ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Fernande
Mourir pour des idées
Mourir pour des idées
Cette chanson est une réponse à ceux ("multitude accablante") qui avaient vivement critiqué sa chanson de 1964, Les deux oncles.
Brassens développe son propos, il l'argumente, tout en le tempérant quelque peu.

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
Complément
La chanson "Mourir pour des idées" a été déposée à la SACEM en 1972 et enregistrée la même année.
[contact auteur : François Direz]
Complément
A l'inverse de la chanson Les deux oncles, celle-ci a été traduite notamment en italien par le chanteur Fabrizio de Andre, qui traduisit et chanta plusieurs chansons de GB.
[contact auteur : Raphael W.]
01Mourir pour des idées, l'idée est excellente.
02Moi j'ai failli mourir de ne l'avoir pas eue,
Impasse logique
Il suffit de deux vers à Brassens pour rendre absurde l'expression qui sert de titre : mourir pour des idées c'est mourir de ne pas avoir d'idées.
De plus, jeu sémantique appelé antanaclase qui consiste en la répétition du mot "idée" dans deux sens différents :
- mourir pour des idées = opinions, idéologie
- l'idée est excellente = proposition, projet.
Bien sûr, cela tend à rendre absurdre toutes les idéologies

[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
03Car tous ceux qui l'avaient, multitude accablante,
Multitude
La multitude, la foule, s'oppose à l'individu.
Dans Le pluriel, Brassens a dit tout le bien qu'il pensait des ligues, cliques et autres troupes.

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
Accablante
"Accabler" a deux sens : accuser, et écraser, opprimer.
La multitude accablante est donc à la fois accusatrice et franchement pénible.

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
Multitude
Un thème récurrent chez Brassens : La mauvaise réputation (Tout le monde se rue sur moi), La tondue, La messe au pendu (La foule qui se déchaîne)
[contact auteur : Jacques Faulx] - [compléter cette analyse]
04En hurlant à la mort me sont tombés dessus.
Hurlant à la mort
Expression figée remotivée par le contexte : "hurler à la mort", c'est ici hurler en faveur de la mort.
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
05Ils ont su me convaincre et ma muse insolente,
Ma muse insolente
Ici, Brassens joue avec le fait que la "multitude" l'a convaincu, presque contre son gré (ou son raisonnement) : c'est de l'endoctrinement. Sa muse, sans qu'il ait de contrôle dessus, semble décider d'elle même d'écrire cette chanson.
[contact auteur : Jérôme Reybert] - [compléter cette analyse]
06Abjurant ses erreurs, se rallie à leur foi
Abjurer
(du latin 'abjurare' = nier par serment) Renoncer solennellement à une religion ou à une opinion.
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
07Avec un soupçon de réserve toutefois :
08Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente
Mourir pour des idées... de mort lente, c'est en somme, vivre pour défendre des idées.
Brassens ne critique pas ceux qui ont des idées et qui les défendent (il est de ceux-là), mais ceux qui poussent cette défense jusqu'au sacrifice de leur vie, ou plutôt, les "gourous" qui, bien au chaud dans leur QG, envoient les autres (de préférence jeunes et pleins d'idéal) au casse-pipe.

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
Complément
Pour ma part, il me semble que "d'accord, mais de mort lente" traduit le fait qu'il a surtout envie de vivre. Même si GB a ses idées qu'il défend, je pense que ce ne sont pas des idées qui entraine à risquer sa vie. Chanter Hécatombe ou Les Bourgeois comme Brel ce n'est quand même pas comme prendre les armes, pour le moins ça n'y conduit pas non plus.
[contact auteur : Samuel S.]
La mort (vio)lente
Brassens semble également créer une antithèse à la locution "mourir d'une mort VIOLENTE" par le biais de la rime ("de mort LENTE").
[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
09D'accord, mais de mort lente.
 
10Jugeant qu'il n'y a pas péril en la demeure,
11Allons vers l'autre monde en flânant en chemin
En flânant
On retrouve, sur le mode sérieux, la philosophie hédoniste dans Le testament :
J'ferai la tombe buissionnière
J'quitt'rai la vie à reculons

[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
12Car, à forcer l'allure, il arrive qu'on meure
13Pour des idées n'ayant plus cours le lendemain.
14Or, s'il est une chose amère, désolante,
15En rendant l'âme à Dieu c'est bien de constater
16Qu'on a fait fausse route, qu'on s'est trompé d'idée,
17Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente,
Mourons...
Le verbe mourir est un verbe "faussement" intransitif (tout comme naître, oublier, bander [voir Fernande]...) en suggérant un acte délibéré et volontaire, ce qui n'est pas le cas. Brassens souligne la démagogie derrière le slogan "mourir pour ..." en utilisant l'impératif mourons comme on dirait dansons., mangeons, chantons...
[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
18D'accord, mais de mort lente.
 
