ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Le pornographe
Le Père Noël et la petite fille
01Avec sa hotte sur le dos,
02Avec sa hotte sur le dos,
03Il s'en venait d'Eldorado,
04Il s'en venait d'Eldorado,
El Dorado
Le pays de l'or, et plus précisément le Pérou d'où les conquistadors espagnols ramenèrent dans leurs galions des tonnes du métal précieux qu'ils avaient pillé chez les Incas.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Le Pérou
Voir "Gastibelza l'homme à la carabine".
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Eldorado
Plus exactement lieu mythique où l'or est si présent qu'il en perd toute valeur (cf. Candide). Peut-être imaginé par les Incas pour faire partir au loin (Amazonie) les conquistadores quelque peu soudards. À rapprocher de "Père Noël".
[contact auteur : P'tit B.] - [compléter cette analyse]
05Il avait une barbe blanche,
06Il avait nom « Papa Gâteau »,
Papa Gâteau
Il est riche, semble sage et respectable, se montre généreux. Ce pourrait être une peinture du portrait du Père Noël.
[contact auteur : Torok C.] - [compléter cette analyse]
07Il a mis du pain sur ta planche,
Avoir du pain sur la planche
Il s'agit de la planche sur laquelle on découpait le pain, ou "planche à pain". "Avoir du pain sur la planche", c'était avoir assez à manger. Par extension, cela signifie avoir du travail en perspective, car quand on a du travail on peut espérer pouvoir manger à sa faim.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
La formulation "ta planche" peut prendre un autre sens au fil de la chanson, la planche étant également une évocation du lit.
[contact auteur : Torok C.]
08Il a mis les mains sur tes hanches.
Tes hanches
Pour une fois, et ce n'est peut-être pas uniquement pour les besoins de la rime, Brassens préfère un euphémisme à une grossièreté. Sans doute parce qu'il garde une certaine tendresse pour son héroïne. En effet, vu la transaction à laquelle se livre la petite fille de la chanson, il aurait très bien pu dire: il t'a foutu la main au cul.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Hanches ou cul ?
A mon avis, le sens est très différent :
- la main au cul, c'est un geste paillard, ok.
- les mains sur les hanches, c'est un geste d'appropriation, de possession, qui va beaucoup plus loin !
Et c'est tout le thème de la chanson...

[contact auteur : Gérard Lenne] - [compléter cette analyse]
Complément
Ce geste possessif nous fait comprendre que la générosité était calculée, ce n'était qu'un échange: ta jeunesse contre mon argent.
[contact auteur : Torok C.]
 
09Il t'a prom'née dans un landau,
Landau (d'après la ville allemande de Landau)
C'est aujourd'hui surtout la voiture dans laquelle on promène les petits enfants (ici, la petite fille). Mais ça a longtemps été une voiture à cheval "à quatre roues, à capote fermée de deux soufflets pliants" Petit Robert
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
Permet de souligner le jeune âge de la demoiselle.
[contact auteur : Torok C.]
10Il t'a prom'née dans un landau,
11En route pour la vie d' château,
12En route pour la vie d' château,
13La belle vie dorée sur tranche,
Doré sur tranche
Ce sont les livres de luxe qui avaient parfois la "tranche", c'est à dire le bord extérieur des pages, dorée. "Doré sur tranche" est une façon familière de dire "luxueux".
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Tranche de vie
Sans oublier l'allusion aux "tranches de vie" qui, par le "plateau" du vers suivant, sont rapprochées des tranches de viande/pain.
[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
14Il te l'offrit sur un plateau.
Sur un plateau
Dans les "grandes maisons" d'autrefois, les domestiques ne présentaient jamais quoi que ce soit aux maîtres "du bout des doigts" (comme disait ma grand'mère), mais toujours sur un plateau ; que ce soit la carafe de cognac, la chandelle pour la nuit ou la carte de visite d'un visiteur. Lequel plateau était souvent d'argent. On dit d'ailleurs aussi "sur un plateau d'argent", dans le sens de "avec cérémonie".
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
15Il a mis du grain dans ta grange,
Avoir du grain dans ta grange
Expression signifiant avoir des biens, être riche.
[contact auteur : Bruno Barral] - [compléter cette analyse]
Du Grain dans ta Grange
Peut se voir aussi comme une métaphore sexuelle
[contact auteur : Matt M.] - [compléter cette analyse]
16Il a mis les mains sur tes hanches.
 
17Toi qui n'avais rien sur le dos,
18Toi qui n'avais rien sur le dos,
19Il t'a couverte de manteaux,
20Il t'a couverte de manteaux,
21Il t'a vêtue comme un dimanche,
Comme un dimanche,
En général, les pauvres gens avaient un habit qui ne servait que pour le dimanche, en opposition avec les "vêtements ordinaires" de la semaine. Un peu plus luxueuse que la tenue ordinaire, la tenue dite "du Dimanche" permettait de se rendre à l'église correctement vêtu, et de marquer le fait que le Jour du Seigneur n'était pas un jour comme un autre.
[contact auteur : Bruno Barral] - [compléter cette analyse]
22Tu n'auras pas froid de sitôt.
23Il a mis l'hermine à ta manche,
Hermine
L'hermine, ou "rat d'Arménie", a longtemps fourni une fourrure blanche très précieuse: le portrait de Louix XIV en pied le montre vêtu d'un manteau d'hermine. Aujourd'hui, l'hermine orne encore le costume d'apparat des juges et sommités universitaires.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
à ta hanche
L'élégance de la chanson provient en effet de ces glissements qu'on appelle métonymies ou synecdoques. Si la main sur les hanches est en fait une main au cul, ici l'hermine à la manche est en fait l'hermine à tout le manteau. L'écriture se fait impressionniste, avançant par petits détails visuels qui frappent l'imagination.
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
24Il a mis les mains sur tes hanches.
 
