
08Ce héros qui jadis partit pour aller faire
09L'alpiniste avant l'heure en haut du Golgotha,
L'alpiniste
Brassens s'inscrit ici dans une tradition "burlesque" assez ancienne en fait.

Pour le XXe siècle, Genette cite et commente la « Passion considérée comme une course de côte » qu'Alfred Jarry publia dans Le Canard Sauvage le 11 avril 1903, où il recourait au vocabulaire des courses cyclistes pour narrer la Passion du Christ.

Ce texte figure aussi dans l'Anthologie de l'Humour Noir qu'avait compilée dans les années 30 André Breton, le pape du Surréalisme.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
10En portant sur l'épaule une croix accablante,
11En méprisant l'insulte et le remonte-pente,
Burlesque
Engendré par le décalage entre l'attitude noble du début du vers (accomplissement d'un devoir au mépris de l'insulte) et le caractère trivial du remonte-pente.
[contact auteur : Vincent Barbier] - [compléter cette analyse]
Trivial...
Et surtout comique parce qu'anachronique !
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
12Et sans aucun bravo qui le réconfortât !
 
13Bien sûr, autour du front, la couronne d'épines,
14L'éponge trempée dans Dieu sait quelle bibine,
Bibine
Cf. l'Évangile de St Marc, XV, 35-37, à la fin du récit de la Passion.
"Certains dirent en l'entendant : Voilà qu'il appelle Élie! Quelqu'un courut tremper une éponge dans du vinaigre et, l'ayant mise au bout d'un roseau, il lui donnait à boire en disant: "Attendez voir si Élie va venir le descendre!" Or Jésus, jetant un grand cri, expira."
Le vinaigre en question était sans doute la piquette infâme que buvaient les soldats romains de service ce jour-là.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
Quelle ironie que de lier Dieu supposé tout puissant à l'ignorance de la marque de la piquette !
[contact auteur : Sophie F]
Complément
Les grecs et les romains buvaient l' eau additionnée de vinaigre.
[contact auteur : Michel Cancy]
15Et les clous enfoncés dans les pieds et les mains,
16C'est très inconfortable et ça vous tarabuste,
Burlesque
A nouveau et comme dans toute la chanson, le comique provient du décalage :
- la couronne d'épine / la bibine
- les clous enfoncés / c'est très inconfortable

[contact auteur : Gaël R.] - [compléter cette analyse]
17Même si l'on est brave et si l'on est robuste,
18Et si le paradis est au bout du chemin.
 
19Bien sûr, mais il devait défendre son prestige,
20Car il était le fils du ciel, l'enfant prodige,
L'enfant prodige
Notez la référence à la parabole de l'enfant prodigue. Jésus n'ayant pas été prodigue, Brassens le considère ici prodige... prodigieux, miraculeux, quoi.
[contact auteur : Gaël Sánchez Cano] - [compléter cette analyse]
21Il était le Messie et ne l'ignorait pas.
Messie
Pour mémoire, dans la théologie juive, le Messie est l'Envoyé de Dieu, l'Emmanuel, celui qui viendra délivrer le peuple d'Israël après avoir réalisé toutes les prophéties.
À ce jour, la seule vraie différence entre le Christianisme et le Judaïsme réside dans ce détail : les Chrétiens croient que Jésus était bien le Messie annoncé par les prophètes, alors que les Juifs l'attendent encore, et pensent que Jésus n'était qu'un prophète mineur.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Prophète
Pour mémoire encore, le Coran, qui reconnaît Abraham, Moïse & C°, reconnaît aussi Jésus comme prophète (et comme fils de Marie mais pas comme fils de Dieu bien sûr) et lui fait dire : Je suis le serviteur de Dieu... Il m'a donné l'Évangile et m'a établi prophète. (Sourate 19, Marie.)
On se prend à rêver à la chanson que Brassens aurait pu faire sur ces trois religions qui n'ont cessé de s'étriper au cours de l'Histoire alors qu'elles ont les mêmes prophètes et le même fondement monothéiste.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
Cette ironie n'a pas échappé à Pierre Desproges, dont on appréciera la définition du Judaïsme dans son Dictionnaire superflu à l'usage de l'élite et des bien-nantis}ri} :
"Judaïsme: n. m. Religion des juifs, fondée sur la croyance en un Dieu unique, ce qui la distingue de la religion chrétienne, qui s'appuie sur la foi en un seul Dieu, et plus encore de la religion musulmane, résolument monothéiste."

[contact auteur : Didier Bergeret]
22Entre son père et lui, c'était l'accord tacite :
23Tu montes sur la croix et je te ressuscite !
24On meurt de confiance avec un tel papa.
 
25Il a donné sa vie sans doute mais son zèle
26Avait une portée quasi universelle
Portée universelle
Tout à fait exact selon la théologie chrétienne : Jésus, le Christ, étend le message de la Bible juive (qui, à l'époque était inouï parce qu'il annonçait un Dieu unique face à la multitude des dieux païens, Égyptiens, Grecs et Romains) à tous les peuples de la terre : "Allez et enseignez toutes les nations", dira Jésus à ses apôtres.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
27Qui rendait le supplice un peu moins douloureux.
28Il savait que, dans chaque église, il serait tête
29D'affiche et qu'il aurait son portrait en vedette,
Tête d'affiche
L'enjambement surprend, le clin d'oeil au "chaud bizness" n'en est que plus savoureux
[contact auteur : Sophie F] - [compléter cette analyse]

Envoyer un message à Sophie F

L'analyse à partir de laquelle est envoyé ce message sera automatiquement rajoutée à la suite du message, il n'est donc pas nécessaire de la recopier.




30Entouré des élus, des saints, des bienheureux.
 
31En se sacrifiant, il sauvait tous les hommes.
32Du moins le croyait-il ! Au point où nous en sommes,
33On peut considérer qu'il s'est fichu dedans.
34Le jeu, si j'ose dire, en valait la chandelle.
Le jeu en valait la chandelle
Dans l'esprit, allusion au pari de Pascal pour l'aspect religieux ,et plus généralement à la notion d'espérance mathématique.
Voir Ma nuit chez Maud de Rohmer à ce propos.

[contact auteur : Samuel S.] - [compléter cette analyse]
35Bon nombre de chrétiens et même d'infidèles,
36Pour un but aussi noble, en feraient tout autant.
 
37Cela dit je ne suis pas l'antéchrist de service.

Georges Brassens