ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, La religieuse
La rose, la bouteille et la poignée de main
La rose la bouteille et la poignée de main
Cela ressemble au titre d'une fable à la manière de La Fontaine. Mais au lieu d'animaux, il s'agit d'une plante (ce qui est rare chez la Fontaine : le chêne et le roseau) ; une chose (encore plus rare : le pot de fer et le pot de terre) ; et une manifestation venant du coeur (ce qui ne s'était jamais vu).
GB, derrière une tradition poétique et littéraire qu'il tient toujours à faire savoir, montre qu'il est un novateur. Mais ses innovations, contrairement aux dérives modernes nées de "l'art pour l'art" qui semblent souvent très égoïstes, ont chez lui un sens, et s'adressent au coeur de l'homme, de tout homme. C'est une invitation à se regarder en vérité. En ce sens-là, il est bien l'héritier direct de la Fontaine dont il revendique ici, par ce titre, la filiation.

[contact auteur : Martineau Roger] - [compléter cette analyse]
Complément
De plus, on sait que GB a toujours lu Les fables de La Fontaine, un livre offert par Jeanne...
D'après Mario Poletti, même plusieurs années, il l'avait encore à son chevet, et il faisait partie de ses livres favoris.

[contact auteur : Florent L.]
01Cette rose avait glissé de
02La gerbe qu'un héros gâteux
Héros gâteux
Brassens ne semble pas apprécier ce genre de héros que l'on retrouve un peu partout dans son oeuvre (La ballade des gens qui sont nés quelque part, La guerre de 14-18..) mais principalement dans Les patriotes où, là encore les héros sont gâteux...
[contact auteur : Pol Thomas] - [compléter cette analyse]

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03Portait au monument aux Morts.
04Comme tous les gens levaient leurs
05Yeux pour voir hisser les couleurs,
06Je la recueillis sans remords.
 
07Et je repris ma route et m'en allai quérir,
08Au p'tit bonheur la chance, un corsage à fleurir.
09Car c'est une des pir's perversions qui soient
10Que de garder une rose par-devers soi.
 
11La première à qui je l'offris
12Tourna la tête avec mépris,
13La deuxième s'enfuit et court
Et je crois bien qu'il court encore.
"et court encore" est là aussi une citation de La Fontaine, Le Chien et le Loup :
"et je crois bien qu'il court encore"
(le loup ne veut pas de collier, la belle non plus fût-il de fleurs)

[contact auteur : Jean Terutap] - [compléter cette analyse]
14Encore en criant "Au secours !"
15Si la troisième m'a donné
16Un coup d'ombrelle sur le nez,
17La quatrième, c'est plus méchant,
18Se mit en quête d'un agent.
En quête d'un agent
Toujours une certaine aversion pour l'uniforme. Le recours à l'agent parait ici être le retranchement ultime lorsqu'un inconnu offre une fleur. Exagération qui témoigne du "peu" de l'être humain.
[contact auteur : Samuel S.] - [compléter cette analyse]
 
19Car, aujourd'hui, c'est saugrenu,
20Sans être louche, on ne peut pas
21Fleurir de belles inconnues.
22On est tombé bien bas, bien bas...
 
23Et ce pauvre petit bouton
24De rose a fleuri le veston
25D'un vague chien de commissaire,
26Quelle misère!
 
27Cette bouteille était tombée
28De la soutane d'un abbé
29Sortant de la messe ivre mort.
30Une bouteille de vin fin
31Millésimé, béni, divin,
Millésimé
Peut-être une rapide référence à Thank you Satan de Léo Ferré (sorti quelques sept ou huit ans plus tôt) où le prêtre prend du pinard élémentaire pour du Château Margaux.
[contact auteur : Samuel S.] - [compléter cette analyse]
32Je la recueillis sans remords.
 
33Et je repris ma route en cherchant, plein d'espoir,
34Un brave gosier sec pour m'aider à la boire.
35Car c'est une des pir's perversions qui soient
36Que de garder du vin béni par-devers soi.
 
37Le premier refusa mon verre
38En me lorgnant d'un oeil sévère,
39Le deuxième m'a dit, railleur,
40De m'en aller cuver ailleurs.
41Si le troisième, sans retard,
42Au nez m'a jeté le nectar,
Nectar
Le nectar et l'ambroisie sont la boisson et la nourriture des dieux grecs - qui d'ailleurs les rendaient immortels. Le fait que ce nectar soit tombé de la soutane d'un abbé est peut être un mélange volontaire des religions...
[contact auteur : Pol Thomas] - [compléter cette analyse]
43Le quatrième, c'est plus méchant,
44Se mit en quête d'un agent.
 
45Car, aujourd'hui, c'est saugrenu,
46Sans être louche, on ne peut pas
47Trinquer avec des inconnus.
48On est tombé bien bas, bien bas...
 
49Avec la bouteill' de vin fin
50Millésimé, béni, divin,
51Les flics se sont rincé la dalle,
52Un vrai scandale !
 
53Cette pauvre poignée de main
54Gisait, oubliée, en chemin,
55Par deux amis fâchés à mort.
56Quelque peu décontenancée,
57Elle était là, dans le fossé.
58Je la recueillis sans remords.
Félix Leclerc
Ce couplet rappelle celui, célèbre, tiré du P'tit bonheur de Félix Leclerc :
C'était un p'tit bonheur
que j'avais ramassé,
il était tout en pleurs
sur le bord d'un fossé

[contact auteur : Elsa B.] - [compléter cette analyse]
Complément
Le petit bonheur date de 1951, 17 ans avant la chanson de Brassens. Alors que Félix Leclerc veut garder pour lui le petit bonheur qu'il a trouvé, G.B. choisit de partager la rose, la bouteille et la poignée de main.
Dans les deux chansons, les narrateurs se retrouvent seuls.

[contact auteur : Guillaume Benoit]
 
59Et je repris ma route avec l'intention
60De faire circuler la virile effusion,
61Car c'est une des pir's perversions qui soient
62Qu' de garder un' poignée de main par-devers soi.
Les trois grands sujets de Brassens
En trois couplets, G.B réunit trois de ses thèmes de prédilection, à savoir:
- l'antimilitarisme (vieux héros gâteux)
- l'anticlericalisme (le curé ivre mort)
- l'Amitié (la pauvre poignée de main)
Le tout évoqué avec nostalgie ("aujourd'hui...on ne peut plus" , "on est tombé bien bas"). On a bien affaire à un passéiste convaincu !

[contact auteur : Samuel Quinio] - [compléter cette analyse]
 
63Le premier m'a dit: "Fous le camp !
64J’aurais peur de salir mes gants."
65Le deuxième, d'un air dévot,
66Me donna cent sous, d'ailleurs faux.
67Si le troisième, ours mal léché,
68Dans ma main tendue a craché,
69Le quatrième, c'est plus méchant,
70Se mit en quête d'un agent.
En quête d'un agent
N'est pas sans rappeler L'épave : Elle qui chaque soir en voyait une douzaine / Courut dire aux agents "J'ai vu que'qu' chose d'obscène"
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
 
71Car, aujourd'hui, c'est saugrenu,
72Sans être louche, on ne peut pas
73Serrer la main des inconnus.
74On est tombé bien bas, bien bas...
 
75Et la pauvre poignée de main,
76Victime d'un sort inhumain,
77Alla terminer sa carrière
78À la fourrière !

Georges Brassens