25Tous les camées, tous les émaux,
émaux & camées
Un camée est une pierre fine sculptée en relief. Les émaux sont des ouvrages d'orfèvrerie en émail, dont la technique (cuisson à très haute température d'oxydes métalliques mélangés à un vernis), orientale d'origine, est longtemps restée un mystère chez nous. C'est le fameux Bernard Palissy, sous François 1er, qui l'a redécouverte, dit la légende, en brûlant ses meubles.
Émaux et Camées est le titre d'un recueil de poèmes de Théophile Gautier que Brassens n'ignore certainement pas.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
26Tous les camées, tous les émaux,
27Il les fit pendre à tes rameaux,
28Il les fit pendre à tes rameaux,
29Il fit rouler en avalanches
30Perl' et rubis dans tes sabots.
Cendrillon
Métaphore de Cendrillon où une pauvre fille est tirée de la misère en mettant dans son sabot (la chaussure du miséreux) des rubis et des perles
[contact auteur : Franck Weingaertner] - [compléter cette analyse]
31Il a mis de l'or à ta branche,
Branche
"branche", et un peu plus haut "pendre à tes rameaux" : la petite fille est assimilée à une plante et elle est décorée comme un arbre de Noël... je suppose qu'elle sert de trophée, pour faire étalage de la richesse de celui qui s'en revient d'El Dorado.
Dire une "belle plante" pour désigner une jolie fille n'est même pas considéré comme machiste ; à la lumière de cette chanson, on devrait sans doute...

[contact auteur : Annick W.] - [compléter cette analyse]
Rameaux et branches
à mon sens, la plante est plutôt l'arbre, et pour moi, vu le titre de la chanson, c'est l'arbre de Noël... encore, je dois ajouter que les étiquettes en -iste (en l'occurrence machiste) ratent l'intention de Brassens et cette chanson-ci n'est en rien machiste. Une phrase vraiment machiste est le refrain de Don Juan, mais la chanson elle-même ne l'est pas.
[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
Complément
Il me semble qu'il s'agit plutôt de la branche de l'arbre généalogique. Voir "la branche dont je suis issu" dans Le petit joueur de flûtiau. La petite fille s'est donc ennoblie.
[contact auteur : Daniel Benaim]
32Il a mis les mains sur tes hanches.
 
33Tire la bell', tir' le rideau,
34Tire la bell', tir' le rideau
35Sur tes misères de tantôt,
36Sur tes misères de tantôt,
Tirer le rideau
Ce peut être jeter un voile pudique sur quelque chose d'indécent, mais ici il s'agit du rideau final que l'on tire à la fin de la pièce : les misères de la Petite Fille sont terminées, rideau!
Reste qu'on pourrait jeter un voile pudique sur ce qui va maintenant se passer pour elle.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
Le rideau est tiré au sens propre comme au sens figuré. Pour oublier ta précédente vie misérable il te suffit de tirer le rideau la belle.
[contact auteur : Torok C.]
37Et qu'au-dehors il pleuve, il vente,
38Le mauvais temps n'est plus ton lot,
Ce n'est plus ton lot
Le "lot" est ce qui échoit à une personne, ce que la vie lui réserve (étymologiquement, le "lot" provient d'un mot francique qui désigne le sort). Ici, la malchance de la belle a tourné, et son destin vient de changer du tout au tout.
[contact auteur : Bruno Barral] - [compléter cette analyse]
39Le joli temps des coudées franches...
Coudées franches
Avoir les coudées franches, c'est pouvoir avancer sans jouer des coudes, c'est donc être libre de ses mouvements, être libre tout court. La petite fille est aujourd'hui riche mais (Pauvre Petite Fille Riche) elle a perdu sa liberté au change.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Mauvais temps / joli temps
"Joli temps" : redoublement inversé de l'expression "mauvais temps". Mais glissement poétique une fois de plus (ici c'est ce qu'on appelle un polyptote) : ce n'est pas le même mot "temps" dans les deux cas (weather puis time pour le dire à l'anglaise). Reste que le mauvais et le joli se rejoignent pour faire naître le paradoxe de la chanson : le beau, le bon, le riche sont l'équivalent du laid.
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
40On a mis les mains sur tes hanches.
On
Brassens a peut-être volontairement utilisé à la fin de sa chanson le pronom indéfini "on" pour signifier le caractère quelconque du "père Noël", ce qui renforce le côté pathétique de la chanson.
[contact auteur : Yann N.] - [compléter cette analyse]
Complément
Ce "On" final est bien entendu volontaire, le Père Noël n'est plus le seul à poser les mains sur ses hanches.
[contact auteur : Torok C.]
Complément
Plutôt que parler du "caractère quelconque" de ce "Père Noël" ou dire qu'il "n'est plus le seul" à poser ses mains..., je dirais que ce "on" final laisse entendre qu'il ne "sera" vraisemblablement pas le seul : quand une fille a goûté à ce genre de vie facile, il est rare qu'elle en revienne. Après ce Père Noël, il y aura d'autres Papas Gâteux...
[contact auteur : Dominique Chailley]
Complément
On peut aussi proposer que le "on" permet d'insister davantage sur l'action que sur celui qui la commet. "on a mis les mains sur tes hanches" est un peu équivalente à "tu t'es vendue". Dans tous les cas, il est certain que le Papa Gâteau est évincé, voire aboli, qu'il ne s'agit plus que d'une relation entre la petite fille et elle-même (son corps, sa conscience).
[contact auteur : Mathieu Rasoli]
Complément
Maintenant qu'elle est riche, on (tous) s'intéresse à elle.
[contact auteur : Daniel Benaim]

Georges Brassens