ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
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Georges Brassens, Les trompettes de la renommée
Les amours d'antan
Antan
Fait écho aux "neiges d'antan" de la Ballade des dames du temps jadis
[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
Les amours d'antan
Cette chanson évoque selon moi les "Scènes de la vie de Bohème" de Henry Murger, que Brassens connaissait certainement, et dont Puccini a tiré son célèbre opéra. On y retrouve les prénoms des héroïnes : Mimi, Musette, ainsi que les lieux : la barrière.
Dans sa préface, Murger cite Villon et Pierre Gringoire (Le poète de "Notre Dame de Paris" de V. Hugo). Brassens revendique son appartenance à cette famille, à cette lignée. En 2005 a été donné à l'opéra de Tours une très belle version de "La Bohème". Le metteur en scène avait transposé l'action dans le Paris des années 50, celui de Brassens.

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
01Moi, mes amours d'antan c'était de la grisette
Grisette
On le disait par mépris de toutes les femmes ou filles de basse condition, vêtues ou non de cette étoffe de peu de valeur appelée du même nom, à cause de sa couleur (Trévoux)
[contact auteur : Alex L.] - [compléter cette analyse]
02Margot, la blanchecaille, et Fanchon, la cousette...
Blanchecaille
En argot, une blanchisseuse
[contact auteur : Alex L.] - [compléter cette analyse]
Margot
L'utilisation de "Margot " est doublement significative :
- c'est le diminutif de Marguerite, un prénom symbolique dans les jeux amoureux où l'on effeuille la marguerite
- le caractère familier du diminutif suggère la simplicité, la fraîcheur de la fille et de la relation entretenue avec elle

Cette symbolique est peut-être inspirée à Brassens par Musset, poète qu'il affectionne , et auquel on doit le vers :
Vive le mélodrame où Margot a pleuré dans Après une lecture

[contact auteur : Bisson Philippe] - [compléter cette analyse]
03Pas la moindre noblesse, excusez-moi du peu,
Excusez du peu !
Allusion à "excusez du peu" (dit par le chanteur à lui-même).
Il paraît que l'excuse n'est pas vraiment une excuse, mais oppose l'ambition (préconçue) à la réalité (rencontrée), ce que les deux vers suivants illustrent (grâces... oui, mais rôturière ; Vénus... oui, mais de barrière ; nymphes... oui, mais de ruisseau)

[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
04C'étaient, me direz-vous, des grâces roturières,
Imparfait et futur
Admirable formule qui m'avait frappé à la première écoute -- imparfait et futur si étroitement lié avec toute une gamme de possibilités d'interprétations selon le goût de l'auditeur : "vous" peut être le "prince" du dernier vers, mais également "tout le monde" ; le futur "me direz-vous" peut être avenir (entrée dans le paradis de la nostalgie) ou hypothèse...
En six syllabes (hémistiche), Brassens mélange passé (= nostalgie), présent (= cette chanson) et avenir (= la postériorité), ce qui évoque... une éternité !

[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
05Des nymphes de ruisseau, des Vénus de barrière...
Vénus de barrière
Dans un sens vieilli ou littéraire, une "Vénus de barrière" désigne une femme de plaisir, une fille de joie...
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Complément
...oui, parce que les barrières étaient ici les portes de la ville (voir Le Petit Robert), près des "fortifs", les fortifications de Paris que chantait Bruant, lieux fréquentés par le bas peuple et les filles légères. Quant aux ruisseaux, on les appellerait aujourd'hui des caniveaux.
[contact auteur : Henri T.]
Complément
Dans le midi de la France, à Bordeaux et à Albi notamment, les "barrières", anciennement d'octroi, désignent toujours les anciens accès à la ville. Les habitants de ces quartiers qu'on dirait aujourd'hui "de banlieue" n'étaient pas des plus fortunés car les loyers y étaient plus modestes qu'en ville.
[contact auteur : Dominique Chailley]
06Mon Prince, on a les dam's du temps jadis qu'on peut...
 
07Car le coeur à vingt ans se pose où l'oeil se pose,
08Le premier cotillon venu vous en impose,
09La plus humble bergère est un morceau de roi.
10Ça manquait de marquise, on connut la soubrette,
11Faute de fleur de lys on eut la pâquerette,
12Au printemps Cupidon fait flèche de tout bois...
Faire flèche de tout bois
Brassens s'approprie l'expression "faire feu de tout bois", qui signifie "utiliser toutes les possibilités", et l'associe aux flèches de Cupidon pour marquer le fait que le printemps rend les amours volages
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Complément
... et surtout qu'à vingt ans (le printemps de la vie), lorsqu'on est pauvre, on ne fait pas le/la difficile, du moins quant à la condition sociale du/de la partenaire.
[contact auteur : Dominique Chailley]
Complément
En fait, non, l'expression originelle est bien "faire flèche (et non pas feu) de tout bois" : utiliser tous les morceaux de bois pour dont on peut disposer pour les tirer à l'arc en direction de l'objectif à atteindre. Brassens démontre encore là sa grande connaissance de la langue française et, c'est vrai, trousse encore une jolie association d'images entre l'arc, arme mortelle et les flèches de Cupidon, tout aussi mortelles mais pour d'autres raisons...
Claude Gagnière, pour tout l'or des mots col. Bouquins, Ed. Robert Lafont, Paris 1996, page 468.