19Les Saint Jean Bouche d'Or qui prêchent le martyre,
Saint Jean bouche d'or
Est un éloquent charmeur. Cette expression provient de (saint) Jean, père de l'Église grecque (Antioche v. 344 - près de Comana de Cappadoce 407), évêque de Constantinople dont l'éloquence lui a valu le surnom de Chrysostome (« Bouche d'or »). Sa rigueur et son zèle réformateur le firent envoyer en exil, où il mourut. Larousse
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
20Le plus souvent, d'ailleurs, s'attardent ici-bas.
21Mourir pour des idées, c'est le cas de le dire,
22C'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent pas.
Mourir c'est leur raison de vivre
Il y a là une des plus jolies expressions de l'humour noir de GB. On devine ce qu'il aurait pensé des imams de tout poil (au menton) prêchant "le martyre" aux imberbes élèves de leurs écoles coraniques et mourant de vieillesse dans leur lit.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
Complément
C'est très "voltairien" : "la naissance est un pas vers la mort"
[contact auteur : Michel Lavergne]
C'est leur raison de vivre
Ici, GB dénonce clairement ces "gourous".
Une phrase de Paul Valéry appuie très bien ce vers : "La guerre fait se massacrer des hommes qui ne se connaissent pas, sur ordres de gouvernements qui se connaissent mais ne se massacrent pas."

[contact auteur : An Braz] - [compléter cette analyse]
23Dans presque tous les camps on en voit qui supplantent
24Bientôt Mathusalem dans la longévité.
Mathusalem
Patriarche biblique qui aurait vécu, selon les sources, 969 ou 720 années.
[contact auteur : Romain B.] - [compléter cette analyse]
25J'en conclus qu'ils doivent se dire, en aparté :
26"Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente,
27D'accord, mais de mort lente."
 
28Des idées réclamant le fameux sacrifice,
29Les sectes de tout poil en offrent des séquelles,
Séquelles
Au sens usuel, les séquelles sont les conséquences. La famine et les épidémies sont les séquelles habituelles de la guerre. Il faut avouer que ça ne veut pas dire grand chose dans le contexte.
Mais GB connaît bien notre langue, et Le Petit Robert nous dit que le premier sens, vieilli, de séquelle, est celui d'une "suite de gens attachés aux intérêts de quelqu'un", et que de plus le mot est péjoratif.
Il faut donc comprendre: Toutes sortes de sectes nous montrent des bandes de suiveurs inconditionnels prêts à donner leurs vies pour elles.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
Oui mais dans ce cas, le pronom "en" devrait référer au "quelqu'un" qui dirige la séquelle. Cela ne me gêne pas de prendre le mot dans son sens premier de "conséquence", auquel cas le fameux "en" reprend le premier vers en entier : les sectes offrent les conséquences possibles de ces idées qui réclament le sacrifice.
[contact auteur : Mathieu Rasoli]
Complément
Le dictionnaire Littré donne l'explication du mot : "séquelles" signifiait autrefois "suite, kyrielle" - tout simplement... Une floppée, si vous préférez !
[contact auteur : Damien Bois]
Complément
Brassens prend un malin plaisir à utiliser les mots dans des acceptions tombées en désuétude, une façon de maintenir toujours éveillée la vigilance et le sens critique de l'auditeur. Je pense également à son emploi du mot "modestie" (et de ses dérivés) dans son sens ancien de "pudeur" (l{Les radis}l, l{Les trompettes de la renommé}l, l{Le modeste}l).
[contact auteur : Damien Bois]
30Et la question se pose aux victimes novices :
Novice
On ne meurt qu'une fois. Toutes les victimes sont donc forcément novices. C'est un genre de pléonasme très drôle.
[contact auteur : Claude Polez] - [compléter cette analyse]
31Mourir pour des idées, c'est bien beau mais lesquelles ?
32Et comme toutes sont entre elles ressemblantes,
33Quand il les voit venir, avec leur gros drapeau,
Avec leurs gros drapeaux
On pense à l'expression voir venir qqn avec ses gros sabots qui signifie "sans qu'il puisse cacher ses intentions".
[contact auteur : Yann N.] - [compléter cette analyse]
34Le sage, en hésitant, tourne autour du tombeau.
Tourne autour du tombeau
Dérivation de l'expression "tourner autour du pot" qui signifie, précisément, hésiter, être indécis, prendre son temps avant d'agir.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
35Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente,
36D'accord, mais de mort lente.
 
37Encor s'il suffisait de quelques hécatombes
Hécatombes
Voir Le pluriel :
Pas jaloux pour un sou des morts des Hécatombes,
J´espère être assez grand pour m´en aller tout seul.

