ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Hors album
Ballade à la lune
Mentir
Du grand Musset, Taine a pu dire, lors de son enterrement : "celui-là, au moins, n'aura jamais menti".
Il ne m'est point grand étonnement de voir le vieux Georges saluant l'Alfred à l'aube de ses derniers jours. Tellement derniers, au demeurant, qu'il est parti sans avoir pu enregistrer de sa voix languedocienne sa propre adaptation ! Mais il m'est plaisant de voir mon troubadour préféré avoir eu un clin d'oeil pour ce charmant trouvère.
Grand et fier Musset, dont l'une des devises était cette maxime que n'aurait pas reniée le grand Ours de Sète : "Mon verre n'est pas grand, mais je bois dans mon verre !" Jolie exclamation d'indépendance individuelle, qui me rappelle Rostand : "Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul".
Elle me rappelle aussi le Sétois sublime ("révérence gardée envers Paul Valéry" !) : "Gloire à qui, n'ayant pas d'idéal sacro-saint, se borne à ne pas trop emmerder ses voisins".
Comme quoi au ciel ("qui n'existe pas", d'après Brel dans Les Bigotes), les talents se rejoignent...
Et il me fait plaisir d'imaginer, au fin fond d'un estaminet céleste, Brassens, Brel et Lino (Ventura) attablés, et en train d'écouter, nostalgiques et goguenards, le dernier tube outre-tombe de la môme Piaf ! Et je la vois très bien, tout aussi goguenarde, balancer à leur encontre: "Enfin des vrais mecs ! Merci les gars, d'être venus ! Il manque plus que le Gabin, tiens !"
Affection et salut à tous les amoureux et les amoureuses de la langue française et du talent de ceux qui savaient ce qu'étaient la pudeur, l'élégance, la droiture et la dignité !

[contact auteur : Emmanuel G.] - [compléter cette analyse]
Complément
Cela dit, Brassens l'a enregistrée cette chanson. Sauf erreur de ma part, elle figure sur l'album intitulé "Mourir pour des idées" de la collection complète
[contact auteur : Mathieu Rasoli]
01C'était, dans la nuit brune,
02Sur un clocher jauni,
03La lune,
04Comme un point sur un i.
 
05Lune, quel esprit sombre
06Promène au bout d'un fil,
Fil
La lune comme yoyo d'un dieu (esprit?) chagrin (sombre). Rigolo, non? Musset, ou l'art de transformer la mélancolie en gag léger.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
07Dans l'ombre,
08Ta face et ton profil ?
Face et profil
Face: pleine lune.
Profil: croissant de lune, avec son menton en galoche.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
 
09Es-tu l'oeil du ciel borgne ?
Borgne
La nuit, le ciel n'a qu'un oeil : celui de la lune.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
10Quel chérubin cafard
11Nous lorgne
12Sous ton masque blafard ?
 
13Est-ce un ver qui te ronge
14Quand ton disque noirci
15S'allonge
16En croissant rétréci ?
S'allonge en croissant rétréci
La formule est jolie : ce qui augmente est décrit par autre chose se rapetissant.
[contact auteur : Samuel S.] - [compléter cette analyse]
 
17Es-tu, je t'en soupçonne,
18Le vieux cadran de fer
19Qui sonne
20L'heure aux damnés d'enfer ?
 
21Sur ton front qui voyage,
22Ce soir, ont-ils compté
23Quel âge
Inversion audacieuse
La licence poétique, qui n'est pas un diplôme, permet certaines audaces. Comme cette inversion un peu acrobatique. Ici il faut comprendre: Quel âge ont-il compté à leur éternité? Autrement dit: En regardant le cadran de la lune, les damnés ont-ils pu compter le temps depuis lequel ils sont en enfer ?
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
On peut aussi comprendre le "A" comme le verbe avoir conjugué : quel âge a leur éternité ? Cela donne encore plus de force à la notion d'éternité.
Mais le "A" compris pour "à" donne aussi de la force à la condition des damnés.

[contact auteur : Samuel S.]
24A leur éternité ?
 
25Qui t'avait éborgnée
Qui t'avait éborgnée
GB prononce "qui t'avait-z-éborgnée" comme dans Corne d'Aurochs il prononce "coucha-z-avec son remplaçant".
Ce vers est difficile à dire. La liaison "qui t'avait-t-éborgnée", juste, n'est pas très jolie. On peut aussi laisser traîner le "ait" et enchaîner sur le "é".

[contact auteur : Samuel S.] - [compléter cette analyse]
26L'autre nuit ? T'étais-tu
27Cognée
28Contre un arbre pointu ?
Contre un arbre pointu
Chez Musset : à quelqu'arbre pointu. Très joli.
[contact auteur : Samuel S.] - [compléter cette analyse]
 
29Car tu vins, pâle et morne,
30Coller sur mes carreaux
31Ta corne,
32À travers les barreaux.
 
33Lune, en notre mémoire,
34De tes belles amours
35L'histoire
36T'embellira toujours.
 
37Et toujours rajeunie,
38Tu seras du passant
39Bénie,
40Pleine lune ou croissant.
 
41Et qu'il vente ou qu'il neige,
42Moi-même, chaque soir,
43Que fais-je,
44Venant ici m'asseoir ?
 
45Je viens voir à la brune,
Brune
"à la brune" = à la nuit tombée
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
46Sur le clocher jauni
Jauni
C'est sans doute la lumière de la lune qui "jaunit" le clocher. Mais "jauni" évoque aussi le blanc passé, les robes fanées, les vieilles dentelles, peut-être ici les vieilles pierres. On reste dans la mélancolie, allégée par le gag visuel du point sur le i.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
47La lune,
48Comme un point sur un i.
 
49Je viens voir à la brune,
50Sur le clocher jauni,
Sur LE clocher jauni
L'emploi de l'article défini dans ce vers, alors qu'au vers 2 était employé l'article indéfini "un", montre l'habitude et souligne le fait que la lune revient toujours au même clocher. Belle façon de décrire le cycle.
[contact auteur : Samuel S.] - [compléter cette analyse]
51La lune,
52Comme un point sur un i.

Alfred De Musset