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Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Hors album
L'inestimable sceau
01Ma mie, en ce temps-là, chaque année au mois d'août,
02Se campait sur la grève, et ça m'était très doux
03D'ainsi la voir en place.
04Dans cette position, pour se désennuyer,
05Sans jamais une erreur, ell' comptait les noyés
06En suçant de la glace.
 
07Ses aimables rondeurs avaient fait à la fin
08Un joli petit trou parmi le sable fin,
09Une niche idéale.
10Quand je voulais partir, elle entrait en courroux,
11En disant : "C'est trop tôt, j'ai pas fini mon trou ;
12C'est pas le trou des Halles."
 
13Près d'elle, un jour, passa superbe un ange blond,
14Un bellâtre, un belître au torse d'Apollon,
15Une espèce d'athlète.
16Comme mue d'un ressort, dressée sur son séant,
17Elle partit avec cet homme de néant,
18Costaud de la Villette.
 
19La volage, en volant vers ce nouveau bonheur,
20Me fit un pied de nez doublé d'un bras d'honneur,
21Adorable pimbêche !
22J'hésite à simuler ce geste : il est trop bas.
23On vous l'a souvent fait, d'ailleurs je ne peux pas :
24La guitare m'empêche !
 
25J'eus beau la supplier : "De grâce, ma Nini,
26Rassieds-toi, rassieds-toi : ton trou n'est pas fini."
27D'une voix sans réplique,
28"Je m'en fous, cria-t-elle, et puisqu'il te plaît tant,
29C'est l'instant ou jamais de t'enfouir dedans :
30T'as bien fait "La Supplique" !"
 
31Et je retournai voir, morfondu de chagrin,
32La trace laissée par la chute de ses reins,
33Par ses parties dodues.
34J'ai cherché, recherché, fébrile jusqu'au soir,
35L'endroit où elle avait coutume de s'asseoir,
36Ce fut peine perdue.
 
37La vague indifférente, hélas ! avait roulé,
38Avait fait plage rase, avait annihilé
39L'empreinte de ses sphères.
40Si j'avais retrouvé l'inestimable sceau,
41Je l'aurais emporté, grain par grain, seau par seau,
42Mais m'eût-on laissé faire ?

Georges Brassens