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
38Pour qu'enfin tout changeât, qu'enfin tout s'arrangeât !
39Depuis tant de grands soirs que tant de têtes tombent,
Grand soir
Le grand soir, c'est celui de la Révolution (où les têtes vont tomber) et après quoi il y aura des lendemains qui chantent (peut-être)!
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Allitération
"tant de têtes tombent"
J'ai toujours vu dans ces 't' répétés le rythme d'une tête qui tombe de plus en plus rapidement

[contact auteur : Cyrille P.] - [compléter cette analyse]
Complément
Exactement, en phonétique ça évoque bien une tête qui tombe et aussi le roulement de tambour des condamnés : "tatata"...
[contact auteur : Eric St-louis]
40Au paradis sur terre on y serait déjà.
Marxisme
Ce vers, comme la strophe entière, est une critique du marxisme. L'âge d'or et les grands soirs aussi (qui peuvent évoquer les purges communistes...). La crédulité des adeptes du marxisme sera d'ailleurs anéantie par la suite.
[contact auteur : Alek Yop] - [compléter cette analyse]
41Mais l'âge d'or sans cesse est remis aux calendes,
Remis aux calendes
S'entend "aux calendes grecques", c'est-à-dire à jamais (les calendes représentent le premier jour du mois chez les Romains, et les mois grecs n'ont pas de calendes)
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Merci de votre compréhension.
42Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez,
Les dieux
Les Dieux ont soif, titre d'un roman d'Anatole France sur la Terreur, comment on envoyait toujours plus de gens à la guillotine au nom de la Révolution
[contact auteur : Matthias L.] - [compléter cette analyse]
43Et c'est la mort, la mort toujours recommencée...
La mort, la mort, toujours recommencée
Clin d'oeil à Paul Valéry, qui a versifié dans son poème 'Le Cimetière Marin' la forme suivante :
La mer, la mer, toujours recommencée

[contact auteur] - [compléter cette analyse]
44Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente,
45D'accord, mais de mort lente.
 
46Ô vous, les boutefeux, ô vous les bons apôtres,
Boutefeux
1. Tige portant une mèche, utilisée pour mettre le feu à la charge des canons.
2. Personne professant des idées révolutionnaires extrémistes. Hachette

[contact auteur : Romain B.] - [compléter cette analyse]
Bons apôtres
Fait écho au "Déserteur" de Boris Vian :
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le président

Brassens avait par ailleurs rédigé le texte de pochette de l'album de Boris Vian.
Voir également : Le pluriel :
Oui, sans doute, mais moi, j´fais pas le bon apôtre

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
47Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas.
Céder le pas
Laisser passer qqn devant soi par déférence, reconnaître sa supériorité [Larousse].
Il faut donc comprendre ici "après vous, mon cher, nous ne sommes pas pressés de mourir". Ce thème est repris par Brassens dans Le testament, où il déclare vouloir "faire la tombe buissonnière", donc en "prenant le chemin le plus long" et, ainsi, "quitter la vie à reculons".
La Camarde n'a malheureusement pas voulu exaucer ce voeu très explicite.

[contact auteur : Michel P.] - [compléter cette analyse]
Mourez donc les premiers
Allusion probable à Jean-Alphonse Karr (1808-1890) qui avait écrit, en défense de la peine de mort : « Messieurs les assassins, commencez les premiers. »
[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
Complément
Par ailleurs, la phrase de Karr se référait elle-même au célèbre "Tirez donc les premiers, messieurs les Anglais", qui est ici inversé ironiquement par Brassens.
[contact auteur]
48Mais de grâce, morbleu ! laissez vivre les autres,
49La vie est à peu près leur seul luxe ici-bas ;
50Car, enfin, la Camarde est assez vigilante,
La Camarde
Un nez "camus" ou "camard", c'est un nez plat, ou aplati. Le crâne du squelette allégorique qui représente la Mort a un nez fort plat, d'où le surnom de la belle : la Camarde.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
51Elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux.
Tenir la faux
Dérivation de l'expression "tenir la main à quelqu'un" : l'aider, la pousser à agir.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
Complément
Allusion à la représentation allégorique de la mort: "la faucheuse".
[contact auteur : Michel Lavergne]
52Plus de danse macabre autour des échafauds !
Danse Macabre
C'est là le titre d'un des poèmes tirés des Fleurs du Mal, de Charles Baudelaire ; le texte s'applique à décrire de façon fort vivante l'impression qu'une statuette fait à l'auteur.
Il est à noter que dans son ouvrage, Baudelaire dédie son poème au sculpteur de la figurine, Ernest Christophe.

[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Danse macabre
Thème artistique et religieux très fréquent au moyen-âge.
[contact auteur : François M.] - [compléter cette analyse]
Complément
Titre d'un poème symphonique de Camille Saint-Saëns, de 1886.
[contact auteur]
Complément
Visiter à ce propos (la mort dans l'art) : www.geocities.com/ppollefeys/danse.htm
[contact auteur]
53Mourons pour des idées, d'accord, mais de mort lente,
54D'accord, mais de mort lente.

Georges Brassens