[contact auteur : Kaeso 03]
 
13On rencontrait la belle aux Puces, le dimanche :
14"Je te plais, tu me plais..." et c'était dans la manche,
15Et les grands sentiments n'étaient pas de rigueur.
16"Je te plais, tu me plais... viens donc beau militaire..."
17Dans un train de banlieue on partait pour Cythère,
Embarquement de Cythère
Tel est le nom d'une peinture d'Antoine Watteau de 1717. Dans cette chanson merveilleuse, Brassens crée une collision permanente entre la sublimité/noblesse (l'art) et la réalité terre-à-terre (la vie). Les grâces... ne sont que roturières, les nymphes... que de ruisseau, les Vénus... que de barrière. Cythère... n'est que la station d'un train de banlieue... (et, de l'autre côté : Psyché se retrouve dans la "moindre des mortelles", comme Goethe l'a dit dans une merveilleuse élégie : il faut que je touche à la chair de femme pour comprendre la beauté de la statue antique).
Quelle beauté, cette chanson de Brassens !

[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
18On n'était pas tenu mêm' d'apporter son coeur...
 
19Mimi, de prime abord, payait guère de mine,
Mi-Mi
On peut noter l'allitération de [m] et l'assonance en [i] : Mimi de prime abord payait guère de mine. Tout se passe comme si le prénom "Mimi" de la jeune fille se diffusait dans le vers, le premier "mi" inversé dans "prime" et le second "mi" dans "mine". En se servant de peu de sonorités, ce vers se fait aussi simple et peu sophistiqué que la jeune fille. Or il s'agit surtout de faire ressortir la beauté du son même des mots, dans une chanson plus dite que chantée.
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
20Chez son fourreur sans doute on ignorait l'hermine,
Fourrure
L'hermine était la fourrure réservée au manteau royal (voir le portrait de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud, au Louvre), et donc le top du luxe. Il est douteux, d'autre part, que Mimi ait eu un fourreur attitré, ce qui était l'apanage des bourgeoises, ni même porté de la fourrure, qui a toujours été hors de prix.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
21Son habit sortait point de l'atelier d'un dieu...
Atelier d'un dieu
Cela me semble faire référence à l"Iliade" : quand Achille a perdu ses armes, sa mère Thétis lui en "commande" de nouvelles à Héphaïstos (Vulcain). Il s'agit donc d'une évocation héroïque placée dans un contexte terre-à-terre.
[contact auteur : Jacques Faulx] - [compléter cette analyse]
22Mais quand, par-dessus le Moulin de la Galette,
Le Moulin de la Galette
Lieu parisien immortalisé par Renoir en 1876 (Le Bal Du Moulin De La Galette), qui évoque une atmosphère égrillarde et festive
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
23Elle jetait pour vous sa parure simplette,
Jeter par-dessus le moulin
Calque probable sur l'expression Jeter son bonnet par-dessus les moulins : "braver l'opinion, la bienséance (surtout en parlant d'une femme, d'une jeune fille)." Grand Robert
[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
Complément
Comme "Jeter sa soutane aux orties..."
[contact auteur]
24C'est Psyché tout entièr' qui vous sautait aux yeux.
Psyché
Dans la mythologie grecque, Psyché est une jeune fille d'une grande beauté, aimée par Éros. Une nuit, elle alluma une lampe, désobéissant au dieu qui lui avait interdit de voir son visage ; Éros la quitta et elle ne le retrouva qu'au terme d'une longue suite d'aventures.
Le mythe de Psyché a figuré par la suite le destin de l'âme déchue, qui, après des épreuves purificatrices, s'unit pour toujours à l'amour divin. Larousse

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25Au second rendez-vous y' avait parfois personne,
26Elle avait fait faux bond, la petite amazone,
Amazone
Outre le sens de femme guerrière montant à cheval, le sein droit coupé pour mieux pouvoir tirer à l'arc (ainsi que le veut la légende), et ne s'unissant qu'à des inconnues, l'amazone désigne aussi, dans son sens argotique, une prostituée en voiture.
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Les bonds de l'amazone
Au vu des deux sens donnés ci-dessus au terme "amazone", le jeu de mots avec "bond" est d'autant plus amusant : quoi de plus naturel en effet pour une cavalière ou une prostituée, que de faire des bonds...
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27Mais l'on ne courait pas se pendre pour autant...
28La marguerite commencée avec Suzette,
29On finissait de l'effeuiller avec Lisette
30Et l'amour y trouvait quand même son content.
Trouver son content
Signifie "être satisfait " (contentement).
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
 
31C'étaient, me direz-vous, des grâces roturières,
Roturier
Qui n'est pas noble
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32Des nymphes de ruisseau, des Vénus de barrière,
33Mais c'étaient mes amours, excusez-moi du peu,
34Des Manon, des Mimi, des Suzon, des Musette,
35Margot la blanche caille, et Fanchon, la cousette,
36Mon Prince, on a les dam's du temps jadis qu'on peut...
Mon prince
Référence au "Prince" à qui sont traditionnellement adressées les ballades (voir la Ballade des dames du temps jadis)
[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]

Georges Brassens