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Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Fernande
Le blason
01Ayant avecques lui toujours fait bon ménage,
02J'eusse aimé célébrer, sans être inconvenant,
03Tendre corps féminin, ton plus bel apanage,
04Que tous ceux qui l'ont vu disent hallucinant.
 
05C'eût été mon ultime chant, mon chant du cygne,
06Mon dernier billet doux, mon message d'adieu.
07Or malheureusement les mots qui le désignent
08Le disputent à l'exécrable, à l'odieux.
 
09C'est la grande pitié de la langue française,
10C'est son talon d'Achille et c'est son déshonneur
11De n'offrir que des mots entachés de bassesse
12À cet incomparable instrument de bonheur.
 
13Alors que tant de fleurs ont des noms poétiques,
14Tendre corps féminin, c'est fort malencontreux
15Que ta fleur la plus douce et la plus érotique,
16Et la plus enivrante, en ait de si scabreux.
 
17Mais le pire de tous est un petit vocable
18De trois lettres, pas plus, familier, coutumier,
19Il est inexplicable, il est irrévocable,
20Honte à celui-là qui l'employa le premier.
 
21Honte à celui-là qui, par dépit, par gageure,
22Dota du même terme, en son fiel venimeux,
23Ce grand ami de l'homme et la cinglante injure,
24Celui-là, c'est probable, en était un fameux.
 
25Misogyne à coup sûr, asexué sans doute,
26Aux charmes de Vénus absolument rétif
27Était ce bougre qui, toute honte bue, toute,
28Fit ce rapprochement d'ailleurs intempestif.
 
29La malepeste soit de cette homonymie !
30C'est injuste, Madame, et c'est désobligeant
31Que ce morceau de roi de votre anatomie
32Porte le même nom qu'une foule de gens.
 
33Fasse le ciel qu'un jour dans un trait de génie
34Un poète inspiré, que Pégase soutient,
35Donne, effaçant d'un coup des siècles d'avanie,
36À cette vraie merveille un joli nom chrétien.
 
37En attendant, madame, il semblerait dommage,
38Et vos adorateurs en seraient tous peinés,
39D'aller perdre de vue que pour lui rendre hommage
40Il est d'autres moyens et que je les connais
41Et que je les connais.

Georges Brassens